L'écriture est plus accessible pour moi que la caméra Après un premier roman, «La vie des anges», publié en 2005, l'écrivain Ali Hadjaz, retraité de l'Education nationale, a publié cette semaine aux éditions «Identité», son deuxième roman: «Silence». Il nous en parle dans cette interview où il évoque aussi brièvement son expérience dans l'audiovisuel ainsi que les écrivains qui l'ont marqué. L'Expression: C'est après une longue absence que vous revenez avec un nouveau roman, pourquoi donc avoir attendu autant d'années pour rebondir avec «Silence», est-ce par manque d'inspiration ou par besoin de maturation? Ali Hadjaz: L'écriture a besoin de temps. On a besoin d'un peu d'inspiration, mais de beaucoup de travail. La maturité s'obtient lorsque nous nous sentons en mesure de nous approprier lucidement notre existence, de nous en faire l'auteur, de signer chacun de nos choix en notre nom écrivait Vincent Cespedes, mais ce n'est pas encore mon cas pour le moment. Votre second roman, intitulé «Silence», est une histoire d'amour impossible, mais qui se vit tout de même, expliquez-nous ce paradoxe? L'amour ne s'apprivoise pas, ne s'explique pas. Quand il est là, on le vit, mais quand il s'en va, on le regrette. Reste le sevrage à la drogue dure, une longue et douloureuse période: comment faire pour oublier? Depuis Adam et Ève l'amour demeure un mystère pour l'homme. Ce dernier a pu percer les secrets de la médecine, de la technologie et des sciences en général. Il a même réussi à prolonger l'espérance de vie: des vaccins ont été découverts pour vaincre des maladies mortelles, sans parler des accouchements sans douleur, mais il demeure impuissant devant l'amour, ce sentiment si complexe que nul n'a réussi à lui trouver un mode d'emploi. Il nous tombe dessus quand on s'y attend le moins et s'en va sans demander notre avis. Pour l'amour, rien n'est impossible. Dans «Silence», il s'agit d'une relation entre un Algérien et une Française. Les différences d'ordre culturel, social et religieux ont-elles eu une influence sur la relation? Ou bien l'amour tel que vous le concevez transcende toutes les disparités? Il s'agit tout d'abord d'une tentative d'apporter une réponse à une question: existe-t-il une deuxième chance en amour? J'ai raconté une histoire humaine qui dépasse toutes divergences d'ordre religieux ou culturel. L'amour, le plus grand, le meilleur, l'authentique est silencieux. D'un autre côté, je me suis mis à un exercice palpitant: se mettre à la place d'une femme, de surcroît étrangère pour mieux nous décrire! Il est vrai que ça offre quelques avantages pour mettre le doigt là où ça fait mal. L'histoire et le décor sont très contemporains, cela offre néanmoins largement le dépaysement nécessaire au roman puisque beaucoup de choses s'y passent dans des géographies radicalement différentes... des mentalités aussi. Mais l'amour est au-dessus de tout. Votre roman évoque aussi l'Algérie, plus particulièrement la Kabylie, surtout durant les années d'insécurité, parlez-nous un peu de cet aspect de votre livre... Le sujet est toujours d'actualité, hélas! Le thème sera entièrement développé dans mon prochain livre. Là, j'ai juste abordé certains aspects nécessaires au décor; une forme d'exutoire par conséquent: il y a des choses qui me démangeaient, mais qui ne se disaient pas, il fallait les écrire et les confier en silence au seul lecteur. Nous vivons une époque désoeuvrée, tu n'y comprends que dalle. Nous sommes figés dans nos schémas mentaux, on te parle d'une rivière qui coule sous un soleil printanier et tu comprends voyage organisé vers la planète Mars. Au moins la lecture reste un dialogue silencieux entre l'auteur et le lecteur. Vous avez fait d'abord vos premiers pas dans l'audiovisuel, et obtenu le prix de l'Olivier d'or en tant que réalisateur au Festival du film amazigh, édition de Ghardaïa. Puis vous êtes passé à l'écriture romanesque, en abandonnant la caméra, s'exprime-t-on mieux avec la plume? Parlez-nous un peu de votre expérience dans l'audiovisuel? Bien sûr, l'écriture est plus accessible pour moi que la caméra. Néanmoins, quand je me suis investi dans le métier de l'audiovisuel, c'était une passion dévorante, j'ai réalisé de vieux rêves, aller sillonner la Kabylie profonde, donner la parole aux simples gens. J'ai recueilli des témoignages de vieux et de vieilles dont la valeur est inestimable. Je n'avais pas vu le temps passer. Dommage, je n'ai pas pu aller loin. Je n'ai pas le sésame pour entrer dans les chaînes de télévision ou de radio nationales. À ce sujet, j'ai aussi apporté quelques commentaires au décor de «Silence». Mais je continue seul cette passion grâce à la technologie moderne. Actuellement, avec mes archives, j'alimente une chaîne YouTube que j'ai appelée «La Kabylie profonde». Parlez-nous de vos lectures et de vos auteurs préférés, vos influences littéraires... Comme j'ai trouvé chez les auteurs que j'aime, à l'instar de deux dont j'ai presque lu toutes les oeuvres de Mouloud Feraoun et Paolo Coelho sans oublier l'approche philosophique de l'Inde. Ces influences, on les retrouve largement dans «Silence». Dans l'histoire que je raconte, les personnages ne sont que des prétextes, l'important se trouve dans la leçon.