L'avenir de la Libye sera-t-il encore incertain? Depuis des mois, la situation est bloquée entre, d'une part, le gouvernement d'union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, et, d'autre part, une autorité rivale, installée dans l'Est, et qui contrôle une large partie de la Cyrénaïque. Alors que la déroute du groupe terroriste Etat islamique à Syrte augurait d'une page nouvelle dans la restauration de la paix et de la sécurité dans la Libye voisine, voilà que les sirènes de la discorde ont retenti ces jours derniers, avec des risques d'affrontements entre les principales factions rivales. Les récents combats qui ont eu lieu, d'abord au niveau des sites pétroliers dont s'est emparé Khalifa Haftar, puis dans la localité d'al Joufra où prédominent les milices de Misrata, font craindre un conflit généralisé dont pâtirait gravement le peuple libyen. Depuis 2011, le pays est déchiré par les ambitions des milices et les revendications de dizaines de tribus, composantes incontournables de la société libyenne, alors que l'Armée nationale libyenne de Haftar, en tandem avec le Parlement de Tobrouk, prétend asseoir son pouvoir sur l'ensemble du territoire. Ainsi, la situation est bloquée, entre, d'une part, le gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale, et, d'autre part, les autorités rivales installées dans l'Est et contrôlant une large partie de la Cyrénaïque, à commencer par le croissant pétrolier. Sont donc face à face, militairement, les groupes armés de Misrata, riche cité de l'Ouest libyen, qui ont réussi à chasser l' EI de Syrte, sous la bannière du GNA, et l'Armée nationale libyenne (ANL) auto-proclamée du maréchal Haftar qui combat les groupes terroristes dans la partie orientale du pays, notamment à Benghazi. Mais Haftar ne veut pas en rester là et promet de «nettoyer» tout le sud du pays de la «menace terroriste», accusant les milices de connivence avec les jihadistes. Le modus vivendi, respecté pendant des mois, a brusquement cédé place à une tension de plus en plus inquiétante, ravivée par le succès des milices de Misrata à Syrte face à l'EI. Certaines de ces milices, parmi les plus dures, auraient tenté, voici quatre jours, de reprendre les bases pétrolières sur lesquelles l'ANL a fait main basse en juin 2016, mandatée par les autorités non reconnues de Tobrouk. Elles ont été repoussées vers leur base de départ, dans la localité d'al Joufra. Et la riposte de Haftar n'a pas tardé, avec plusieurs attaques dont celle qui a ciblé un avion militaire transportant des dignitaires et des commandants de Misrata, qualifiés de «terroristes». C'était allumer la mèche car des milices modérées, jusque-là en retrait des opérations contre l'ANL, ont aussitôt dépêché des renforts vers al Jouffra et Sebha pour «sécuriser» leurs bases, à plus de 600 km de Tripoli. Dans le même temps, le GNA de Fayez al Serraj a subi un coup dur avec la démission, mardi dernier, du ministre de l'Intérieur et d'un vice-Premier ministre, Moussa el-Kouni qui faisait partie des neuf membres du Conseil présidentiel dont l'autorité reste, un an après sa mise en place, circonscrite par l'hostilité du Parlement et de l'ANL. Ce regain de tension, après des mois d'accalmie, a conduit l'Algérie à «appeler à la retenue et à la sagesse, dans l'intérêt même du peuple libyen frère», comme nous l'a confié une source diplomatique de haut niveau, alors que l'émissaire de l'ONU en Libye, Martin Kobler, qui sera dans quelques jours à Alger, n'a pas caché son désarroi, «exhortant toutes les parties» au calme. Les Etats-Unis qui avaient annoncé, quelques jours plus tôt, la fin des opérations de leurs drones à Syrte ont également exprimé «leur profonde inquiétude», soulignant que «ces violences ne profiteront qu'à Daesh et à d'autres extrémistes». Selon plusieurs sources de renseignements, la menace terroriste est toujours présente, non seulement dans le Sud libyen, à Benghazi et à Syrte mais également à Tripoli. Sans compter que le Sud accueille aussi des cellules dormantes et des séjours cycliques des factions qui sévissent dans les pays sahéliens, que ce soit Aqmi, El Mourabitoune ou Boko Haram. Dans ce contexte, la carte algérienne est plus que jamais vitale pour apaiser les ardeurs des uns et des autres et préserver les chances d'aboutir à la solution consensuelle à laquelle travaillent d'arrache-pied la diplomatie de notre pays, la médiation onusienne, la Ligue arabe et l'Union africaine depuis des mois et des mois. En recevant mercredi dernier Abderrahmane Sweihli, président du Haut Conseil d'Etat libyen (Sénat), Abdelkader Messahel a encore réitéré la position de l'Algérie qui soutient résolument le GNA, issu de l'accord de fin 2015, et préconise la recherche responsable et apaisée d'une solution consensuelle, respectueuse des intérêts légitimes du peuple libyen. En d'autres termes, Alger confirme les lignes rouges que sont le respect de l'intégrité territoriale, de la souveraineté et de la sécurité de la Libye, loin de toute ingérence extérieure, ainsi que le libre-arbitre de toutes les parties intéressées à la crise, dans le cadre d'un dialogue inclusif, seule voie pour parvenir à une paix et une réconciliation durables. Est-il besoin de le rappeler, une tension aggravée dans une Libye déjà fortement minée par la menace terroriste entraînera fatalement des nuages plus ou moins sombres dans le ciel de tous les pays voisins, dont l'Algérie qui a cependant déjà anticipé tous les risques sur les 1001 km de frontière commune.