La fronde anti-Zuma se durcit en Afrique du Sud avec l'appel hier à la démission du chef de l'Etat lancé par le principal syndicat et allié historique de l'ANC au pouvoir, suite à un remaniement ministériel qui a plongé le pays dans l'incertitude politique et économique. «L e moment est venu pour lui de démissionner. Nous ne croyons plus en ses capacités de leadership», a lancé le secrétaire général de la Cosatu, Bheki Ntshalintshali au sujet du président Jacob Zuma. Embourbé depuis plusieurs mois dans une série de scandales qui divisent jusqu'au sein de son propre parti, M. Zuma est de nouveau sous le feu des critiques depuis son remaniement ministériel controversé. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le président a nommé dix ministres et autant de vice-ministres, pour la plupart considérés comme ses proches. Un nom cristallise la fracture: celui de Pravin Gordhan, ministre des Finances, chantre de la lutte anti-corruption et ennemi n°1 de M. Zuma au sein du gouvernement, débarqué au profit de Malusi Gigaba, un fidèle du président. Selon le patron de la Cosatu, ce remaniement a été conduit sur des questions de «loyauté politique» et non de «mérite». Une grille d'analyse que partage le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa qui a déjà qualifié d' «inacceptable» le limogeage de Pravin Gordhan. «Il y a un certain nombre de mes collègues qui ne sont pas contents de cette situation et surtout du départ du ministre des Finances qui servait ce pays avec honneur», avait-il ajouté la semaine dernière. Ce coup de balai a également été rapidement sanctionné par les marchés. Lundi, la note souveraine de l'Afrique du Sud a été dégradée en catégorie spéculative par l'agence Standard & Poor's et le rand sud-africain a perdu 7% de sa valeur depuis le remaniement face au dollar. Standard & Poor's a rétrogradé l'Afrique du Sud à BB+, en catégorie spéculative, blâmant «l'incertitude politique et institutionnelle» aggravée par le remaniement. L'agence Moody's qui classe pour l'heure l'Afrique du Sud, deux crans au-dessus des catégories spéculatives (Baa2) a quant à elle placé le pays sous «surveillance» en vue d'une potentielle dégradation. «Nous reconnaissons que l'annonce (de Standard & Poor's) est un revers mais ce n'est pas le moment de se décourager», a affirmé hier le nouveau titulaire du portefeuille des Finances, lors d'une conférence de presse à Pretoria. «Cette dégradation montre que nous devons raviver les moteurs de la croissance de notre nation», a-t-il poursuivi. «Le président a été négligeant et imprudent» a jugé de son côté le patron de la Cosatu, ajoutant que cette dégradation allait «coûter très cher» au pays. Les principaux partis d'opposition ont, eux, appelé lundi à des manifestations communes pour réclamer le départ de Jacob Zuma. Ils souhaitent également organiser un vote de défiance devant le Parlement, contre le chef de l'Etat. Ce dernier a déjà survécu l'an dernier à plusieurs motions de ce type, grâce notamment à la confortable majorité de son parti au Parlement (249 députés sur 400). Mais avec la défection de la Cosatu, allié historique de l'ANC depuis son arrivée au pouvoir avec la fin de l'apartheid en 1994, l'opposition peut rêver de réussir son coup devant le Parlement. Elle doit seulement «retourner» 50 parlementaires pour obtenir la majorité simple nécessaire au succès de sa motion «Je ne vois pas les députés de l'ANC se diviser, cela donnerait trop d'importance à l'opposition. Même ceux qui n'aiment pas Zuma ne veulent pas cela», relativise néanmoins l'analyste indépendant Daniel Silke. L'ANC doit élire son nouveau président en remplacement de M. Zuma à la fin de l'année. Le candidat choisi sera la figure du parti pour les élections générales prévues en 2019 et qui désigneront un nouveau chef de l'Etat. Dans cette course, deux personnalités font partie des favoris: Nkosazana Dlamini-Zuma, l'ex-épouse de l'actuel président, et Cyril Ramaphosa, candidat de l'aile modérée de l'ANC.