L'objectif était le carnage pur et simple de tout ce beau monde qui se compte par milliers. C'est aujourd'hui que le peuple algérien commémore le 60e anniversaire des événements du 8 mai 1945. A ce titre, un riche programme a été mis en place par les autorités locales et de wilaya pour célébrer cette date qui a marqué l'histoire du peuple algérien. Le FFS, parti majoritaire, se distingue encore une fois comme l'unique formation politique à prendre des initiatives dans ce sens en choisissant de tenir un meeting à Kherrata. Une manifestation qui sera animée par le premier secrétaire, Ali Laskri, 60 ans après. Les survivants de ce génocide colonial en parlent encore. Il faut dire que dans cette ville tout est histoire témoignant des dures épreuves subies par le peuple algérien. Le tronçon routier séparant Bordj Mira et Kherrata était l'oeuvre de condamnés à mort algériens détenus par l'armée coloniale comme l'est aussi cette ligne de chemin de fer traversant toute une partie de la chaîne des Babors jusqu'à l'ancien port des Falaises. Les événements étaient si marquants qu'il est difficile d'oublier leur atrocité. A Kherrata, on se souvient de tout. Le moindre détail refait surface à l'image des rafales qui avaient commencé bien avant le 8 mai, explique-t-on. Hommes, femmes et enfants furent évacués manu militari et chargés à bord des camions, raconte ce vieillard qui avait eu à vivre les premières frayeurs de sa vie. La centaine de camions chargés pêle-mêle d'Algériens détenus prit la direction de Kherrata. L'objectif des officiels de l'armée française était de jeter ces centaines de prisonniers dans les profonds ravins jouxtant les gorges de Kherrata. On se souvient aussi du regroupement d'Algériens de la Basse Kabylie à Melbou. Le 8 mai 1945, ce fut incontestablement une véritable marée humaine qui fut rassemblée le long des plages de Melbou jusqu'à Aokas. Ce jour-là, poursuit notre interlocuteur, blindés, camions et bateaux de guerre surveillaient étroitement les prisonniers. L'objectif était le carnage pur et simple de tout ce beau monde qui se compte par milliers. Pendant ces longs moments d'attente angoissante quelques vieillards et enfants moururent de fatigue, de peur et de stress. Mais soudain, souligne Da Lhadj, alors que tout le monde attendait la mort, un officier s'adressant aux milliers d'Algériens qui retenaient leur souffle leur annonça que le commandant du groupement de Constantine a décidé de leur épargner la vie. Dans la foulée du dispersement d'autres vieillards et enfants moururent à leur tour par piétinement.