L'aveu fait par Abdelwahab Derbal avant-hier a donné du fil à retordre à l'opposition qui continue à douter des garanties de transparence des prochaines élections. C'est la bête noire des partis. Le fichier électoral leur fait craindre le pire. Les déclarations du président de la Haute Instance indépendante de surveillance des élections ont accentué les angoisses de l'opposition. Abdelwahab Derbal a reconnu que l'assainissement du fichier électoral est impossible pour le moment. «On ne peut pas assainir le fichier électoral avant cinq ans», a-t-il affirmé lors d'une conférence-débat qu'il a animé lundi dernier au Sénat. Cet aveu a donné du fil à retordre aux partis de l'opposition qui font de la revendication du fichier électoral leur cheval de bataille. «Cette déclaration donne un avant-goût sur les résultats des élections législatives», a affirmé le porte-parole du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Contacté par nos soins, Othman Mazouz a soutenu que le pouvoir n'a pas fait preuve de bonne volonté en refusant d'installer une commission indépendante pour l'organisation des élections. «Pourquoi on a attendu jusqu'à maintenant pour dire qu'il est impossible d'assainir le fichier électoral», s'est interrogé le porte-parole du RCD tout en rappelant que cette revendication a été soulevée à plusieurs reprises par les partis de l'opposition. Le député Lakhdar Benkhelaf, du Front de la justice et du développement soutient que cette revendication ne date pas d'aujourd'hui. «Cette question nous l'avons soulevée en 2004 avec l'ancien ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni», a-t-il affirmé en guise de rappel tout en relevant l'absence d'une volonté politique. Joint par téléphone, notre interlocuteur a affirmé qu'il y a plus de 3 millions de morts qui sont toujours inscrits dans le fichier électoral, selon l'ancien directeur des relations publiques Mohamed Talbi. «Tout le monde reconnaît le dopage des listes électorales», a-t-il indiqué en estimant que la révision exceptionnelle des listes électorales est une occasion d'assainir le fichier si on veut vraiment garantir la transparence. Effectivement, les listes électorales feront l'objet d'une évaluation pour la seconde fois en l'espace de quelques mois. Après la révision annuelle qui a eu lieu en octobre dernier, les collectivités locales vont relancer l'opération à partir d'aujourd'hui, et ce, jusqu'au 22 février prochain conformément au Code électoral. Or, cette actualisation est loin d'apaiser les inquiétudes des partis. Ces derniers ne se fient pas aux chiffres communiqués par le département de l'intérieur tant qu'il n'y pas moyen de vérifier l'authenticité des chiffres. «Aucun Etat, ni aucun pouvoir en exercice, ne peut prétendre que les échéances électorales s'organisent dans la transparence et la liberté, tant que le fichier électoral n'est pas lisible et n'est pas accessible aux partis politiques, en compétition pour le pouvoir», a soutenu la secrétaire générale du Parti des travailleurs Louisa Hanoune. Un avis partagé par les différentes mouvances politiques. Abderrazak Makri, président du MSP, soutient que le fichier électoral est une machine à voter. Les partis sont nombreux à réclamer l'accès au fichier électoral pour pouvoir s'assurer réellement du nombre de personnes qui sont en âge de voter, mais en vain. Devant cet entêtement, les partis ne croient pas trop en les garanties de l'Etat à assurer la transparence des élections. D'ailleurs, ils le crient sur tous les toits. Les partis invitent le pouvoir à faire preuve de bonne volonté en levant les verrous sur le fichier électoral s'il veut sérieusement renforcer le processus démocratique. Pour eux, l'accès au fichier électoral est l'un des éléments indispensables pour la transparence du scrutin. Il permettra également de clarifier le vote des corps constitués qui suscite moult interrogations. Il y a lieu de rappeler que selon les chiffres avancés par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui, le corps électoral est composé de 22 079 578 électeurs. Un chiffre qui n'est pas fiable pour l'opposition.