Savoir imiter Abdelhalim Hafez ou Farid El Atrach ne fait pas de vous un bon chanteur. Ecrire des papiers sur les grands évènements ne fait pas de vous un grand journaliste. Manger un bon repas ne vous rend pas, non plus, un fin connaisseur de la cuisine. Non, ce n'est pas le domaine couvert qui fait le journaliste, ni le chemin emprunté qui fait le coureur, pas plus que la poésie chantonnée ne fait le chanteur. Non, comme a dit Léo Ferré, «ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres, ni le baisemain qui fait la tendresse!». Aussi, dans une activité quelconque, la première règle à ne jamais oublier c'est d'être et de rester soi-même. Il ne sert à rien de vouloir ressembler aux autres dans leur manière de s'habiller, dans leur démarche, dans leur style de l'écriture, dans les sujets qu'ils abordent ou dans la manière dont ils le font. Rien n'est plus dangereux pour l'innovation et la créativité que l'imitation. Non seulement elle ne permet pas aux copieurs d'avancer mais, en plus, elle tue l'envie d'autrui et sabote leurs efforts. Dieu a voulu la richesse de la diversité, pourquoi ses hommes cherchent-ils la misère de l'uniformité? On ne peut pas se ressembler tous. Nous n'avons ni les mêmes gènes ni les mêmes gênes d'ailleurs, alors pourquoi vouloir se ressembler? Malheureusement, lorsque la médiocrité est de mise et que la bêtise se promène, torse nu avec un porte-voix à la main, l'intelligence préfère se mettre en retrait et se taire pour observer. Observer le «corbeau qui veut devenir une colombe» ou la «grenouille qui veut devenir aussi grosse que le boeuf»! La question qui mérite d'être posée est «pourquoi?». Pourquoi l'humanité en est-elle là? Pourquoi dans des universités, un peu partout à travers le monde, certains croient-ils qu'il leur suffit de copier des thèses de doctorat pour revendiquer, par la suite, le titre de docteur es-sciences? Pourquoi d'autres, chez nous et ailleurs, croient-ils qu'il suffit d'imiter des produits pour se croire devenir créatif? Et pourquoi, dans certains journaux, ici et ailleurs, d'aucuns s'adonnent-ils à l'imitation du style de certains de leurs confrères et à vouloir créer une concurrence là où il n'y en a pas? Lorsqu'on est en panne d'idées, on ne regarde pas ce que font les autres pour courir faire ce qu'ils ont fait. Cela ne peut pas aider à résoudre le problème. Il faut essayer de trouver l'inspiration au lieu de copier bêtement. Cela rappelle, à ceux qui la connaissent, cette belle histoire de «la vache des orphelins» dans laquelle la marâtre envoie sa fille imiter les deux orphelins. Faire de l'imitation idiote est une perte de temps et un gaspillage de capacités et d'efforts. Chacun a pourtant des habiletés dans un domaine donné et si, au lieu de plonger, la tête en premier dans ce jeu stupide du plagiat sous ses formes les plus ridicules, certains s'évertuaient à rester eux-mêmes, ils pourraient sans doute nous donner quelque chose de meilleur qu'une thèse copiée, qu'un article de journal imité ou qu'une musique volée. Ils devraient d'ailleurs s'essayer à développer leur propre art, ou leur propres produits, voire leur propre manière de créer. Comment pourrait-on faire comprendre à ces individus que le corbeau ne sera jamais perdrix et la grenouille ne sera jamais aussi grosse qu'un boeuf? Faudra-t-il leur rappeler, chaque matin, que le premier perdra sa démarche et la deuxième éclatera en morceaux? Non, sincèrement, entrer dans un château n'a jamais fait de quelqu'un un roi. Alors, un peu de bon sens!.