Haftar reçu sur le porte-avions Admiral Kuznetsov «C'est aux Libyens de décider ce qui est bon pour eux. La communauté internationale ne devrait que soutenir ces décisions», a-t-il ainsi déclaré au Journal du Dimanche. Un avis qui rejoint pleinement la position maintes fois exprimée par l'Algérie. Dans son édition de dimanche dernier, l'homme fort de Benghazi, le maréchal Khalifa Haftar, a lancé un appel à la communauté internationale, et plus particulièrement à la mission onusienne chargée de contribuer à la solution de la crise libyenne, de «laisser les Libyens gérer seuls leurs affaires». Haftar estime, en outre, possible une alliance avec les Américains et les Russes et plaide, dans cette interview accordée au JDD, pour une conjugaison des efforts afin de venir à bout de la menace terroriste incarnée par l'Etat islamique. «C'est aux Libyens de décider ce qui est bon pour eux. La communauté internationale ne devrait que soutenir ces décisions», a-t-il ainsi déclaré au Journal du Dimanche. Un avis qui rejoint pleinement la position maintes fois exprimée par l'Algérie. Partant de là, il dit son désappointement et ses critiques à peine voilées sur le rôle joué par le représentant du secrétaire général de l'ONU, Martin Kobler, qui a pris le relais début 2017 pour accompagner le gouvernement d'union nationale. Dirigé par Fayez al-Serraj, à Tripoli, le GNA se heurte, depuis un an, à une hostilité du Parlement, basé à Tobrouk et allié du maréchal Haftar. «Les Libyens n'aiment pas Kobler. Ils l'appellent le diable», assène Haftar. «La communauté internationale ne comprend pas la réalité de la situation. Elle dispose d'informations erronées et s'appuie dessus pour prendre des décisions inapplicables, mauvaises», reproche-t-il avec véhémence. Bon prince, il accepte néanmoins de rencontrer son rival, Fayez al-Serraj, intronisé en décembre 2015 par la communauté internationale, mais à «une condition, que sa tripotée de courtisans n'ait rien à dire». Car «ceux qui soutiennent le gouvernement d'union nationale sont très peu nombreux et ne sont intéressés que par l'argent». Le Caire qui appuie militairement Haftar a annoncé, mi-janvier, durant une réunion de la Ligue arabe consacrée à la Libye, une rencontre entre les deux hommes, information ni confirmée ni démentie, peu après, par le Groupe des pays voisins. Seul, Fayez al-Serraj a brièvement évoqué cette possible rencontre dans la capitale égyptienne, courant février. Entre-temps, Khalifa Haftar n'a pas perdu de temps, effectuant plusieurs séjours à Moscou où il a rencontré le ministre de la Défense russe Sergeï Choïgou et le chef d'état-major Valery Guerassimov. Résultat des courses: il a été reçu le mois dernier en grande pompe sur le porte-avions Admiral Kouznetsov, à bord duquel il s'est entretenu par vidéoconférence avec les mêmes interlocuteurs. Moscou a ainsi officialisé son intérêt et son soutien pour l'action du maréchal dont il attend une nouvelle base en Méditerranée, la seconde avec celle, bien plus ancienne, de Tartous, en Syrie. Les récentes mésaventures du porte-avion et de son escadre dans les ports espagnol et marocain où il s'est vu refuser le ravitaillement en carburant, a visiblement donné quelques idées aux responsables russes. Cependant, Haftar sait danser sur ses deux pieds et il offre en même temps à la nouvelle administration américaine l'opportunité de travailler de concert contre le terrorisme de Daesh. «Si la Russie et les Etats-Unis se rapprochent dans le but d'éradiquer le terrorisme, cela peut nous aider. Nous allons serrer la main aux deux. Nous nous allierons à eux», a-t-il souligné, se félicitant de la conjoncture induite par l'élection de Donald Trump. Vis-à-vis des Européens, le maréchal est beaucoup plus circonspect. La France lui apporte un soutien au sol et dans les airs, avec ses avions qui survolent le pays, mais Haftar veut davantage de renseignements. «La France soutient politiquement des acteurs qui n'ont aucun pouvoir. Mais ça nous ira si nous recevons de l'aide en termes d'information et de renseignement», argumente-t-il tout en sachant que Paris est aligné sur les positions diplomatiques de la communauté internationale, c'est-à- dire de l'ONU. Après s'être autoproclamé chef de l'Armée nationale libyenne (ANL) puis maréchal, l'ancien général de Maâmar El Gueddafi qui a vécu aux Etats-Unis est aujourd'hui rejeté par plusieurs factions, en particulier les puissantes milices de Misrata (Ouest), qui lui reprochent une volonté de puissance quasi dictatoriale. Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre une guerre face aux groupes islamistes et notamment à l'EI, présents dans l'Est, notamment à Benghazi, à 1 000 km de la capitale, sans parvenir, après trois ans de combats sanglants, à contrôler toute la ville. C'est d'ailleurs la raison majeure de son rapprochement avec la Russie et son appel du pied à Donald Trump pour imposer son statut de chef incontournable de l'ANL et donc de partie déterminante du dialogue inclusif. Fort de l'aide russe et, le cas échéant, américaine, Haftar aura bel et bien gagné le bras de fer avec les milices de Misrata.