Le dossier en suspens est assez lourd pour ne pas être traité avec légèreté. Les déclarations d'«intention» de réouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc, faites par le roi Mohammed VI, d'abord il y a une année, puis par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, il y a une semaine, ne suffisent pas aujourd'hui pour passer aux actes. Aussi bien les ministères de l'Intérieur des deux pays que les responsables de la sécurité intérieure ont de sérieuses tâches à mener et des dossiers à apurer, après quoi, l'ouverture des frontières ne sera qu'une simple formalité. Au milieu de tous les soucis, les attentats de l'hôtel Hassi, de Marrakech, en 1994, suite auxquels les services spéciaux marocains accusent leurs homologues algériens d'être derrière l'attaque et, immédiatement, le Palais royal décide unilatéralement d'expulser des résidents algériens au Maroc. Après quoi, Alger décide de son côté la fermeture unilatérale des frontières en guise de première réponse immédiate. Couple tapageur à souhait, l'Algérie et le Maroc font de leur mieux pour tomber en désaccord et tout est bon à consommer, de préférence froid. Les dernières déclarations de Driss El Basri, l'ancien homme fort du défunt roi Hassan II, faisait récemment aux quotidiens espagnols El Mundo et ABC des témoignages pas très innocents sur les coups tordus du Palais et les opérations secrètes menées contre l'Algérie. Depuis que le roi avait estimé, à propos de l'hégémonie de la mouvance islamiste au début des années 90 que «l'Algérie était le laboratoire du Maroc», en passant par les tentatives de s'allier au premier chef du GIA, Abdelhak Layada, pour qu'il soit investi de missions pro-marocaines et procéder à l'élimination d'opposants sahraouis et marocains à Alger, puis à l'épisode des attentats de l'hôtel Hassi, en 1994, les choses sont allées en s'envenimant. Pourtant, 1999 atténue les tensions et lisse les aspérités. Hassan II décède, son protégé Driss El Basri qui a mené le pays avec une poigne de fer de 1974 à 1999, tombe en disgrâce, et un nouveau président, sans préjugés envers le Maroc, est plébiscité le 16 avril de la même année en Algérie. Mohammed VI, qui n'a pas les mêmes conceptions que son père, complète le tableau et pousse vers une accalmie avec son voisin, le président Bouteflika. Aujourd'hui, pour Alger, il n'est plus question de prendre les décisions de 1994 pour un oui ou pour un non. Rabat serait réellement soulagé d'une éventuelle décision algérienne de rouvrir les frontières mais les Marocains le sont encore plus, eux qui menaient un commerce florissant avec des dizaines de milliers de jeunes Algériens, très impatients de dépenser leur argent dans les marchés d'Oujda, de Meknès, Fès et Casa. Le commerce florissant de la drogue a changé aujourd'hui de donnes, car il est aussi bien «commercial» par les frontières sud que par - une nouveauté - les voies maritimes. Si Alger s'attendait encore à des excuses des services marocains pour leurs accusations de 1994 et pour le tort causé aux ressortissants algériens à l'époque, cela n'est plus nécessaire aujourd'hui, à une chose près : arriver à maîtriser sérieusement le dossier sécuritaire en suspens, à bien contrôler les frontières et procéder immédiatement à une coopération accrue en termes de police des frontières, de renseignements et de sécurité. Après quoi, les jeunes des deux pays pourront s'en donner à coeur joie, passer de Maghnia à Oudjda et de Oudjda à Maghnia en moins de quinze minutes.