Toutes ces tombes anonymes sont indéniablement celles des victimes du terrorisme. C'est désormais traditionnel chez le président de la Commission nationale de la promotion et de la protection des droits de l'homme (Cnppdh), à chaque fois qu'une opportunité lui est offerte pour s'exprimer publiquement, l'éminent juriste qu'est M.Mustapha Farouk Ksentini réussit à lever un peu plus le voile sur les atrocités et autres dépassements aussi extravagants les uns que les autres, commis au plus fort du terrorisme notamment par la horde intégriste. Hier encore, et lors de son passage au forum hebdomadaire du quotidien El Youm, M.Ksentini a fait part de la macabre découverte de 3300 tombes d'enterrés sous X, rendue possible grâce aux efforts consentis par la Cnppdh, dont il est le premier responsable. En avançant ce chiffre, M.Ksentini expliquera que celui-ci, représente le nombre de personnes - jusque-là non identifiées - retrouvées enterrées dans plusieurs charniers dont la localisation est le fruit dira-t-il, «des entretiens tenus avec plusieurs terroristes repentis». L'identification de ces 3300 cadavres ne relève pas de l'impossible, a-t-il ajouté. «Elle (l'identification, Ndlr) peut se faire via le recours au procédé ADN pour lequel nous sommes d'accord, en tant qu'institution sur le principe du fait qu'il s'agit réellement d'une technique fiable. Seulement, ce procédé est coûteux et nécessite beaucoup de temps», a encore déclaré Me Farouk Ksentini. Ce qui est sûr, en revanche, aux yeux de l'invité du forum d'El Youm, c'est que toutes ces tombes anonymes sont indéniablement celles des victimes du terrorisme et qu'en aucun cas, il n'y a lieu de les confondre avec la catégorie des personnes disparues. Sur ce point précis, est-il besoin de rappeler que Me Ksentini a remis au président de la République, en date du 31 mars dernier, le rapport établi par la commission ad hoc, sur pied en septembre 2003, pour traiter justement de la problématique des disparus et dont il est également président. Sur la substance de ce rapport, il ressort un chiffre déjà rendu public, à savoir le recensement de 6 146 cas de disparus. Cependant, pour mieux comprendre la question des disparitions en Algérie, il y a lieu de la situer, suggère Me Ksentini, dans son contexte, c'est-à-dire remonter au début des années 90 où les terroristes régnaient en maître des lieux. Pour Me Ksentini, «les institutions n'ont jamais toléré que leurs agents fassent de dépassements. Elles ont été mises devant le fait accompli», a encore martelé Me Ksentini. Ainsi, les cas de disparitions en Algérie sont, selon le président de la Cnppdh, uniquement ceux dus aux agents indélicats de l'Etat et pour qui la commission qu'il préside milite pour la réhabilitation de leur mémoire. En revanche, ceux ayant fait l'objet d'un enlèvement par les terroristes ne sont pas considérés en tant que disparus puisqu'ils sont rangés parmi les victimes du terrorisme. A la question de savoir de quelle manière les 6 146 disparus ont été dénombrés, Me Ksentini répondra que de «92 à 97, ce sont quelque 500.000 Algériens qui sont interpellés par les forces de l'ordre pour des faits liés au terrorisme, 6 146 parmi eux n'ont jamais comparu devant la justice pour jugement», a-t-il expliqué. A une autre question sur l'amnistie générale, le président de la Cnppdh dira que ce projet est «l'antichambre de la réconciliation nationale».