La visite surprise de Mme Rice n'a pas clarifié la donne irakienne où la violence persiste. Condoleezza Rice a en revanche constaté les déséquilibres dans la composition de la commission de rédaction de la future Constitution permanente de l'Irak, relevant le nombre anodin de sunnites dans ladite commission, dominée outrageusement par les chiites. La situation sécuritaire est demeurée tout aussi précaire si l'on note qu'entre l'arrivée et le départ du chef de la diplomatie américaine en Irak, plusieurs attentats ont été commis faisant une vingtaine de morts et des dizaines de blessés. Mais c'est encore la découverte, samedi et dimanche, d'un nouveau charnier qui retenait l'attention hier en Irak, soulevant la colère des sunnites dont sont issues les victimes. Des sources sécuritaires et hospitalières ont en effet indiqué dimanche que quarante-six corps d'hommes tués par balles, décapités ou égorgés, avaient été découverts en Irak lors des dernières quarante-huit heures, dont 25 dans la capitale, Bagdad. Ce n'est pas la première fois que de telles découvertes macabres sont faites en Irak, accentuant le chaos régnant dans le pays. Outre les attentats perpétrés à grande échelle ces dernières semaines, les assassinats de particuliers, confinant aux règlements de compte, donnent à la guerre qui se déroule en Irak des dimensions d'ethnocide généralisé mettant davantage en exergue l'impuissance actuelle du gouvernement irakien à juguler et à éliminer la violence. Ces nouvelles tueries ont fait sortir de son mutisme le leader radical chiite, Moqtada Sadr, héros des évènements de la ville sainte de Najaf au printemps de l'année dernière, selon lequel «Les forces occupantes essaient de semer la division au sein du peuple irakien. Mais il n'y a pas de chiites et de sunnites, il n'y a que des Irakiens», le chef chiite affirme d'autre part : «Toute action qui vise les civils désarmés est interdite quelles que soient les circonstances» soulignant par ailleurs: «Nous rejetons les opérations terroristes, qu'elles soient menées par les occupants ou par d'autres». Moqtada Sadr a aussi dit: «Si les forces occupantes quittent l'Irak, il n'y aura pas de conflit ethnique ici», indiquant : «Je suis prêt à combattre les terroristes où qu'ils soient si les occupants quittent le pays.» Il est vrai qu'il est devenu difficile de faire en Irak la part entre la résistance, avec ce qu'elle implique comme précautions inhérentes à de telles actions, et le terrorisme avec son cortège de morts et de violence. Et le moins qui puisse être relevé est que l'armée et les services de sécurité irakiens n'ont pas, actuellement, les moyens de faire face à cette recrudescence de la violence. Selon un responsable américain, accompagnant Mme Rice, quelque 162.000 Irakiens ont été entraînés et équipés pour servir dans les forces de sécurité mais que seulement 69 bataillons (76.000 hommes) sont opérationnels. Ce qui est loin de répondre aux besoins de maintien de l'ordre et de lutte contre le terrorisme. Au plan politique, la visite surprise du secrétaire d'Etat américain, Condoleezza Rice, premier haut responsable américain à venir en Irak depuis l'avènement du gouvernement irakien, au début de mai, a donné au chef de la diplomatie américaine d'exprimer un soutien sans faille à son chef, le chiite Ibrahim Al-Jaâfari. Mme Rice voulait constater les progrès réalisés par les Irakiens dans le processus politique et d'enregistrer les efforts faits en vue de développer une économie gravement handicapée par l'insécurité du pays. La secrétaire d'Etat américaine n'a pas manqué par ailleurs de dire sa préoccupation quant à la représentation congrue réservée aux sunnites dans la commission devant plancher sur la mise au point de la future Constitution irakienne. En effet, dans cette instance, qui doit rédiger la Constitution permanente du pays, composée de 55 membres, majoritairement chiites, ne figurent que deux députés sunnites alors que cette communauté représente 25% de la population totale du pays. Aussi, Mme Rice a insisté sur le fait que plus que le recours à la force militaire, ce sont les réformes démocratiques qui vaincront les insurgés. «Pour les défaire, il faut avoir une alternative politique», a-t-elle dit, ajoutant que les Irakiens «vont devoir accroître leurs efforts pour démontrer que le processus politique est la réponse du peuple irakien». Reconnaissant la faiblesse de la représentation sunnite dans la commission, le chef du gouvernement s'est engagé à y remédier. Un responsable religieux sunnite tout en se félicitant de la prise de position de Mme Rice à propos de cette question de représentativité, a toutefois indiqué que «Les Etats-Unis défendent en réalité les sunnites en Irak pour préserver leurs intérêts. Ils savent très bien qu'ils ne peuvent pas atteindre leurs objectifs sans avoir une participation des sunnites». Comme quoi les Irakiens ne sont pas dupes du jeu des Etats-Unis.