Les relations algéro-marocaines demeurent à l'ordre du jour. Elles constituent même un sujet d'actualité majeur pour avoir été abordées hier dans la cour de l'Elysée. Présent dans la capitale française pour traiter du dialogue des civilisations organisé par l'Unesco, le président Abdelaziz Bouteflika, qui venait, par ailleurs, de rencontrer son homologue français, a été interrogé sur cette question particulière. Et sa réponse ou plutôt les éléments de réponse n'ont pas varié, c'est-à-dire qu'ils sont tels qu'ils ont été exprimés avec force durant l'été dernier. En d'autres termes, la suppression par l'Algérie du visa d'entrée sur son territoire pour les ressortissants marocains devrait rester en l'état. La décision, rappelle-t-on, avait été annoncée ce samedi par le chef de l'Etat, et l'on faisait valoir le même jour que cela ne signifiait pas la réouverture des frontières terrestres, dont la fermeture avait été décidée par l'Algérie. Alger venait alors de répliquer au Maroc qui avait imposé le visa aux ressortissants algériens ou d'origine algérienne. Une première dans les relations internationales, disait-on alors, c'est-à-dire au mois d'août 1994, quand le Maroc était la cible d'un attentat terroriste. Ce pays s'est alors empressé d'accuser l'Algérie d'être derrière cet attentat. Des accusations que des pays proches et même alliés du royaume chérifien avaient, rappelle-t-on, récusées. C'est le traitement de cette crise qui posait également problème, puisqu'il n'était pas conforme aux usages internationaux et avec cette chasse aux Algériens. L'Algérie, qui avait très rapidement rejeté les accusations marocaines, avait demandé les conclusions de l'enquête contradictoire. En vain. Une année plus tard, soit en décembre 1995, après son échec sur le dossier sahraoui au Conseil de sécurité, Rabat demandera officiellement à l'Algérie de suspendre les activités de l'UMA qu'elle présidait depuis le sommet de Tunis, en avril 1994. Et jusqu'à une date récente, c'est-à-dire en 2002, le Maroc se montrait intransigeant, car ce sont ses responsables qui déclaraient qu'il n'y aura pas de normalisation des relations avec l'Algérie sans le règlement du conflit du Sahara-Occidental, dans le cadre de ce qu'ils appellent « l'intégrité territoriale du Maroc », autrement dit que soit entériné le fait accompli colonial. Rabat en faisait autant avec la relance du processus maghrébin, en panne lui aussi depuis 1994, faisant grincer des dents et suscitant des commentaires. « De quelles frontières parle le Maroc ? », s'interrogeaient des spécialistes qui faisaient alors valoir qu'aucune menace ne plane sur les frontières du Maroc telles que reconnues internationalement. Et même les Américains refusaient, durant l'été dernier, d'intégrer le territoire du Sahara-Occidental dans l'accord de libre-échange qu'ils venaient de conclure avec le Maroc. Et l'on revient alors vers la question de la frontière commune dont l'apport pour l'économie marocaine était évalué l'année de sa fermeture à plus de un milliard de dollars. Le ministre algérien de l'Intérieur avait rappelé cette situation. Interrogé sur ce sujet par la presse dans la cour de l'Elysée à l'issue d'un déjeuner de travail avec le président Jacques Chirac, M. Bouteflika a répondu : « L'ouverture des frontières demande de nombreux mois. » Pour le chef de l'Etat algérien, qui a longuement abordé cette question durant l'été dernier, « il est tout à fait clair (...) que nous avons trois points dans le dossier algéro-marocain : les relations bilatérales, ça dépend de Sa Majesté (Mohammed VI du Maroc, ndlr) et de moi ; il y a la reconstruction du Maghreb arabe, ça dépend également de Sa Majesté et de moi ; il y a le problème du Sahara-Occidental, et ça dépend des Nations unies », a poursuivi le président algérien. S'agissant du Sahara-Occidental, « nous souhaiterions qu'il soit traité correctement par les Nations unies et nous souhaiterions voir le Maroc travailler avec les Nations unies pour nous aider à aller plus en avant », a ajouté M. Bouteflika. On se rappelle que les deux pays avaient convenu dès 1995 de normaliser leurs relations avec la mise sur pied de groupes de travail qui ne s'étaient réunis qu'une fois, puisque les Marocains avaient décidé de ne plus y siéger. Ils y reviendront pourtant en 2004, et les chefs de la diplomatie des deux pays avaient même annoncé de premiers résultats pour l'été de la même année. Non seulement il n'y en eut pas, mais cette période avait été marquée par des échanges qui rappelaient les moments chauds de la crise. Et Abdelaziz Bouteflika avait répliqué à l'intransigeance marocaine en déclarant qu'il n'était pas question pour l'Algérie d'entériner un fait accompli colonial. Et cette position n'a pas varié, puisque M. Bouteflika a indiqué que le conflit du Sahara-Occidental est l'un des trois points dans le dossier algéro-marocain. Tout comme il a rappelé que le traitement de ce dossier était pris en charge par l'ONU, et souhaité que le Maroc travaille avec les Nations unies « pour nous aider à aller plus en avant ». Là aussi, le message semble clair. Cela voudra-t-il alors dire que tous les efforts de normalisation seraient au moins contrariés si le roi Mohammed VI persiste dans sa position qui consiste à faire valoir qu'il n'y aura jamais de retrait marocain du Sahara-Occidental ?