Le public a été bien servi après près de trois années d'absence sur scène à Tizi Ouzou Il a été au rendez-vous, le chantre de l'amour que des milliers de fans attendent chaque année, avec la même impatience, notamment dans les villes de Kabylie et dans la capitale. Farid Ferragui n'a pas dérogé à la règle vendredi dernier lors de son énième spectacle dans la ville des Genêts. Et son rendez-vous avec son public n'a pas été manqué. Comment peut-on d'ailleurs rater un rendez-vous artistique avec l'un des plus grands chanteurs algériens, d'expression kabyle, qui pendant trente-cinq ans, n'a pas cessé d'accompagner les déceptions de ses fans et les moments de leur vie, qu'ils soient heureux ou malheureux? C'est à quatorze heures trente, comme annoncé sur les affiches, que Farid Ferragui, est monté sur scène, sous une avalanche d'acclamations, auxquelles s'entremêlaient youyous et sifflements. La star n'a rien perdu de sa popularité, on l'aura remarqué dès la première seconde d'un spectacle qui ressemble, comme toujours, à un rêve. Des moments de sa vie qu'on croit à jamais morts et ensevelis ressurgissent subitement sous l'effet de la voix magique et mélancolique de Farid Ferragui, de ses mélodies et de ses textes prégnants. Farid Ferragui, avant de prendre la main de ses fans et de les conduire vers le jardin de l'amour qu'il entretient depuis 1981 avec la sortie de son premier album «A youl igvaghan toutas», a d'abord remercié tous ses fans avec sa chanson fétiche: «Teram-iyid gher temzi». Depuis quelques années, Farid Ferragui entame toujours ses galas avec cette chanson où l'artiste dit sa joie de retrouver son cher public après la longue traversée du désert, engendrée par les années de la tragédie nationale (les années quatre-vingt). Le poète de Tizi Ghennif chante qu'il avait cru à tort que ses fans l'avaient oublié après cette longue coupure. Puis, il est agréablement surpris que ce n'est pas du tout le cas. Et il clame haut et fort son bonheur de constater cette fidélité. Après quoi, Farid Ferragui entame une autre chanson qu'il aime beaucoup puisqu'elle figure, tout le temps, dans son répertoire: «Ur Tsrut felli», consacré à l'assassinat de personnalités nationales qui sont des symboles. Il s'agit de Abane Ramdane, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et Matoub Lounès. Le public a écouté Farid Ferragui dans un silence que rien n'est venu perturber. A part une explosion d'applaudissements quand Farid Ferragui a prononcé le non de la localité de Tala Bounane, où a été assassiné Matoub Lounès. Dans une salle archicomble (même les escaliers étaient occupés!), Farid Ferragui a poursuivi l'enchaînement de ses chansons en interprétant aussi sa célèbre «Khdem el khir i lwaldin» où il exhorte tout un chacun à ne pas oublier ses parents et de leur faire du bien avant qu'il ne soit trop tard, avant que la bougie de leur vie ne s'éteigne. Définitivement. Certains fans n'ont pas pu retenir leurs larmes surtout, sans doute, ceux qui ont perdu l'un de leurs parents. Mais la vie est ainsi faite, tente d'expliquer Farid Ferragui auquel le public demande enfin des chansons d'amour dont il est l'un des spécialistes attitrés. Mais il s'agit, comme tous ses fans le savent, de l'amour perdu, celui qui fait souffrir, voire déprimer. Mais fait vivre en même temps puisqu'il fait battre le coeur plus que tout autre chose. Du fond de la salle, des titres de chansons fusent de partout. Farid Ferragui a du mal à saisir les suggestions de son public. Mais il lui arrive de capter un titre et il l'interprète directement. «Ayid», «Agouni n tayri, téléphone», «tin diyirhan», «takhatemt», «Ad zewdjegh tsin ur sinagh»... La liste des chansons d'amour exécutées par Farid Ferragui en ce vendredi soir fut longue. Le public a été bien servi après près de trois années d'absence sur scène à Tizi Ouzou, due entre autres au décès de la mère du chanteur populaire en 2015. Une épreuve difficile, mais que le poète a pu surmonter grâce à sa foi. La quasi-totalité des chansons de Farid Ferragui sont tristes. Mais le chanteur ouvre à chaque fois une petite parenthèse pour deux ou trois chansons pour semer un peu de gaieté dans cette atmosphère. Farid Ferragui a choisi deux chansons rythmées. Il s'agit de la célèbre «Farhi s mmi», qui a fait un tabac à sa sortie au milieu des années quatre vingt ainsi que «tluled-ed ur nsaghret fellam». Dans la première chanson, Farid Ferragui décrit le bonheur d'un père qui vient d'avoir un garçon. Dans la deuxième, Farid Ferragui parle, dans le même sillage, du bonheur d'avoir une fille, même si à une certaines époque, dans la société kabyle, on ne se réjouissait pas beaucoup quand la naissance n'était pas un garçon. Le spectacle de Farid Ferragui a duré 150 minutes. On dirait 150 secondes. Quand on est dans un concert de Farid Ferragui, le temps passe très vite. C'est tout à fait le contraire quand on vit les scènes et les tourments que décrit ce grand chanteur.