Incarné avec justesse à l'écran par l'acteur portugais Sinde Filipe qui n'a pu se déplacer à Alger, le réalisateur portugais a donné à voir, dans une forme narrative éclatée, la vie de Teixeira Gomès, cet homme d'Etat, diplomate et écrivain exalté qui a passé le reste de sa vie à Béjaïa... «Le film raconte l'aventure passionnante d'un président portugais qui a tout quitté à 65 ans. La présidence, ses filles et part refaire sa vie. Il connaissait le Maghreb et parti vivre à Béjaïa qu'il considérait comme la plus belle ville de l'Afrique du Nord. Il rencontre des gens dont Mokrane qui s'occupera de lui. Une profonde amitié naîtra entre les deux hommes. Ce film montre cette rencontre entre deux cultures. Ce long métrage est le fruit de 8 ans de travail.. Zeus est cofinancé à hauteur de 60% par la partie portugaise pour un budget total de 1 million d'euros. Le film se décline en trois blocs. La vie en Algérie, en contraste avec sa vie au Portugal et enfin le troisième bloc est celui de l'histoire écrite dans sa chambre, son chef-d'oeuvre. Il avait un employé algérien qui l'aidait. Ce dernier est magnifiquement bien interprété par Idir Benaïbouche...» a confié, avant la projection, le réalisateur de Zeus, Paulo Filipe Monteiro. Sous l'égide du ministre de la Culture Azzedine Mihoubi, le Centre algérien de développement du cinéma (Cadc) et Moussa Haddad Prod, en collaboration avec l'opéra d'Alger Boualem Bessaih et la Cinémathèque algérienne, l'avant-première officielle en Algérie de cette coproduction luso-algérienne a eu lieu mercredi, en présence du réalisateur, des producteurs algériens et portugais, de l'équipe artistique et technique du film et ce, avant sa projection, hier, à Béjaïa où une partie du tournage a eu lieu, avec reconstitution des décors de l'époque comprise. Déroutant, il faut savoir que les trois parties du film que le réalisateur va mettre en images, bien que superbement bien filmées vont un peu entremêler les pinceaux pour pas mal de spectateur dont d'aucuns ont cru que le jeune personnage du roman était Manuel Teixeira Gomes him self, jeune! Le film commence dans ces années agitées, marquées par la montée du fascisme et la révolte militaire.. L'ennemi du président Gomes, Cunha Leal, va tenter de le discréditer à cause de son roman qu'il jugera trop sulfureux. Avec flegme et détermination et toujours fidèle à la Constitution, Teixeira Gomes réussit à imposer d'importantes réformes et faire fi de tous les obstacles. Cela lui valut de gagner l'adhésion des classes ouvrières. Un jour de décembre 1925, fatigué, Gomes démissionne et décide de quitter le Portugal à bord du premier bateau en partance de Lisbonne. Ce sera le navire de marchandises hollandais Zeus, ce dernier, comble de la providence est le nom d'un dieu berbère. Il atterrit d'abords dans le désert algérien. Là, on assiste à de larges pans panoramiques, presque de cartes postales de cet espace vierge, mais où il profitera de l'hospitalité d'un Touareg. Leur discussion tournera autour du sentiment de culpabilité, mais aussi des femmes et de la sensualité. Nous sommes maintenant à Annaba, Gomes a 70 ans. On le devine par le nom de Bône affiché sur un mur. Il va s'amouracher d'une jeune danseuse. Une séquence rapide pour nous plonger à nouveau dans l'univers vaporeux des femmes et les fantasmes de prédilection de cet auteur espiègle. Cela même qui va inspirer son imaginaire fertile et fera naître son roman Adélaide. Le voilà à Béjaïa installé à l'hôtel «L'Etoile». Il comptait rester une semaine, il y restera 11 ans, soit le reste de sa vie. C'est dans sa chambre d'hôtel, à 77 ans, presque aveugle, que naîtra son roman, Maria Adelaide, sur lequel le réalisateur va longuement s'attarder avec des scènes de nus, pas très courant à voir dans nos salles de cinéma...Cependant filmées avec une rare beauté que cela passe. Faut pas croire... Certains sortiront tout de même de la salle. Mais passons. Loin d'être cet homme sulfureux qui vit désormais dans ses feuilles blanches, c'est sa rencontre avec le jeune employé de cet hôtel qui va l'aider à résister et supporter pourtant la vie jusqu'à son dernier souffle. Ce garçon ne saura jamais que l'homme qui voudra l'appeler par son nom à la place de «marabout» (surnom donné par les Français car il appelait à la prière), était l'ancien président de la République du Portugal. Ici, Idir Benaïbouche prend les allures d'un garçon de chambre, un tantinet naïf, presque simplet. Son caractère infantile jure avec le tempérament furieux qu'on lui connaît dans d'autres expériences cinématographiques ou théâtrales. Une amitié grandissante va lier Gomes à ce jeune employé de l'hôtel, Amokrane. Elle n'est toutefois pas très soulignée pour autant dans la mise en scène. Et c'est fort dommage. Car l'intention y est. Si le regard de cet homme est empreint, au départ, d'exotisme à relent orientaliste sur la ville où il va évoluer, bientôt il prendra conscience de la condition de l'indigénat sous l'occupation française et sa réaction face aux violences coloniales à l'adresse des Algériens. Mais il n'osera jamais prendre une position franche préférant garder l'anonymat sur son statut de président. Cela est appuyé par le jeu de dialogues lors d'un face-à-face avec deux Français dans une pâtisserie tenue par une Française. S'il restera toujours mystérieux, il sera souvent surveillé par la police. Teixeira Gomes n'est jamais rentré au Portugal. Ses filles ne l'ont jamais visité. Seul vient le voir le chef de rédaction d'un grand journal portugais. Ils parleront de politique, de littérature, du vieillissement et de la rencontre avec la culture berbère et arabe. Un matin d'octobre 1941, Gomes meurt à 81 ans, attaché par une ficelle rouge à Amokrane qui, tel un fils, veille à son chevet, attentif au moindre de ses mouvements. Entre drame et romantisme avorté, le réalisateur tente de brosser un portait bien flatteur de cet homme qui, en fuyant la dictature incarnera cette figure de l'artiste incomprise dans son pays. Le film est traversé d'un style travaillé presque comme une pièce de tragédie grecque tant le texte dit dans la bouche de Gomes, filmé de près, paraît trop chatoyant, voire dans les plans rapprochés également des autres protagonistes portugais. Ce qui diminuera un peu de la valeur cinématographique des Algériens qui paraissaient plutôt fades à côté. Le mérite de ce film en tout cas est de nous avoir dévoilé l'existence d'un homme dont les Algériens ne connaissaient pas grand-chose et dont le charisme est bien rendu dans l'image avec tendresse.