Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales La loi sur les associations et la nouvelle loi sur les partis politiques que Bedoui présentera bientôt au Parlement vont reconfigurer radicalement le paysage politique national. La nouvelle loi sur les partis politiques consacrera-t-elle officiellement le retrait de son agrément à tout parti boycottant les élections et à ceux qui n'apparaissent que lors des élections? La loi sur les partis de 2012 précise sans nuances les conditions dans lesquelles il est possible de retirer son agrément à un parti politique, autrement dit de le dissoudre. «La disposition se trouve dans la loi organique relative aux partis politiques (janvier 2012), article 70. Cet article stipule ce qui suit: «La dissolution du parti politique peut être engagée par le ministre chargé de l'Intérieur devant le Conseil d'Etat, lorsque:-le parti politique a exercé des activités contraires aux dispositions de la présente loi organique ou autres que celles prévues par ses statuts, - n'a pas présenté de candidats à quatre élections législatives et locales consécutives au moins, - récidive dans la violation des dispositions de l'article 66 ci-dessus, après une première suspension, il est établi qu'il n'exerce plus ses activités réglementaires prévues par ses statuts», nous explique Fatiha Benabou, constitutionnaliste, contactée hier. Par conséquent, la loi sur les partis, actuellement en vigueur, ne permet pas au ministère de l'Intérieur de dissoudre les partis ayant décidé de boycotter les législatives d'avril. Toutefois, tout porte à croire que le département de Nouredine Bedoui est résolu à «assainir» la scène politique nationale, d'une part, en la débarrassant des partis saisonniers qui ne sortent de leur tanière que pour prendre part -très timidement de surcroît- à des élections et, d'autre part, deux partis dont le boycott des échéances électorales relève d'une option politique stratégique. Pour ce faire, c'est un amendement de la loi de 2012 qui serait, selon certaines indiscrétions, prévu. Il est en effet attendu que le ministère de l'Intérieur retire leur agrément à tous les partis boycottant les élections, même si le nombre d'élections n'est pas encore donné» ainsi qu'à ceux dont les résultats électoraux représentent moins de 4% des suffrages au niveau national à la faveur de l'amendement de la loi sur les partis qui est en cours d'élaboration. Cet «assainissement» voulu, viserait, laisse-t-on entendre, à mobiliser la population et à la faire adhérer à la vie politique du pays et ce, d'autant plus que la crise qui bat son plein aujourd'hui plaide souverainement pour la rigueur, la stabilité et le retour à la légitimité. Encore que, même dans le cadre de la loi actuelle, l'asphyxie de plusieurs partis, notamment ceux qui ne sont pas pourvus d'un ancrage social important, n'est pas exclue puisque chaque parti ayant obtenu dans une circonscription donnée moins de 4% des suffrages lors des élections précédentes est tenu de présenter 200 parrainages pour chacun de ses candidats, ce qui est loin d'être une sinécure. Contrairement à ce qui se dit, cette loi peut s'impliquer cette année en tenant compte des résultats électoraux de 2012 et tous les partis n'ayant pas pris part à ces élections seront sommés de présenter des parrainages. «La loi peut parfaitement s'appliquer pour cette élection (avril 2017) car les partis politiques n'ont pas de droits acquis. Or, l'effet non rétroactif concerne seulement les droits acquis, ce qui n'est pas le cas. Le pourcentage 4% n'est pas un droit acquis», nous explique Fatiha Benabou. En effet, il y a quelque jours, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui, sest adressé solennellement aux partis ayant décidé de boycotter les prochaines législatives, à savoir Talaie El Houryet, Jil Jadid et AHD 54, en leur rappelant que «le ministère de l'Intérieur ne donne pas d'agrément aux partis pour participer uniquement aux élections présidentielles», faisant ainsi allusion notamment à la formation de Ali Benflis qui a déclaré, il y a quelques jours, qu'«il n'y a pas de grands bénéfices à attendre des petites causes, car il n'y a que les grandes causes qui rendent même les gains les plus petits plus gratifiants et plus honorables». Tout de suite après, il a fait savoir que ses services sont en train d'élaborer la nouvelle loi sur les partis, la loi sur les associations et le Code communal qui, a-t-il précisé, «comporteront une vision nouvelle en adéquation avec l'esprit de la Constitution amendée». Il a ajouté que «ces lois seront bientôt soumises au Parlement». Bien qu'il n'ait révélé aucune intention de retirer son agrément à un quelconque parti politique, le ministre de l'Intérieur fait peur. Va-t-il réussir à remettre dans les rangs les partis ayant opté pour le boycott ou, à défaut, les dissoudre, et, plus globalement, à «assainir» la scène politique en la débarrassant des partis saisonniers? «Le problème en Algérie, c'est que la plupart des libertés s'exercent dans le cadre de la loi, c'est-à-dire, que la loi peut restreindre cette liberté. Parfois, cela touche l'essence de la liberté,» estime Fatiha Benabou qui constate par ailleurs que, à l'heure actuelle, l'absence de contre-pouvoir constitutionnellement habilité entrave la protection de la constitutionnalité des lois même si, reconnaît-elle, «il y a le contrôle constitutionnel qui vient même d'être étendu aux membres du Parlement, y compris l'opposition, qui peuvent saisir le Conseil constitutionnel s'ils doutent de la constitutionnalité d'un projet de loi». Dans cette situation, il est possible que l'opposition parlementaire se mobilise pour rejeter une loi visant à mettre sous pression les partis? Peut-être. Mais rien n'est acquis.