La presse écrite face à un grand défi Facebook peut devenir un méga éditeur qui décidera de la ligne éditoriale, du contenu des articles et pourra orienter à sa guise l'opinion nationale. Le réseau social Facebook ambitionne de devenir un média à part entière. Il en a les moyens et son développement exponentiel dans le monde entier, dont l'Algérie, amène à craindre, à terme, une hypothèque de la souveraineté nationale en termes d'information en direction du grand public. Les effets négatifs sur la presse écrite se font déjà sentir, avec une baisse des tirages généralisée que connaissent les journaux arabophones comme francophones. Cette baisse d'audience manifeste s'accompagne d'une baisse inquiétante du volume de la publicité institutionnelle, en raison de la crise financière que vit le pays. L'ensemble des titres vivent donc une situation de crise qui s'éternise et conduit la profession dans le mur. Les observateurs notent que l'influence du réseau social a fait migrer beaucoup de lecteurs, mais aussi un grand nombre d'annonceurs privés. Il se trouve, en effet, que la publicité de nombreux opérateurs économiques est systématiquement orientée vers Facebook. Les avantages sont très nombreux. Le ciblage garanti de la clientèle, un suivi en temps réel de l'impact effectif du message publicitaire sur la population-cible, encouragent les entreprises privées à adopter ce support qui connaît un succès foudroyant. Tellement important d'ailleurs que toutes les nouvelles marques de produits électroniques se sont engouffrées dans la brèche au grand bonheur des propriétaires de Facebook qui trouvent dans les Algériens, comme dans l'ensemble de l'humanité d'ailleurs, un véritable filon, à première vue, inépuisable. L'entrée de la société dans l'ère de la numérisation et le e-payement apportent un surplus de crédit au réseau social le plus populaire en Algérie, ce qui intéresse fortement les fabriquants et distributeurs de produits grand marché. Les tarifs défiant toute concurrence, affichés par Facebook, finissent par faire fondre toute résistance des opérateurs économiques. Le recours à ce nouveau média devient systématique pour l'ensemble des marques nationales et étrangères opérant en Algérie. Certaines gardent un pied dans la presse écrite et dans l'audiovisuel, mais la tendance lourde penche immanquablement en direction de Facebook au détriment des médias traditionnels. Cette situation pourrait être vue comme relevant de la concurrence commerciale, appuyée par un développement technologique qu'il serait vain de combattre. Mais le danger est bien plus grand qu'un simple «dérèglement» d'un marché ou la migration des annonceurs publicitaires d'un support statique à un autre autrement plus dynamique. L'influence grandissante de Facebook n'oblige pas la presse nationale à une «mutation-adaptation» en réponse à une nouvelle donne, mais la conduit à sa mort ni plus ni moins. Et pour cause, le scénario catastrophe se dessine déjà. A terme, l'ensemble des journaux devront mettre la clé sous le paillasson, Facebook ayant rendu leur modèle économique non viable. On assistera à la suprématie de ce réseau social qui ne cache pas son ambition de muer en média à part entière. Rien ne peut l'empêcher de reprendre le travail journalistique à son compte, en recrutant des journalistes algériens. Facebook sera, de fait, un méga éditeur qui décidera de la ligne éditoriale, du contenu des articles, il pourra orienter à sa guise l'opinion nationale, en l'absence de tout contre-pouvoir. Cette thèse ne relève pas de la science-fiction. Elle est vraisemblable. On en voit déjà les prémices sur la scène médiatique et publicitaire en Algérie. La décision du gouvernement d'interdire les insertions publicitaires sur Facebook, Twitter et YouTube, est peut-être un signe d'une prise de conscience du danger qui guette la presse nationale. Mais il faut bien se rendre à l'évidence, cela ne suffira pas à stopper la déferlante des réseaux sociaux, plus précisément Facebook. L'intervention des pouvoirs publics doit être plus énergique, non pas pour brimer l'aspiration des Algériens à diversifier leurs sources d'information ni à restreindre le champ de communication économique aux entreprises nationales, mais à garantir un principe constitutionnel cardinal, celui de la souveraineté sur l'information. Cela passe par la présence sur la scène médiatique de journaux algériens qui décryptent l'information nationale, pour que le pays garde une maîtrise sur un secteur très sensible. Les autres pays, à l'image de la France, ont pris conscience de l'importance de la sauvegarde du paysage médiatique, seul garant d'une vie démocratique. La démocratie a un prix et c'est pour cela que le gouvernement français subventionne la presse de ce pays selon un barème transparent qui lui garantit une solvabilité économique, sans toucher à sa liberté éditoriale. Il serait peut-être temps pour le gouvernement algérien de réfléchir à adopter une démarche similaire pour éviter une prise en main de l'information par un média géant et que l'on ne contrôlera jamais.