Courez vite acheter vos billets pour ce soir. Un ultime concert rien que pour vous... La majestueuse diva aux pieds nus donnera un second concert ce soir à la salle Ibn Khaldoun sur initiative de l'établissement Arts et Culture. L'engouement du public est tel qu'il a fallu rajouter une deuxième date. C'est donc à 21h au prix de 500 DA l'entrée. Pour ainsi dire presque deux fois rien à côté de l'aura de cette grande dame qui force le respect. Dans sa chambre de l'hôtel Hilton où nous sommes partis à sa rencontre, c'est une femme adorable, un peu fatiguée par le poids des années, mais ne se départissant pas de son sens de l'humour que nous avons découvert. Du haut de ses 64 ans, Cesaria Evora s'est révélée à nous belle, naturelle, parée de bijoux en or. Celle qui affirme aimer tout le monde, dit «pouvoir lire dans les yeux». L'amour par exemple. «Chanter est dans le sang», souligne-t-elle et d'expliquer: «A l'âge de 16 ans, j'ai commencé à chanter. Mon père, mon oncle étaient compositeurs, mon frère aussi. Mes amis m'ont entendu chanter et depuis, je ne me suis pas arrêtée.» N'ayant pas la vie facile, Cesaria Evora a connu une vie précaire, ponctuée de misère et d'alcool. A la mort de son père, elle est confiée à l'orphelinat. Cela forge un artiste. C'est pourquoi, elle confie ne pas croire aux rêves. «Les rêves sont trompeurs. Une fois j'ai rêvé que j'avais gagné de l'argent. Je me suis réveillée le lendemain sans trouver de quoi préparer le repas.» Cesaria Evora dit attacher «beaucoup d'importance à la France», le pays qui lui a permis de s'ouvrir sur le monde et connaître d'autres pays. La célébrité? Cela lui «a rapporté de l'argent et puis le confort, mais ne ma pas changée». Pour preuve malgré l'argent, Cesaria continue à ne pas aimer porter des chaussures. Une habitude prise certainement lors de son enfance où elle marchait comme les autres gosses pauvres dans son quartier au Cap-Vert. Autre surprise : Cesaria aime repasser elle-même ses vêtements. Elle aime faire les choses par elle-même. Aussi, son fer à repasser ne la quitte pas partout où elle va. Et c'est 170 concerts en moyenne par année qu'elle anime. Infatigable, Cesaria Evora n'espère rien aujourd'hui, sauf, peut-être, continuer à chanter jusqu'à l'âge de 80 ans. Le programme tracé, elle interprètera ce soir les morceaux les plus connus, à l'image de Sodad, jusqu'aux titres de son dernier album, Vos Damos. A propos de Sodad, la chanteuse confie que «c'est un sentiment très capverdien. Il exprime l'envie de partir et de rester à la fois. Il est propre à tous les pays de l'émigration. Du temps du colon portugais au Cap-Vert, on faisait des contrats pour aller travailler dans les champs pour des salaires misérables. Cette chanson a été écrite pour ces gens qui sont partis». Sur des textes qui expriment la souffrance, l'amour et d'autres thèmes existentiels, Cesaria sera entourée de plusieurs instruments, notamment le sax, le violon, le piano et le «cavaquihnio» qui traduit le côté langoureux de la «morna». Ce style de musique propre au Cap-Vert. Une musique lente qui peut exprimer des thèmes joyeux aussi. A l'image du fado ou du blues, cette musique est la « langue » de Cesaria Evora qui affirme avoir toujours écouté les chanteurs à voix : Frank Sinatra, Mareza Monte du Brésil... Sereine et instinctive, Cesaria dit aimer vivre au jour le jour. Et si on lui demande ce qu'elle aurait voulu faire en dehors de la musique, elle vous répond: «Je ne me vois pas faire un autre métier. J'aurais vécu d'un autre art.» Ambassadrice actuellement du programme contre la faim dans le monde, Cesaria Evora combat à sa façon cette misère qu'elle a connue jadis, en animant différents concerts dans le monde. Chanter, c'est toute sa vie...