A l'aune de l'officialisation de la langue amazighe en Algérie, le 6 février 2016, de nombreux auteurs de fictions littéraires, écrivant en langue amazighe, ont émergé ces derniers temps. Le fait que la langue amazighe ne soit plus du domaine de la clandestinité a encouragé de nombreux écrivains à opter pour la langue amazighe dans l'écriture de leurs romans. Chose qui était rare, il y a à peine quelques années. Tout auteur, avant de prendre sa plume pour accoucher d'une oeuvre, pense d'abord à des lecteurs potentiels. Or, concernant tamazight, il n'était pas du tout évident d'en trouver suffisamment. Mais aujourd'hui, avec la présence de nombreux nouveaux critères, on a autant, sinon plus de chance d'être lu par le large public. A présent, les petits coins réservés aux livres écrits en langue amazighe commencent à s'étoffer de plus en plus surtout dans les régions berbérophones. A Tizi Ouzou en tout cas, le visiteur de toute librairie a le choix. On ne peut pas dire encore qu'il a l'embarras du choix. Mais entre anciens romanciers en tamazight et nouveaux talents, on peut bien trouver que lire dans la langue de Boulifa et Mammeri, qui sont parmi les premiers à avoir eu confiance en la possibilité de redonner un souffle nouveau à la langue amazighe, qui n'a pas cessé de résister aux siècles grâce à la seule oralité. On ne peut pas dire que la reconnaissance progressive de la langue amazighe en Algérie est étrangère à la profusion d'auteurs, surtout de fiction. La reconnaissance de tamazight a en effet permis la création du Haut Commissariat à l'amazighité en 1995. Et cette institution, rattachée à la présidence de la République, n'a pas tardé à lancer une collection d'édition de livres intitulée: «Idlessen negh» Cette dernière a constitué une véritable perche pour des centaines d'auteurs de poèmes, de nouvelles et de romans en tamazight de se faire publier. En plus des auteurs ayant écrit leurs propres livres, le HCA a aussi édité de nombreuses traductions en tamazight à l'instar du «Petit prince» de Saint Exupery, traduit vers le kabyle par Habib Allah Mansouri ainsi que la traduction de «Jours de Kabylie» de Mouloud Feraoun, réalisé par l'universitaire Kamel Bouamara. Mais il a fallu attendre plus de 15 ans pour qu'on puisse parler vraiment de la floraison du livre amazigh en Algérie et d'émergence de nombreux auteurs de qualité. Des éditeurs, qui étaient très réticents quand il s'agissait du livre amazigh, n'hésitent plus à en publier. A Béjaia, l'écrivain Brahim Tazaghart a lancé même une maison d'édition: «Tira», spécialisée exclusivement dans le livre écrit dans la langue de Jugurtha. D'autres éditeurs à Alger, Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou ont tous leur collection en tamazight. C'est le cas des éditions «El Amel» de Tizi Ouzou, «Baghdadi» d'Alger, «l'Odyssée», «Achab», «Identité», etc. Le fait que les éditeurs se lancent ainsi dans l'édition du livre amazigh montre qu'un lectorat dans cette langue existe bel et bien. Ce qui n'était pas le cas il y a deux décennies. Le lancement de la version amazighe du Grand prix Assia Djebar du livre amazigh est également une source de motivation pour les auteurs de romans en tamazight. Ces derniers attendent avec impatience l'arrivée du jour J. pour savoir si leur livre a été primé. L'écrivain Rachid Boukherroub, auteur du roman «Tislit n ughanim», lauréat du prix Assia Djebbar-2015, a été revigoré par cette consécration, et est vite revenu avec un deuxième roman en octobre 2016. De son côté, la romancière kabyle Lynda Koudache a consacré trois années de sa vie pour écrire son roman «Tamacahut tanegarut», ayant été couronné par le prix Assia Djebbar-2016. Une autre jeunes romancière en tamazight a obtenu également en 2016 le prix Mohamed Dib du meilleur ouvrage dans la langue de Mouloud Mammeri. Il s'agit de Lynda Aouzelleg dont le premier roman en kabyle «Ger igenni t murt» a été salué à l'unanimité par la critique littéraire. Entre-temps, le pionnier Amar Mezdad a poursuivi, doucement mais surement, son parcours d'écrivain en tamazight en publiant, depuis une trentaine d'années, une infinité de romans et de nouvelles comme «Id d was» «tughalin», «Tettilid ur dketchem», «Assenni»... Il en est de même pour Brahim Tazaghart qui est l'un des auteurs les plus prolifiques. On peut aussi citer l'écrivain prolifique et de talent mais très discret, Aomar Oulamara qui publie régulièrement des romans en tamazight. Ahmed Nekkar, ancien détenu pour son militantisme pour tamazight, est aussi l'un des auteurs qui produisent le plus de romans dans la même langue. La liste est encore longue. Tamazight a de beaux jours devant lui. On peut être nihiliste quand on ne fait rien. Mais quand on met la main à la pâte, on ne peut qu'apprécier les avancées qu'enregistre tamazight en ces temps où celui qui veut servir sa langue n'a qu'à prendre sa plume. Le temps des marches est révolu.