Dans cet entretien, le président de la Commission consultative de promotion des droits de l'Homme développe ses arguments en faveur d'une amnistie générale en précisant que celle-ci ne signifie pas cessation de la lutte contre les terroristes qui refuseront de se rendre. Liberté : Vous avez affirmé récemment que 2010 sera l'année de l'amnistie. D'où vous vient cette conviction ? Me Farouk Ksentini : Ma conviction est d'inspiration personnelle. Vous savez, les grandes décisions comme celle-ci se prennent au début et non à la fin du mandat présidentiel. Le temps raisonnable est venu pour en finir avec la réconciliation nationale à laquelle on peut lui rattacher l'amnistie. Pourquoi un référendum ? Cette question peut aussi bien être soumise au vote du Parlement ? Le référendum est sans doute le meilleur moyen pour que le peuple donne son avis sur un dossier aussi sensible. Je pense que cela sera le cas. Le président de la République en a déjà parlé. C'est un moyen démocratique. Les précédents votes ont été entachés de fraude, comment être sûr que cette fois-ci, le choix du peuple sera respecté ? La fraude, je la conteste. Seulement durant la dernière élection, des observateurs internationaux étaient présents et aucun d'eux n'a parlé de fraude. Le référendum est un moyen démocratique. C'est faire entendre la voix du peuple, et c'est à lui de refuser ou d'accepter cette amnistie générale. Y a-t-il un préalable à cette amnistie ? Bien sûr qu'il y a un préalable, c'est la reddition de tous les terroristes. Qu'ils se rendent d'abord, ensuite ils seront amnistiés. Les terroristes encore en activité ont refusé toutes les précédentes mains tendues de l'Etat, qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils accepteront de se rendre cette fois-ci ? Je pense que c'est faisable. Il n'y a aucun obstacle d'aucune nature que ce soit. Il suffit de poser le problème et subordonner l'amnistie à la reddition des terroristes. Soit ils acceptent, soit ils seront exterminés. L'amnistie générale ne veut pas dire que les forces de l'ordre vont cesser de combattre le terrorisme. Ils seront toujours combattus s'ils refusent de se rendre. Que contiendra de plus l'amnistie générale par rapport à la Charte pour la paix et la réconciliation ? Les terroristes qui se rendent cesseront d'être poursuivis, c'est déjà beaucoup. S'il n'y a plus de terrorisme, le pays va retrouver une paix civile. Toutes les possibilités seront possibles. L'économie va reprendre un coup de fouet, l'investissement va être dynamisé, etc. Les autres offres de paix se sont soldées par un bilan très mitigé. Pourquoi s'acharner à poursuivre dans cette voie ? Comment ça les autres démarches de paix n'ont rien donné ! La vie normale a repris à 90%, l'économie a redémarré, les gens vont à la plage. Il faut vraiment être de mauvaise foi pour prétendre que les efforts de l'Etat pour rétablir la paix n'ont rien donné. Sans vérité et justice, est-il possible de renouer avec la paix tout en apaisant les esprits et fermant les blessures ? La justice et la vérité, c'est l'affaire des historiens, pas des politiques. Avant d'entamer l'organisation du référendum autour de cette amnistie, pensez-vous que le chef de l'Etat engagera des discussions avec des personnes concernées par ce dossier ? Le Président a toujours suivi une démarche démocratique. C'est un homme ouvert au dialogue. Il consultera certainement les partenaires sociaux et politiques. Il ne va pas agir isolément. Cette amnistie, personnellement, je l'ai souhaitée et je soutiens le Président à fond sur cette question. La réconciliation nationale s'est achevée, il faut la clôturer par l'amnistie pour que le pays tourne une page agitée de son histoire. Les familles de victimes du terrorisme se sentent lésées et réclament un statut et plus de droits. Cette amnistie qui se prépare sera-t-elle accompagnée de mesures en leur faveur ? Les familles de victimes du terrorisme ont été prises en charge par la Charte pour la paix et la réconciliation. Ces familles ont été indemnisées. Aucun pays n'a fourni un effort financier aussi considérable dans le domaine. N. H.