Il a traversé toutes les tempêtes, emmenant toujours son embarcationà bon port. Ahmed Ouyahia, est-t-il un bon chef du gouvernement? Est-il un vrai «commis» de l'Etat, comme aiment à le qualifier nombre de ses adversaires politiques, ou un simple politicien qui sait attendre son heure pour saisir sa chance avant d'accéder au véritable pouvoir? Apparemment l'homme est les deux à la fois. Ayant fait ses preuves au cours des différents gouvernements qu'il a dirigés, Ahmed Ouyahia s'apprêterait à conduire son cinquième gouvernement. L'imminent remaniement ministériel aura pour consensus de maintenir M.Ouyahia aux commandes de l'Exécutif. Cette reconduction, pressentie, ne se prête à aucune autre lecture, sinon que cette «mise en confiance» est la continuité logique de Bouteflika de mieux réaliser les objectifs du programme présidentiel soumis au peuple et sur la base duquel Abdelaziz Bouteflika a été réélu président de la République le 8 avril 2004. Certes, il y a des moments où les événements bousculent les hommes, mais pas Ahmed Ouyahia. Toujours placide et froid, mais souriant pour la circonstance, évitant le plus souvent le piège du populisme, Ouyahia a su rester visionnaire dans son approche des événements politiques. N'a-t-il pas été fait appel à ses services à chaque fois que la maison Algérie se retrouvait devant un malaise? Et la politique du «bistouri» ne l'écoeure pas. Bien au contraire, au point de revendiquer lui-même le sobriquet d'«homme des sales besognes». Et quand il faut «amputer», Ahmed Ouyahia n'y va pas avec le dos de la cuillère. L'affaire des ponctions salariales, qui avait fait tant jaser les syndicalistes, en est la meilleure preuve de sa thérapie de choc. Ainsi en décidant de le reconduire à la tête du gouvernement, le président de la République affiche une reconnaissance pour celui qui l'a toujours soutenu en dépit de certaines divergences dans la forme mais pas dans le fond. Lors de son premier passage à la tête de l'Exécutif entre 1995 et 1998, Ahmed Ouyahia avait été qualifié de «Premier ministre le plus impopulaire de l'histoire du pays», après une série de réformes libérales qui avaient conduit à la fermeture de centaines d'entreprises publiques et la mise au chômage de dizaines de milliers de personnes. En effet, quand il avait pris les rênes pour la première fois, le pays avait pratiquement atteint le fond du gouffre et l'homme eut la tâche délicate d'accomplir les sales besognes. Il n' y avait plus un rond dans la caisse pour payer les travailleurs et Ahmed Ouyahia osa ce que personne n'avait osé avant lui : ponctionner les salaires. Mais cela n' a pas empêché alors, la vox populi d'apprécier en lui sa pugnacité, son efficacité et surtout son sens du dialogue et de la concertation. En effet, séduire et communiquer sont ses atouts maîtres en plus du sens de l'anticipation sur les événements. Aujourd'hui, le vent semble tourner et plutôt en sa faveur. Rappelé par le président Bouteflika pour donner un coup d'accélérateur à l'Exécutif d'Ali Benflis, qu'il venait de limoger en mai 2003, Ahmed Ouyahia avait annoncé la couleur dès son installation : la rigueur. Homme de dossiers, Ahmed Ouyahia a repris à son compte les projets inachevés de Benflis. Mieux, il a gagné la bataille du dialogue avec les archs, en rupture avec le pouvoirs publics depuis 2001, ainsi que la paix sociale avec l'Ugta. Aujourd'hui, plus encore, le président de la République a besoin de lui et surtout peut compter sur lui pour faire avancer ses projets. Et la encore c'est la «méthode» Ouyahia qui devra faire son bonhomme de chemin. «Il n'est pas possible d'entrer dans l'économie de marché avec les méthodes éculées des dernières décennies, comme il est vain d'aspirer à l'ouverture sur le marché mondial avec des entreprises encore sous domination de l'Etat ou de l'administration», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. «Il n'y a pas de place pour la démagogie si nous voulons entrer dans l'économie de marché», ne cesse-t-il de marteler. Clair, net et précis.