Pour ces jeunes chômeurs, c'est la dérive totale. Le vide vécu est aussi synonyme d'actes qui pourraient les conduire en prison. La wilaya de Tissemsilt compte un taux de chômage des plus élevés du pays malgré les efforts consentis par l'Etat. Ce chiffre ne cesse d'augmenter, et ce, en l'absence d'un investissement réel capable de canaliser cette jeune main-d'oeuvre qui arrive dans le marché du travail chaque année. Pour N. R., ingénieur en travaux publics au chômage, le problème dure depuis 5 ans déjà, il a frappé à toutes les portes, en vain. Il est désespéré et découragé de se voir recruté un jour, il se convertit dans le trabendo. Ainsi, tous les dimanches et lundis il fait un tour au souk de Hassi Fdoul pour s'approvisionner en vêtements et souliers bon marché afin de les revendre à Tissemsilt avec une légère marge bénéficiaire. «Cette activité est certes accompagnée de risques, mais il faut que je gagne ma vie honnêtement au lieu de tendre la main aux parents et amis», explique-t-il. Pour M. O., licencié en biologie, la longue période d'attente d'un poste de travail l'a contraint à chercher du côté des privés pour subvenir aux besoins de sa famille. «Je travaille actuellement comme vendeur dans un magasin de vêtements pour femmes, je ne touche que 2.000 DA par mois... Mais, me semble-t-il, c'est mieux que rien», dira-t-il. Certains comme B.Mohamed et L.Rachid sont dans la vente des fruits et légumes au marché du Derb. D'autres jeunes ont opté pour la vente de cigarettes et friandises qu'ils exposent sur de petites tables aménagées spécialement pour ces petits boulots et faciles à transporter. Pour des dizaines d'autres jeunes, c'est en revanche le vide total. Ils passent leurs journées adossés aux murs des immeubles et devant les lycées et collèges à harceler les jeunes filles. Le soir ils investissent les cafés et salles de jeu, quand ils ne sont pas au coin d'une rue s'adonnant à la consommation de la drogue. Entre ces derniers, des disputes éclatent souvent et, par moments, on enregistre même des agressions physiques à l'arme blanche. Pour ces jeunes chômeurs, c'est la dérive totale. Le vide vécu est aussi synonyme d'actes qui pourront les conduire en prison, comme c'est le cas de D. M. âgé de 22 ans, d'Aïn El-Bordj sorti de prison suite à la grâce présidentielle, mais il récidive en agressant un homme à l'arme blanche, il y a quelques jours. Plusieurs suicides ont été également enregistrés ces derniers temps, en plus des vols, des agressions, des actes de vandalisme, etc. Pour Mourad S., revendeur de pain au marché Hlioua comme beaucoup de ses amis qui viennent écouler leurs marchandises l'après-midi, «l'essentiel est de gagner quelques sous au lieu d'avoir de mauvaises fréquentations qui finissent toujours mal.» «Nous ne demandons qu'à être employés, hélas, ici pour avoir un emploi, il faut avoir le bras long», dira-t-il avant que son camarade n'enchaîne: «Il est vrai que des offres d'emploi sont souvent faites par les administrations publiques. Cependant les heureux bénéficiaires sont toujours connus à l'avance même dans le cadre du filet social et de l'emploi de jeunes. C'est toujours pareil.»