Bien qu'il ait occupé des postes de responsabilité importants au sein de l'Etat, c'est en tant que militant politique que Abdelhamid Mehri s'est révélé. Il est des personnes qui ne sont plus de ce monde mais dont on se souvient comme si elles y étaient et d'autres qui, même vivantes, nous indiffèrent comme si elles étaient mortes. Parmi ces personnes, le nom de Abdelhamid Mehri figure en tête d'affiche. Du moins pour ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont été proches de ses thèses politiques, notamment après l'indépendance. En effet, bien qu'il ait été un cadre du FLN historique, notamment en tant que militant du PPA-Mtld et membre du Cnra et, plus tard, du Gpra, Abdelhamid Mehri ne s'est révélé en politique qu'après l'indépendance, notamment au début des années 1990, en sa qualité de secrétaire général du Parti du Front de Libération nationale. Tous les Algériens se souviennent de Abdelhamid Mehri, secrétaire général du FLN, qui a affronté Abassi Madani à la télévision avec toute la force et la rigueur d'un politicien chevronné. Mais tout le monde se souvient aussi de sa position, suite à l'arrêt du processus électoral, quand il a eu à choisir le camp du FIS en se démarquant de la position éradicatrice prise par l'ANP contre le FIS dissous. «La démocratie qui a besoin des chars pour se protéger est une démocratie malade», disait-il avant d'aller à Saint-Egidio pour signer ce qu'on appellera plus tard le «Contrat de Rome» aux côtés de Hocine Ait Ahmed, Abdallah Djaballah, Louisa Hanoune, et Anouar Haddam. Ce choix politique a été contesté par une bonne partie de l'encadrement politique et de la base du FLN, ce qui allait d'ailleurs lui coûter son poste de patron du FLN quelque mois après. Toutefois, le mérite de Abdelhamid Mehri dans cette démarche n'est pas tant sa lucidé politique et la pertinence de ses positions et de ses visions, mais sa capacité à prendre son autonomie vis-à-vis du pouvoir et affirmer ses choix politiques en tant que premier responsable du FLN. En effet, traditionnellement, le FLN est considéré comme étant un appendice du système politique algérien et ses responsables, nommés sur la base d'une feuille de route précise, ne font qu'exécuter les ordres de leurs tuteurs. A l'élection de Liamine Zeroual comme président de la République, il n'a pas hésité à dénoncer une fraude électorale massive et à rappeler que le FLN n'était nécessairement pas au service du pouvoir ou d'une quelconque personne, fut-elle le chef de l'Etat. «Il n'est pas de la mission du FLN d'offrir une base populaire ni de servir de majorité parlementaire à un président élu comme candidat indépendant aux élections», a-t-il clamé lors d'une réunion du comité central du FLN. Ainsi donc, en s'autonomisant, affirmant ses choix, Abdelhamid Mehri a réussi à donner de lui l'image d'une personnalité politique avec laquelle il fallait compter et cette image s'est davantage incrustée dans les esprits à la faveur des évolutions qu'il a connues au cours de son parcours politique, notamment son rapprochement avec feu Hocine Ait Ahmed. En effet, en septembre 2009, deux mois avant l'amendement de la Constitution qui a permis au président Bouteflika de briguer un troisième mandat, il lance, avec Hocine Ait Ahmed et l'ancien chef du gouvernement Mouloud Hamrouche, une initiative politique pour une ouverture démocratique en Algérie. «Nous sommes convaincus que la mise en place d'un processus de démocratisation du pouvoir, son exercice et son contrôle constituent le chemin de la sécurité nationale, de la stabilité et de l'espoir. Nous clamons que la négation du politique, la répression et l'exclusion ne sont pas des solutions aux multiples difficultés et impasses que connaît le régime», a écrit le trio. Cette initiative, bien qu'elle ait suscité un intérêt certain dans les milieux politique et médiatique, n'a pas abbouti. Mais, militant de race, Abdelhamid Mehri n'est pas près de jeter l'éponge. En 2012, dans le sillage du printemps arabe, il anime une conférence -débat avec Djamel Zénati, Mohamed Hachemaoui et Abdelaziz Rahabi au cours de laquelle il réaffirme son attachement à l'exigence de la démocratisation comme seule et unique moyen de sortir l'Algérie de sa précarité géopolitique. Parallèlement, il rédige une lettre au président Bouteflika, lettre qui a été appuyée publiquement par le leader historique du FFS, Hocine Ait Ahmed, dans laquelle il appelle à l'union de toutes les forces démocratiques pour épargner à l'Algérie les effets néfastes de la reconfiguration géopolitique du monde et prévient contre les risques d'une explosion sociale. Ces appels sont aussi restés sans écho. Mais aujourd'hui, ils constituent un testament pour tous ceux qui ont été, de près ou de loin, partisans de sa vision de l'Algérie.Né le 3 avril 1926 à El Khroub, dans la wilaya de Constantine, il est décédé à l'âge de 85 ans, le 30 janvier 2012, à l'hôpital militaire de l'armée à Aïn Naâdja à Alger.