Toute réconciliation et démocratie sont tributaires de dialogue et de respect des droits de l'homme. «La lutte implacable contre le terrorisme ne peut être efficace que sur la base d´une stratégie de neutralisation et d´isolement des groupes terroristes», a souligné le président de la République. Pour ce faire, Abdelaziz Bouteflika a prôné la mise en oeuvre méthodique et systématique d´une telle stratégie, à l´échelle de la planète tout entière, qui est, à l´heure actuelle, subordonnée à une définition universellement admise du terrorisme. «Si la collaboration des services de sécurité des différents Etats est essentielle, un énorme travail doit être accompli, à l´échelle intercivilisationnelle, sur les terrains politique, économique et culturel, tant il est vrai que le terrorisme, pour exécrable qu´il soit, est toujours et partout l´expression exacerbée d´un malaise social et civilisationnel», a poursuivi le président de la République, notant qu´une «alliance des civilisations des deux rives de la Méditerranée, pourrait se donner pour objectif d´isoler le terrorisme en le définissant avec précision, et en le différenciant clairement de la violence légitime des peuples en lutte, pour recouvrer leurs droits nationaux». Prenant la défense de l'islam, religion de tolérance, que certains accusent d'être la source du terrorisme, Abdelaziz Bouteflika a souligné dans son intervention devant les participants à la conférence sur Le dialogue entre les civilisations: un facteur de paix et de progrès pour l´humanité, organisée, hier à Paris par l´Unesco que «le terrorisme, cette forme d'expression politique brutale, exécrable à coup sûr, n´est l´apanage d´aucune civilisation, mais le lot commun de toutes les civilisations, de tous les peuples, à certains tournants de leur histoire». Ajoutant, «non, le terrorisme n´est pas inscrit dans la matrice de la civilisation musulmane. Rien ne peut justifier cette folie meurtrière et ce jeu de massacre. Il est indispensable néanmoins de remonter à la genèse du phénomène et s´attaquer avec courage et sans hypocrisie aux causes, à toutes les causes». Reconnaissant les ravages causés par les groupes terroristes se réclamant de l'islam, en premier lieu, à leurs propres peuples et à leur propre civilisation, Bouteflika a rappelé que «l´Europe, à deux reprises, dans son histoire contemporaine, a connu des vagues terroristes de grande ampleur, menées par des groupes qui se réclamaient des valeurs produites par l´Occident: une première fois dans les années qui ont précédé la Première Guerre mondiale, une seconde fois, pendant la décennie soixante-dix». Ainsi, pour le chef de l'Etat, le terrorisme est «une perversion, une «obviation» provisoire des valeurs centrales de la civilisation musulmane par des groupes structurellement marginaux, et non les prodromes d´une confrontation guerrière généralisée, entre la civilisation musulmane et l´Occident». Le président de la République a en outre considéré qu'une alliance des civilisations constituerait «l´armature nécessaire, pour que le dialogue des civilisations puisse se déployer avec le maximum d´intensité et d´efficacité, dans une concurrence solidaire». Critiquant le projet GMO, visant à favoriser, selon ses concepteurs, les réformes économiques dans cette région, Bouteflika a fustigé «la réactivation fantasmatique de la croisade», en référence à la guerre d'Irak avant d'avertir: «On ne joue pas impunément avec l´imaginaire des peuples.» De ce fait, tout conflit doit être réglé par le dialogue, «nécessité vitale, pour la survie de l´humanité. Toute confrontation généralisée entre civilisations serait suicidaire, et la théorie du choc des civilisations pousse incontestablement dans ce sens», a souligné le chef de l'Etat. Néanmoins, un tel concept ne peut réussir que si «les autres civilisations arrivent à convaincre la civilisation occidentale à se guérir de la conception universaliste de son rôle». Enfin, le chef de l´Etat a estimé que «généraliser, organiser la prise de conscience de la solidarité différentielle des civilisations est la meilleure riposte que l´humanité puisse faire aux tenants du choc des civilisations». Ainsi, promouvoir le dialogue des civilisations constitue un contre-feu pacifiant à l´idéologie guerrière du «choc» capable de la faire refluer. Or, comme l'a souligné M.Matsuura, directeur général de l'Unesco, le dialogue doit s'accompagner nécessairement «d'un ancrage solide dans la démocratie, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, seuls garants d'une paix et d'un développement durable, conditions indispensables à toute réconciliation». Par ailleurs, et après son intervention, Abdelaziz Bouteflika a eu un entretien en tête-à-tête avec son homologue français, Jacques Chirac. A l'issue de l'entretien, Abdelaziz Bouteflika a indiqué que le traité d'amitié sera finalisé avant la fin de l'année.