Le nouveau contrat, que va, apparemment, proposer Benflis aux Algériens obéit à une logique où le concept de démocratie prend une autre signification que celle que lui donne la majorité des acteurs politiques nationaux. Des trois équipes d'experts installées par le chef de l'Etat pour plancher sur les grandes réformes, celle proposant de revoir le fonctionnement des structures de l'Etat (CNRSE) est passée presque inaperçue. Alors que les commissions de réformes de la justice et du système éducatif ont été, pendant longtemps, au centre d'âpres polémiques au sein de la classe politique nationale, le rapport Sbih n'a, quant à lui, suscité que peu de réactions. Le fait est que l'essentiel des recommandations du CNRSE soit d'ordre technique et organisationnel. Les partis attendent surtout la traduction sur le terrain des observations des experts pour en apprécier les fondements politiques et réagir en conséquence. Le silence du personnel politique, vis-à-vis de la réforme des structures de l'Etat, traduit. Selon certains observateurs, le déphasage entre le discours d'une bonne partie de la classe politique et une nouvelle réalité à laquelle Bouteflika tente de donner le jour, en ouvrant un chantier, à ce jour insoupçonné par les partis, ces derniers ayant évolué dans une ère où les aspects sécuritaire et idéologique étaient dominants. En fait, le gouvernement, qui s'est lancé, depuis quelques semaines, dans l'étude du rapport Sbih, prépare vraisemblablement le terrain à la nouvelle étape historique de l'Algérie, où la société, en pleine mutation, posera autrement ses problèmes. Le concept de démocratie locale que l'Exécutif veut voir se réaliser sur le terrain est, en réalité, une réponse à une forte demande sociale qui s'est exprimée depuis des mois à travers des mouvements de contestation, parfois violents, un peu partout dans le pays. Les éléments de réponse avancés par certains hommes politiques pour justifier les émeutes s'appuient sur des données, actuellement, complètement dépassées par les événements. La définition attribuée à la hogra demeure incomplète tant qu'un véritable diagnostic n'est pas fait pour en situer les véritables contours. Le Comité de réforme des structures de l'Etat (CNRSE), dont les réunions se tenaient en même temps que les flambées de violence en Kabylie et à l'est du pays, a, sans doute, pris la mesure de l'importance d'une démarche étatique volontaire allant dans le sens de l'association de la population dans la gestion des affaires de la cité. Car le défi actuel réside, à en croire des experts, non pas dans les débats, du reste stériles, sur la nature de l'Etat, mais dans l'impérieuse nécessité d'engager un dialogue sérieux et honnête avec la société. Le tout est de construire une passerelle solide entre les gouvernants et les citoyens. Le nouveau contrat que va apparemment proposer Benflis aux Algériens dans un futur plus ou moins proche, obéit donc à une logique novatrice où le concept de démocratie prend une autre signification que celle qui lui est donnée par la majorité des acteurs politiques nationaux. Ces derniers, vraisemblablement un peu déconnectés de cette nouvelle réalité, accusent le pouvoir de vouloir perpétuer le système rentier, à l'origine de l'impasse dans laquelle se trouve le pays ces dix dernières années. Ils en veulent pour preuve le retour au-devant de la scène du FLN et son pilotage de la dynamique de «la démocratie participative». Il devient clair donc que le pouvoir entend renforcer le contrôle populaire au niveau local, que ce soit en direction de l'administration ou des partis politiques siégeant dans les assemblées locales. C'est là un axe bien réfléchi par le pouvoir, car il est des signes qui indiquent une intention de sa part de ne pas ouvrir d'autres portes. Si l'on croit certaines sources, le prochain amendement constitutionnel donnera un régime présidentiel fort où le chef de l'Etat disposera d'un pouvoir plus étendu que celui de l'APN, avec, en sus, un Chef du gouvernement comptable essentiellement devant le Président de la République. Par ailleurs, la prochaine Constitution donnerait au citoyen l'opportunité et les moyens d'avoir un oeil sur la gestion de sa commune. L'ambition du législateur serait de faire en sorte que les partis politiques soient soumis à un contrôle strict, sans qu'ils aient, en retour, un droit de regard direct sur le travail de l'Exécutif au niveau central. Une approche qui risque de déplaire à une bonne majorité des formations politiques nationales. La guerre de la réforme des structures de l'Etat est à venir.