La petite salle contenait difficilement le grand nombre de journalistes nationaux et étrangers venus couvrir en masse cette sortie médiatique de Nezzar. L'ex-général est arrivé à 11h tapantes dans sa voiture blindée, flanqué de ses gardes du corps. Il est notamment accompagné par l'avocat Khaled Bourayou. La présence de cet avocat est tout opportune. En effet, Nezzar a annoncé qu'il avait décidé de poursuivre, devant les tribunaux algériens et français, Habib Souaïdia pour diffamation. Le 27 mai dernier, Habib Souaïdia, alors invité à l'émission Droit d'auteurs de la chaîne française La Cinquième pour présenter son livre La sale guerre, avait ouvertement attaqué Nezzar. Ce dernier a donc décidé de réagir. «En tant que militaire, je préfère passer à l'offensive», dit-il. Il a également tenu à clarifier: «Je ne suis pas le parrain de l'armée. J'ai commandé l'ANP, j'ai donc le droit de la défendre et de me défendre.» Mais l'ancien ministre de la Défense a précisé que, par cette initiative, il ne vise pas seulement Souaïdia. En substance, il a parlé de ce qui, selon lui, constitue une «cabale» qui a pour cible «tous ceux qui ont participé à l'arrêt du processus électoral ou qui l'ont appuyé et salué». Pour Nezzar, Souaïdia n'est qu'un «pion» d'un ensemble plus important, d'une opération de dénigrement des acteurs de cette «étape historique où l'Algérie a été sauvée de l'intégrisme grâce à la société civile et à l'armée». Et d'ajouter: «Quand on fait un coup d'Etat, on ne lâche pas le pouvoir. Nous ne sommes pas des hommes de coup d'Etat!». Argumentant son propos, il a souligné que les généraux qui avaient participé à l'arrêt du processus électoral ont été mis à la retraite, et il a cité dans cet ordre les généraux Djouadi, Boughaba, Derradji..., et il ne reste en activité que quatre ou cinq d'entre eux. C'est sous le même éclairage que Khaled Nezzar a placé son départ précipité de Paris, il y a quelques mois de cela. «A travers la plainte déposée contre moi par des personnes connues de nos services et des services français, c'est, en fait, le procès du régime algérien qu'on a tenté de faire», a t-il déclaré. Quant à l'objet de cette plainte déposée à son encontre en France à l'occasion de son déplacement à Paris pour la présentation de son dernier livre, il a vivement avancé: «Je n'ai jamais torturé. J'ai moi-même dénoncé les tortures. Quand bien même ces personnes ont été torturées, ce n'est pas Nezzar qui l'a fait!» L'orateur est interrompu par les cris d'une vieille dame près de la salle qui ressemble, par cette chaude journée, à un sauna. Des journalistes accourent s'informer. C'est la mère d'un disparu qui vient dire ces quatre vérités à Nezzar qu'elle traite de «Pharaon», de «tueur» et de «Pinochet». Des agents de sécurité et des policiers tentent de la calmer. Nezzar est soudain nerveux, allume une cigarette, et dit: «On attend qu'elle termine.» Quelques minutes plus tard, il a repris. Pour cet ancien membre du Haut comité de l'Etat, HCE, le but essentiel de ces «manoeuvres» est de le faire taire. «On préfère donner la parole aux gens qui donnent une image très négative du pays», a-t-il estimé. Les tenants de cette «cabale» sont, selon Nezzar, bien identifiés: «L'ex-FIS, Aït Ahmed et non le FFS, et, bien sûr, l'Internationale socialiste.» Pour cet ex-haut officier de l'armée, la bataille juridique qui est engagée contre Souaïdia est d'autant plus importante qu'elle nécessite l'adhésion de la société civile afin de déjouer, selon lui, la machination ourdie par les ennemis de l'Algérie. «Je vais m'engager dans le plus important des combats», a-t-il lâché. Dans la foulée, il a cité le Maol, Mouvement algériens des officiers libres, en qualifiant leur site Internet d'«un instrument de propagande de l'ex-Fis». Il a fustigé les procédés de ce mouvement et les publications sur le Net qui parlent des «généraux corrompus et assassins». Nezzar a dit qu'il n'est pas question de faire dans l'amalgame, et tout aussi sérieusement, il appelle la presse à faire des enquêtes... Il a exposé son cas personnel en évoquant les problèmes de ses propres fils dont l'un n'a pu réussir à démarrer son affaire, en fait, une boîte Internet qui utilise les faisceaux hertziens. «Un procédé de haute technologie», a t-il assuré. Il a même avoué avoir forcé son fils à se marier tout dernièrement. «Etant chômeur, il ne voulait pas se marier.» (sic.) Un journaliste a posé la question que tout le monde attendait: «Allez vous retourner en France pour les besoins du procès contre Souaïdia?» Le général à la retraite d'un air sûr: «J'y retourne quand je veux!»