L'Irak, où la violence demeure omniprésente, a franchi une étape importante par la désignation des nouveaux esponsables. Une tornade de messages de félicitations s'est abattue ces derniers jours sur le premier président kurde, jamais élu à la tête de l'Etat irakien. Jalal Talabani, président du parti kurde de l'Union patriotique du Kurdistan, UPK, a ainsi été élu, mercredi par le nouveau Parlement irakien, président de la République, comme le stipule la Constitution provisoire qui gère le pays. L'élection de Talabani a en vérité fait l'unanimité de la communauté internationale qui ne tarit pas d'éloges sur le nouveau président irakien. Ce dernier a prêté serment jeudi sur le Coran, déclarant: «Je jure devant Dieu le Tout Puissant de remplir mes fonctions et les responsabilités légales qui m´incombent de la meilleure façon possible, de préserver l´indépendance de l´Irak, de défendre les intérêts de son peuple, de son ciel et sa terre et le système démocratique fédéral». Se voulant dès le départ conciliant et unificateur, le nouveau président irakien a tendu la main aux insurgés soulignant la nécessité de «trouver une solution politique et pacifique avec les Irakiens qui se sont fourvoyés dans le terrorisme, leur accorder l´amnistie» et les «convier à participer au processus démocratique (...)». Cette ouverture aux insurgés s'accompagne toutefois de fermeté, le président Talabani indiquant qu'il fallait «repousser avec force les terroristes criminels qui viennent de l´étranger et font alliance avec les criminels baasistes», souhaitant par ailleurs arriver à un «accord avec les frères arabes pour qu´ils arrêtent leur soutien médiatique, financier, mais aussi en armes et en entraînement» à la guérilla. Lors de la même cérémonie d'investiture du président Talabani, le Parlement a désigné les deux vice-présidents, le chiite Adel Abdel Mahdi et l'ancien président du gouvernement transitoire, le sunnite Ghazi Al-Yaouar, qui ont prêté serment en même temps que M.Talabani. Ce conseil présidentiel a immédiatement désigné le chiite Ibrahim Jaafri au poste de Premier ministre, le consensus s'étant fait sur cette personnalité chiite considérée comme la plus influente en Irak, avec le grand ayatollah, Ali Sistani, et le jeune chef de l'Armée du Mehdi, Moqtada Sadr. Le président Talabani n'a pas manqué de mettre en exergue les compétences du nouveau chef du gouvernement irakien. M. Jaafri, médecin de formation, qui a rejoint en 1966 le plus ancien parti d'opposition constitué en Irak, le parti islamique Da'wa, dont il est actuellement le chef, a, pour sa part, exprimé «l´espoir de terminer la formation du gouvernement d´ici deux semaines, même (s´il) dispose d´un mois pour cela». S'attendant à une transition délicate, sinon difficile, M.Jaafri affirma que sa priorité était «d´asseoir la sécurité» en Irak, soulignant qu'il serait «particulièrement attentif à ce que les portefeuilles ministériels soient tenus par des technocrates très efficaces et honnêtes, en tenant compte de leur passé et de leurs capacités de travail». Ibrahim Jaafri était le deuxième sur la liste, après le chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (Csrii), Abdel Aziz Hakim. Un certain optimisme se dégage à l'issue de la formation du Conseil présidentiel, l'une des étapes cruciales de la mise en place des novelles institutions irakiennes qui doivent, à leur tour, travailler sur la future loi fondamentale du pays. Mais ce ne sera pas aussi facile que cela paraît, si l'on excipe du fait qu'il a fallu plus de deux mois de tractations pour que les diverses parties du champ politique irakien parviennent enfin à un accord qui a permis de désigner le Conseil présidentiel. Il est évident toutefois que, pour Washington, qui attendait beaucoup de la constitution de ce collège présidentiel, cela constitue un grand succès, d'autant plus qu'ils veulent montrer au monde que leur méthode était la bonne pour accrocher le monde arabe à la démocratie. De fait, se faisant le porte-parole des dirigeants américains, le Washington Post remarque: «Les Irakiens ont encore une fois défié les sceptiques en faisant un pas important vers la stabilisation de leur pays avec un gouvernement représentatif.» D'ailleurs, le département d'Etat n'a pas tardé à renvoyer l'ascenseur, étant le premier à féliciter le Conseil présidentiel indiquant: «Le président (Bush) sera heureux de travailler avec le nouveau gouvernement intérimaire dans sa tâche de rédiger la Constitution et de préparer les élections pour la désignation d´un gouvernement permanent.» Le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, souligna cependant que «tout le monde est d´accord sur l´importance de respecter le calendrier. Ils (les dirigeants irakiens) savent ce qu´ils doivent faire, et nous leur donnerons tout l´appui possible pour y parvenir». En fait, les nouveaux dirigeants irakiens ont devant eux un grand défi auquel ils doivent faire face, parachever la mise en place des institutions alors que la violence demeure omniprésente, avant la date butoir du 31 décembre prochain. En effet, l'Assemblée nationale transitoire élue le 30 janvier doit rédiger, d´ici au 15 août, la Constitution permanente, pour ratification par référendum avant le 15 octobre. Si la Constitution est approuvée, des élections générales devront se tenir au plus tard le 15 décembre et un nouveau gouvernement devra être mis en place au plus tard le 31 décembre. Seule ombre à ce tableau du nouvel Irak dont les institutions se mettent en place, l'absence des sunnites et surtout leur désunion actuelle, qui vont minorer le rôle de cette ethnie - dont la représentation au Parlement est symbolique (une quinzaine de députés) - au moment où il s'agira de mettre au point la loi fondamentale permanente irakienne.