«J'aime tant cette Algérie et ses enfants» Chaque année l'Onda célèbre le 26 avril la Journée de la propriété intellectuelle. Cette année c'est en son siège à Bologhine qu'elle organisa une grande cérémonie en l'honneur des artistes de tout bord. Parmi eux figurait le chanteur Idir dont l'actualité est marquée par la sortie récente de son nouvel album intitulé «Ici et d'ailleurs». Vous êtes ici invité par l'Onda dans le cadre du Salon de la créativité. Vous en pensez quoi? Il y a des choses qui changent au niveau de l'Onda. C'est un organisme qui est beaucoup plus proche de ses artistes. La dernière fois quand je suis venu j'ai vu une ambulance. C'est énorme. Car on reconnaît le statut des artistes. Ce n'est pas évident car la fin de vie est terrible. Aujourd'hui, il y a des gens qui se penchent sur le désarroi, sur la vie des artistes qui nous ont fait rêver, rire et qui nous ont apporté tant de bonheur, c'est la moindre des choses que de pouvoir les prendre en charge car c'est à la charge de ceux qui marchent, de donner un peu à ceux qui ne marchent pas de façon à ce qu'ils puissent s'en sortir. Tu sais, c'est difficile de faire en sorte de diminuer le piratage ou le téléchargement illégal. Déjà en France et aux USA partout, ils n'y arrivent pas et Dieu sait qu'ils ont tous les moyens informatiques pour ça. Je salue les méthodes qui sont en train de naître ici. Mes droits ici ou là-bas c'est la même chose. Là bas, on te comptabilise en fonction du nombre de ventes de disques comme auteur ou compositeur, ici c'est une autre méthode, celle avec les timbres qui te donne une image approximative de ce que tu dois toucher. Idir, vous venez en Algérie pour percevoir vos droits, mais vous continuez à refuser de venir chanter en Algérie... Si ma langue est officielle je viendrai chanter dans la minute qui suit. Je refuse de me produire, mais je suis là car je suis algérien et je me sens algérien car aimant l'Algérie je respecte toutes les institutions de l'Algérie, mais je refuse qu'on fasse de moi quelqu'un que je ne suis pas. Mon public je le respecte bien sûr. Si je n'aimais pas l'Algérie, je ne ferais pas ça. Comme j'aime tant cette Algérie et ses enfants j'ai envie, qu'en retour, on me considère comme un Algérien à part entière. T'imagines si je vais aller chanter après tout ce que j'ai dit! Que vais-je penser d'abord de moi-même et les gens de moi? je ne me sens pas tranquille en mon fort intérieur, j'ai un manque énorme parce que, c'est comme si on n'avait pas remarqué mon grand-père ou mon histoire, je ne peux pas le supporter. Je suis algérien, j'ai mes papiers, sur ça il n'y a aucun problème là-dessus, mais quand il s'agit d'essayer de comprendre mon identité, surtout de la respecter et de lui donner tous les éléments qu'il faut pour qu'elle vive, ça, c'est autre chose. Or, je considère et je le répète, la langue amazighe est officielle, c'est bien mais cela ne suffit pas. Une identité il faut qu'on lui donne la même place qu'une autre identité. Ce n'est pas le cas. Je ne demande qu'être l'égal de mes compatriotes. Elle n'est pas officielle dans les mots. Pour qu'elle soit officielle il faut qu'elle ait les mêmes tenants et aboutissants, la même importance, la même place. Elle devrait être ni au-dessus, ni au-dessous d'une autre. Elle en a une qui est au-dessus et qu'on appelle langue d'Etat, ce qui sous-entend que la mienne n'est pas une langue d'Etat. Il faut reconnaître les blessures des autres. «Ici et ailleurs» est le titre de votre album ayant reçu un accueil mitigé par certains Algériens. Ces derniers vous reprochent le fait de vous être éloigné de l'âme originelle de la Kabylie. Que répondez-vous à ça? Ce n'est pas un album de Idir, c'est un concept. J'ai vécu combien d'années en France? Je ne sais combien de temps. C'est à moi aussi de retourner l'ascenseur aux artistes de là-bas en reprenant des chansons à eux et en les partageant avec eux. C'est possible que l'âme d'antan d'Idir n'y est plus, peut-être comme vous dites, c'est aux gens de voir. Mais je tiens à signaler que mon album «Ici et ailleurs» est numéro un, en tête des ventes en France. Si vous, vous ne vous reconnaissez pas dans mes chansons, il n y a pas de problèmes. On ne te demande pas de te reconnaître. J'ai fait ce que j'ai à faire. Moi je fais toujours des expériences. j'ai fait un premier disque traditionnel qui s'appelait «Avava Inouva» et d'autres... «La France des couleurs», on m'a demandé de le faire, je l'ai fait avec des jeunes car ce sont des expériences à chaque fois. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, c'est autre chose. Pour revenir au dernier album, je peux vous dire qu'il y avait même une certaine malice de ma part, car faire chanter des Français en kabyle ça c'est quand même pas mal! Car ça m'a permis de dire aussi cette langue existe envers et contre tout. Elle peut être chantée que par des Yougoslaves, des Anglais, par des Kabyles et des Arabes..