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L'infatigable militant
Décès de Abdelhamid Mehri
Publié dans El Watan le 31 - 01 - 2012

C'est sous le ciel de l'Algérie qu'il aimait tant que Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du Front de libération nationale et homme politique de grande envergure, a rendu son dernier souffle.
Décédé à l'âge de 86 ans à l'hôpital Aïn Naâdja, à Alger, où il avait été admis il y a quelques semaines, l'homme politique, dont l'engagement n'a pas souffert l'ombre d'une lassitude, n'assistera pas à l'édification de cette Algérie libre et démocratique qu'il appelait de tous ses vœux.
Il y a 50 ans, il vit l'Algérie arracher son indépendance, fruit d'un combat auquel il avait participé, mais il ne verra pas le résultat de son autre combat pour la libération du peuple. Il aura tout de même eu la satisfaction méritée d'avoir apporté sa contribution, et pas des moindres, à cette lutte aux âpres allures et aux nobles visées qu'est la démocratie. Avec son allure et sa prestance de grand homme, son immense sagesse, son sens élevé de la mesure et son intégrité, Abdelhamid Mehri faisait partie de ces rares hommes politiques qui forcent le respect à la fois de ses amis et de ses détracteurs. Jusqu'à son dernier souffle, cet homme d'Etat, qui eut à assumer de hautes fonctions, ne s'est pas senti obligé de quelque faveur que ce soit envers un système politique qu'il n'a pas cessé d'appeler à la raison. D'ambassadeur dans les années 1980 (notamment à Paris de 1984 à 1988), puis secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri a repris son bâton de militant avec l'ouverture du champ politique.
Si la révolte battait son plein dans les rues d'Alger en octobre 1988, Abdelhamid Mehri fit sa révolution au sein de l'appareil d'Etat qu'est le FLN. Il mit un point d'honneur à l'arracher des mains du pouvoir et lui donner la vocation d'un parti autonome. Il s'opposa, en 1992, à l'arrêt du processus électoral et opta, au même titre que le Front des forces socialistes, pour un deuxième tour aux législatives. Ce fut son premier affront aux décideurs. En 1995, il participait, au nom du FLN, à la réunion de Sant'Egidio pour la signature du contrat national portant sortie politique de la crise, à laquelle prirent part le FFS, la Ligue des droits de l'homme, le PT et des représentants du FIS. Un autre affront qui lui valut un «coup d'Etat scientifique» au sein de son parti, en 1996. «Notre parti doit s'ouvrir sur les partis signataires du contrat national, car il s'agit de la vraie voie vers la réconciliation. Je suis conscient que les convictions divergent, mais la situation du pays nous y oblige. La situation sécuritaire ne s'est pas améliorée, la situation socioéconomique a atteint un seuil de gravité. La manière avec laquelle on répond à ces questions pousse à l'inquiétude. Il faut un contrat national pour régler tous ces problèmes, sinon rien ne sera possible», disait-il face aux membres du comité central du FLN en 1996.
Abdelhamid Mehri avait proposé que le FLN agisse en parti responsable et autonome et non en appareil d'Etat. Il avait plaidé pour la constitution d'un gouvernement ayant la faveur de toutes les forces politiques et qui aurait pour mission «l'arrêt de l'effusion de sang, l'ouverture d'un dialogue avec les partenaires sociaux, renégocier les accords avec le FMI sur certains aspects, garantir les libertés constitutionnelles aux citoyens et organiser des élections législatives et locales libres, puis se dissoudre», disait-il aux membres du CC du FLN. Abdelhamid Mehri militait pour que le FLN soit libre. «Le président de la République est un candidat indépendant, le FLN n'a pas à lui offrir une majorité ou un quelconque soutien et le parti est libre de ne pas être d'accord avec son programme», disait-il en 1996. Une phrase qu'on ne pourrait entendre au FLN d'aujourd'hui. Ceci lui valut d'être victime d'un coup d'Etat au sein de son parti. Un coup qui ne lui fit pourtant pas courber l'échine. Il ne déserta pas la scène politique et continua de porter haut sa voix. Il profitait du peu de tribunes qui lui étaient offertes pour participer au débat, à la réflexion et au projet d'une solution politique concertée pour sortir le pays de son marasme. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'il avait été signataire, aux côtés de Hocine Aït Ahmed et de Mouloud Hamrouche, en 2007, de «l'initiative politique de sortie de crise».
Sa dernière salve pour le changement en Algérie a pris la forme d'une lettre au président de la République, en février 2011, dans laquelle il exprimait encore une fois avec lucidité et outrecuidance sa vision d'un changement réel pour sortir de la démocratie de pure forme.
Abdelhamid Mehri quitte ce monde la conscience apaisée d'avoir accompli son devoir, d'avoir dit vrai, de ne pas avoir déserté le terrain de la lutte et ce, jusqu'à la fin. Au confort de la résignation, il avait choisi la résistance. Aux décorations de la compromission, il avait choisi la reconnaissance des justes. Grand il vécut, grand il s'en va.


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