L'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura tente de réanimer le processus de paix syrien L'ONU avait prévenu: il n'y aura pas de miracle à Genève. Si huit jours de discussions sur la Syrie n'ont pas permis d'avancée majeure, de tous petits pas ont été accomplis et aucun des belligérants n'a pris le risque de claquer la porte des négociations. Alors que la guerre en Syrie, qui a fait plus de 310.000 morts et des millions de réfugiés, va entrer le 15 mars dans sa septième année, la quatrième session de pourparlers de Genève s'acheminait hier vers sa conclusion, selon des sources proches des négociateurs. Le médiateur de l'ONU Staffan de Mistura devait enchaîner les rendez-vous avec toutes les parties présentes à Genève: la délégation de Damas, celle du Haut comité des négociations (HCN, principale délégation de l'opposition), et les opposants proches de la Russie, le «Groupe du Caire» et le «Groupe de Moscou». Selon ces mêmes sources, M.de Mistura a multiplié jeudi soir les discussions informelles avec les belligérants jusqu'à 3h00 du matin. L'infatigable diplomate italo-suédois devait conclure la session de négociations par une conférence de presse hier soir ou aujourd'hui. Les discussions directes que M. de Mistura espérait pouvoir lancer entre les deux belligérants n'ont cependant pas eu lieu. Les deux parties se sont simplement fait face lors de la cérémonie d'ouverture jeudi soir, dans une ambiance polaire. Lors des différents points de presse que chaque belligérant a donné par la suite, les accusations habituelles ont été proférées, le régime fustigeant une opposition comprenant en son sein des «terroristes», l'opposition se plaignant de n'avoir pas de «partenaire pour la paix». Toutefois, aucun n'a claqué la porte. «Nous sommes toujours là, en soi, c'est déjà un succès», souriait cette semaine un membre de la délégation de l'opposition, Monzer Makhous, après cinq jours de discussions. Les pourparlers de Genève ont buté, comme les fois précédentes, sur l'ordre du jour des négociations. Trois sessions de discussions en 2016 s'étaient soldées par un échec, en raison des violences sur le terrain et de l'insistance de Damas à parler de terrorisme, quand l'opposition réclamait des discussions sur une transition politique. M. de Mistura a prévenu dès le début de cette quatrième session qu'il voulait que la discussion s'engage sur les trois thèmes prévus par la résolution 2254 de l'ONU, feuille de route internationale pour un règlement du conflit syrien: la gouvernance - thème flou pour évoquer une transition politique -, la Constitution, et les élections. Dès le deuxième jour des discussions, Bachar al-Jaafari, l'austère chef de la délégation gouvernementale, a insisté pour que le terrorisme soit discuté «en priorité», au lendemain d'un sanglant attentat contre les services de renseignement syriens à Homs (centre), qui a fait une quarantaine de morts samedi. «Si nous discutons de terrorisme, il faut aussi parler des barils d'explosifs, des gaz toxiques et de l'exécution de 13 000 personnes dans une prison», a rétorqué le chef de la délégation du HCN, Nasr al-Hariri, en référence aux supposées atrocités reprochées au régime de Damas par des ONG et l'opposition syrienne. Mais les positions se sont nuancées, en toute vraisemblance sous l'influence de l'acteur majeur du dossier, Moscou. Présent à Genève pour le Conseil des droits de l'homme, le ministre adjoint des Affaires étrangères russes, Guenadi Gatilov, a rencontré la délégation du régime, et, fait sans précédent, celle du HCN. La Russie, qui intervient en Syrie depuis septembre 2015 et a permis au régime de se renforcer sur le terrain, tire aussi les ficelles sur le plan politique, en l'absence des Etats-Unis, dont le président Donald Trump n'a donné jusqu'à présent aucun signe d'implication dans la recherche d'un règlement au conflit syrien. Et les pressions russes semblent avoir payé, puisque pour la première fois le régime a annoncé publiquement à Genève qu'il était prêt à discuter des trois thèmes politiques fixés par M. De Mistura. A condition bien sûr de parler de terrorisme. «Notre position sur l'agenda des pourparlers est qu'il contient quatre sujets à discuter en parallèle, d'égale importance», a déclaré jeudi M. Jaafari. La pression de Moscou s'exerce aussi sur l'opposition. Jeudi, la porte-parole de la diplomatie russe a accusé le HCN de «saboter» le processus de Genève, intimant implicitement à l'opposition d'intégrer en son sein les représentants des groupes du Caire et de Moscou. «Au-delà de leurs positions radicalement éloignées, les deux parties ont des choses en commun, des choses qui les rassemblent, comme la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Syrie, la continuité de l'Etat. Et c'est là-dessus qu'il faut s'appuyer», espère un diplomate occidental. Les discussions reprendront probablement d'ici quelques semaines, selon des sources proches du dossier.