«Il y a des questions sur lesquelles je ne peux répondre car elles ne relèvent pas de mes prérogatives», a lâché Abdelwahab Derbal. Le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise) qui animait hier au siège du Sénat une conférence sur «les gages de la transparence et les exigences de la culture électorale» a jeté un pavé dans la mare. Lors des débats, il n'a pas hésité à exprimer son «incapacité à répondre à certaines questions» lesquelles, selon lui «ne relevaient pas de (ses) prérogatives». Parmi ces questions figurent des dossiers importants : le vote des corps constitués, l'assainissement du fichier électoral et l'utilisation de l'argent sale. Voilà donc de quoi porter un coup dur à la crédibilité de l'instance et ses capacités à assurer la transparence du scrutin. Le vote des corps constitués revient constamment à chaque élection et l'administration a toujours été pointée du doigt par les partis de l'opposition quant au choix des éléments de différents corps de sécurité. Sans s'en rendre compte peut-être, Abdelwahab Derbal va à contre-sens du discours officiel qui a accompagné la constitutionnalisation de cet organe annoncé en grande pompe pour répondre aux revendications de l'opposition. L'autre interrogation «zappée» par le président de la Hiise a trait à l'utilisation de l'argent sale dans les élections pour l'achat des voix. Comprendre qu'elle ne relevait pas de ses prérogatives, tout comme le vote des corps constitués. Sur l'assainissement du fichier électoral, l'autre cheval de bataille de l'opposition, Derbal dira que «l'on n'est pas encore en mesure de l'assurer», le reliant à ce qu'il qualifie de «conscience citoyenne». «Dans certaines régions éloignées du pays, figurez-vous qu'il y a des enfants scolarisés alors qu'ils ne sont même pas inscrits au registre d'état civil. Des décès qui ne sont pas déclarés et donc non retirés de la liste électorale…», a reconnu le conférencier, estimant qu'il s'agit d'une «mission délicate». «Sans conscience citoyenne, il y aura fraude même avec 22 millions de bureaux», a-t-il ironisé pour arguer ses propos. En tout état de cause, les déclarations d'Abdelwahab Derbal risquent de jeter le discrédit sur les législatives du 4 mai et créer la panique chez les partis ayant décidé de se lancer dans la course aux sièges de l'APN. Bien avant le débat, Abdelwahab Derbal a longuement défendu son instance qui «se positionne, dit-il, à équidistance entre l'administration et les partis politiques et candidats libres qui prendront part au scrutin». Sur les gages de sa transparence, le conférencier a relevé le fait que «la Hiise soit composée de magistrats», qu'elle soit «permanente et non provisoire», en plus de son «inscription dans la Constitution» contrairement aux anciennes commissions de surveillance qui disparaissaient avec la fin du processus électoral. Face aux doutes de l'opposition, Derbal répondra que «nous sommes sur la voie de la réforme». «J'étais moi-même dans l'opposition et je sais ce que c'est», ajoute-t-il, expliquant que «nous devons changer car le monde entier est en train de changer et mieux vaut que nous le fassions nous-mêmes (le changement Ndlr) avant qu'il ne nous soit imposé», allusion, semble-t-il, à ce qui s'est passé dans plusieurs pays arabes. Sur la participation des ministres du gouvernement aux élections et le risque de les voir utiliser les moyens de l'Etat, le président de la Hiise a été on ne peut plus clair. «Il est strictement interdit d'exploiter les moyens de l'Etat. Etre responsable et se porter candidat ne veut pas dire que l'on est au-dessus de la loi», a-t-il déclaré. La Hiise, qui a fini d'installer la commission permanente, procédera dès demain à l'installation de ses coordinateurs au niveau local, a fait savoir son président.