Depuis le dernier Conseil de gouvernement qu'il a présidé, le 10 mai dernier, Ahmed Ouyahia n'est apparu dans aucune activité officielle. Après une éclipse de 10 jours, le matin du 20 mai, Ahmed Ouyahia revient dans son bureau de Chef du gouvernement sur fond de rumeurs de départ. Paradoxalement, au moment de son absence, les attaques des autres partis augmentent en intensité. D'emblée, Belkhadem donne le la en avouant que les trois partis de l'alliance présidentielle “n'ont pas la même conception du programme du Président”. Une démarcation qui laisse le pilote de l'Exécutif seul. Et seul responsable du choix de la méthode de concrétisation du programme présidentiel. Le lendemain, Soltani, l'autre allié, prend le relais tout en poursuivant sa logique d'exigence du départ d'Ouyahia. “Il n'y a point de gouvernement éternel. Ahmed Ouyahia encaisse, du moins en a-t-il l'air, compte tenu du silence qui a caractérisé ses cadres. Seul le porte-parole du parti, le RND, a tenté de répliquer aux assauts des Soltani et autres Daâdoua Layachi, chef du groupe parlementaire du FLN, qui se chargent d'enfoncer le Chef du gouvernement en le menaçant d'une motion de censure, puis de réclamer son départ pur et simple. Dans l'entourage d'Ahmed Ouyahia, c'est le silence circonspect, mais qui se veut serein, justifié par des arguments trop légers pour atténuer la portée des attaques de ses adversaires. Outre la grande question que pose l'attitude des membres de la direction du RND, l'absence de son premier responsable de la scène politique et des activités officielles, la dernière étant la visite et le dîner offert en l'honneur du président vénézuélien, Hugo Chavez qu'Ouyahia a manqués, était énigmatique. Selon des informations concordantes, Ahmed Ouyahia a pris cinq jours de repos pour passer des examens médicaux, une sorte de check-up annuel. Certains évoquent un séjour privé de trois jours à Bruxelles. Stakhanoviste de la besogne, gros fumeur et un peu trop d'embonpoint ont certainement décidé Ouyahia à faire une coupure avec un rythme de travail qui excède 14 heures par jour. Surmenage pour les uns ou simple problème gastrique, pour les autres, n'empêche que ce contrôle médical l'a éloigné de la scène. Mais, le mystère de son silence demeure dans la mesure où un contrôle médical n'explique pas son attitude qui s'apparente à un fléchissement devant les critiques acerbes de ses alliés adversaires qui focalisent, d'une part, sur “l'échec de son action au gouvernement”. De l'autre, on le soupçonne a priori de velléités de fraude aux prochaines législatives de 2007, d'où la réclamation de son départ. Il semble, de ce fait, qu'Ahmed Ouyahia prête le flanc à ses détracteurs qui se placent déjà dans la perspective de 2007 — probablement plus loin, étant donné qu'il est le seul à ne pas se prononcer sur l'échéance présidentielle — le FLN ayant opté pour la révision constitutionnelle et le MSP décidé à prendre le pouvoir en 2012, avec option de revenir, surtout pour le FLN, au pouvoir. Quelle sera donc l'attitude d'Ouyahia ? D'autant plus que sa double casquette ne l'a toujours pas empêché de pencher et de favoriser sa fonction de commis de l'Etat, et seulement elle. Homme de devoir, il sait qu'il peut s'éclipser un jour, à sa demande ou sur celle du président Bouteflika, le seul habilité dans cette confusion d'Etat à trancher un débat qui n'en est pas un et qui tourne à la crise gouvernementale. Cela d'autant également que sa demande au bureau de l'APN de lui fixer une date, entre le 24 et le 31 mai, pour présenter son bilan n'a toujours pas eu de réponse. L'attente aura duré, comblée par les spéculations, les surenchères et les menaces des députés du FLN, jusqu'à ce que le président de l'APN, M. Amar Saïdani, lève le secret : Ouyahia ne présentera pas son bilan. Réponse on ne peut plus officielle qui “fragilise” davantage Ahmed Ouyahia, tout en le pressant de prendre une décision quant à son avenir à la tête du gouvernement. Ce qui ne saurait tarder, selon des indiscrétions. Les prochaines quarante-huit heures seront déterminantes, voire décisives. Le temps fixé, d'une part, par le calendrier officiel, avec la visite attendue du Premier ministre turc, M. Erdogan. De l'autre, le temps de réflexion que se donne Ahmed Ouyahia pour peaufiner sa riposte. S'il a toujours envie de se battre contre ceux qui ne saisissent pas sa démarche. Djilali benyoub