Deux journées de protestation sont observées aujourd'hui et demain. Il ne faut pas contempler mille toiles ou être un illustre Issiakhem pour saisir l'ampleur du désarroi qui a gagné depuis quelques années les bancs de l'Ecole supérieure des Beaux Arts, Ahmed et Rabah Salim Assellah d'Alger. Ce marasme, qui menace l'essence même de celle qui fut jadis une prestigieuse institution, est tel que la section syndicale affiliée au Conseil national des enseignants du supérieur, a décidé de tirer la sonnette d'alarme en observant, aujourd'hui et demain, deux journées de protestation- auxquelles prendront part des membres de la coordination nationale du Cnes- pour décrier notamment les conditions pédagogiques qui handicapent au plus haut point le fonctionnement de l'école. Sur le fond, il y a d'abord le fait que cet établissement est soumis à une double tutelle: administrative, assurée par le ministère de la Culture, et pédagogique par le département de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et ce depuis, la création de l'école en 1985. Une situation, qui a eu pour effet direct, selon les membres de la section que nous avons rencontrés hier, le désintérêt presque total de la part des deux départements sus-cités qui donnent ainsi l'impression de n'être ni de près ni de loin concernés par cette réalité que dénoncent plus d'une centaine d'étudiants. «Nous travaillons sans véritable contrôle ni même une évaluation pédagogique. On ne peut avancer ainsi !», s'indigne M.Addoud, membre de la section, aux yeux de qui l'impératif, actuellement, est d'intégrer l'école au département de Harraoubia afin qu'il y ait une véritable prise en charge pédagogique de ce secteur de formation. Il s'agit là d'une vieille proposition- celle de créer un statut spécifique prenant en compte les règles inhérentes au fonctionnement de l'école- qui a été présentée, selon nos interlocuteurs, dans un passé récent, au ministère de la Culture qui malheureusement, n'a donné aucune suite à cette initiative malgré les promesses de la ministre. L'autre couac: la classification tout à la fois obsolète et ambiguë des titres enseignants. Il se trouve, d'après M.Addoud, que le problème, tel qu'il se présente, concerne particulièrement les praticiens, autrement dit, les professeurs d'ateliers dont les titres, contrairement à leurs collègues chargés de la formation théorique, ne sont pas reconnus par la tutelle et par voie de conséquence par les pouvoirs publics. Car la majorité des animateurs d'ateliers de cette école sont titulaires de diplômes d'écoles étrangères: arabes, européennes notamment. «Une situation qui freinera dans une large mesure le recrutement des enseignants», met en garde notre source, et son collègue M.Boumala d'ajouter: «D'ici à 15 ans, l'école est menacée de perdre tous ses praticiens.» Sur le plan des rémunérations, ces derniers sont considérés comme l'épine dorsale de l'école, sont, de plus, moins favorisés. A l'unanimité, ils demandent un traitement sur un pied d'égalité avec leurs confrères. L'appel au secours que les enseignants des beaux arts entendent répercuter sur la scène publique, est dû aussi à la baisse du nombre d'étudiants qui a chuté considérablement par rapport aux années précédentes où l'école a connu des pics de quelque 350 personnes. Actuellement, le nombre n'est pas aussi important et ne dépasserait pas le chiffre donné. Selon nos interlocuteurs, ce sont les conditions d'accès, particulièrement les restrictions imposées lors du concours d'entrée, qui sont derrière cette situation. Les membres de la section syndicale s'entendent, par ailleurs, quant à l'organisation d'un débat national sur la situation des arts en Algérie et de l'Ecole des Beaux Arts en particulier. Une rencontre à laquelle, souhaitent-ils, prendront part les premiers acteurs de ce secteur, pour espérer une réelle prise en charge et une meilleure considération. Le directeur de l'établissement est sommé, selon ces derniers, de jouer son rôle pour alerter les pouvoirs publics sur la dégradation de l'enseignement. A défaut, ils se disent déterminés à continuer leur combat pour la prise en charge de leur doléance. Ils se sont donné rendez-vous ce matin. «Dans une semaine, nous organiserons deux autres journées de protestation si nos tutelles ne daignent pas réagir favorablement à nos revendications», affirme M.Boumala. Et si le refus persiste? «Nous déciderons de la suite de notre mouvement avec la coordination nationale», répond-il pour dire à quel point il sont décidés à empêcher l'Ecole des Beaux Arts de se transformer en un grand bazar.