La France a failli vivre une grave pénurie d'énergie en plein hiver Malgré son statut de puissance économique, la France demeure très fragile sur son flanc algérien. Ne sachant quoi faire pour éviter la faillite à des agriculteurs français, Christian Estrosi, le président de la région française de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca) a officiellement écrit à son Premier ministre pour lui demander d'intervenir auprès du gouvernement algérien afin de permettre l'importation de 20.000 tonnes de pommes des Alpes. Le politique français, pour qui cette initiative est d'abord destinée à la consommation interne, met dans son message à Bernard Cazeneuve, sa dose de nostalgique de l'Algérie française, histoire de ne pas se mettre en position de quémandeur. Le ton provocateur et le souci égoïste d'Estrosi ne cachent pas moins la réalité de l'interdépendance entre les économies algérienne et française. Lorsque la première s'enrhume, la seconde éternue. Il faut dire, à ce propos, que l'épisode des pommes des Alpes n'est pas le premier dans le long feuilleton commercial entre Alger et Paris. Le même Estrosi doit se souvenir de la situation de panique vécue par de nombreux opérateurs français, lorsqu'en 2008, l'Algérie avait pris la décision de réduire la voilure de son commerce extérieur après la chute brutale des prix du pétrole. Les mesures d'urgence prises à l'époque, dans le sens des restrictions des importations avaient provoqué l'asphyxie de plusieurs filières industriels et agricoles installées dans le Sud de la France. Les hommes d'affaires de cette région en étaient jusqu'à demander audience au Premier ministre algérien de l'époque. Cette démarche était strictement motivée par l'impact désastreux des décisions gouvernementales algériennes sur des dizaines d'entreprises françaises. Des pans entiers de l'économie de la région Paca étaient menacés de récession. Il faut dire que cette partie de la France doit son dynamisme économique à ses relations commerciales avec l'Algérie. La remontée des prix du pétrole lui a permis de connaître un essor certain, aujourd'hui, encore une fois, menacée par la politique de réduction des importations engagée par Alger depuis plus de deux années. Il va de soi que les pommes des Alpes ne sont que la partie apparente de l'iceberg. Un nombre important d'autres producteurs et de filières sont actuellement dans une situation financière très difficile avec un chiffre d'affaires en berne, pour la simple raison que beaucoup de PME ont construit leurs politiques à l'export presque exclusivement en direction du marché algérien. Les entreprises françaises qui participent aux divers salons organisés en Algérie, le font avec l'intention de commercer seulement. Ils ont trouvé sur place des milliers d'importateurs et aucune sorte d'obligation ou autre cahier des charges qui contraindrait à investir en Algérie. Les échanges algéro-français ont toujours été dans un seul sens et au strict bénéfice de l'économie française qui a créé des dizaines de milliers d'emplois grâce à la «générosité» de l'Algérie. L'interdépendance algéro-française n'est certainement pas limitée à des échanges commerciaux dans l'agroalimentaire. Elle est bien plus stratégique et nous avons eu dans l'épisode de la fourniture de gaz algérien à la France un exemple vivant de l'importance que représente l'Algérie pour l'Hexagone. Ce pays a failli vivre une grave pénurie d'énergie en plein hiver, rien que parce que l'une des installations gazières algériennes était en arrêt technique. C'est dire que malgré son statut de puissance économique, la France demeure très fragile sur son flanc algérien. Restons dans le stratégique pour évoquer l'entêtement du constructeur Peugeot à investir en Algérie, son premier marché en Afrique et porte ouverte sur le continent noir. Le cas de ce constructeur est tellement stratégique que l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait le déplacement d'Alger pour plaider sa cause. C'est dire qu'au plan économique la France reste encore liée à l'Algérie sur bien des plans, notamment celui de ses champions à l'image d'Alstom, sauvée de la banqueroute par un marché accordé par l'Algérie au début des années 2000. Le sauvetage a permis la création de Cital, une entreprise mixe Alstom-Ferovial qui risque de connaître de gros problèmes de trésorerie. En fait, l'histoire économique algéro-française est un parfait exemple d'interdépendance qui aurait pu déboucher sur une relation symbiotique, n'était-ce les arrière-pensées des opérateurs français, toujours enclins à considérer l'Algérie comme un simple marché.