une artiste talentueuse Nous l'avons rencontrée la semaine dernière au Salon national de la créativité qui s'est tenu du 27 avril au 03 mai à l'Esplanade de Riad El Feth. Ses oeuvres en céramique ont tout de suite attiré notre attention. Cette artiste aux doigts de fée nous dévoile dans cette interview qui elle est et nous parle de sa passion qu'elle transmet généreusement à ses élèves... L'Expression: Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs? Nathalie Andris:Je m'appelle Nathalie Andris, je suis belge. Je suis artiste céramiste designer installée en Algérie depuis bientôt six ans. J'ai un atelier où je forme les gens, des Algériens principalement, aux méthodes de création de pièces à partir de terre directement. Sans travail de tour on peut faire le tournage, j'ai un tour que je mets à leur disposition, mais je préfère orienter les gens vers la création directement à la main. Cet atelier est ouvert trois matinées par semaine, j'ouvre également mon jardin chaque premier vendredi du mois, à Hydra, aux artistes algériens de manière gratuite, afin aussi de rassembler les gens, à distribuer aussi leurs produits et les faire connaître, car il y a des Algériens qui sont talentueux, qui sont dans leur coin et ne sont pas connus. Certains on leur demande de payer 3000 DA pour exposer alors qu'ils ne vendent rien. Chez moi, c'est un autre concept. Les gens viennent avec leur matériel, leurs produits, entre fermage, chocolat, des foulards etc. On passera de bons moments entre artistes et on espère qu'il y aura des acheteurs bien évidemment, c'est uniquement le premier vendredi du mois, de façon que les gens prennent cette habitude.. Un mot sur votre parcours dans ce domaine artistique... J'ai déjà fait pas mal d'expos. Je viens de terminer une expo qui s'appelle «Bruit». La céramique qui fait du bruit. Ou la mélodie de la terre. C'était 60 plats qui étaient mis dans une piscine. Des plats qui flottent et qui s'entrechoquent et donc ils font une musique. Aussi des pièces de déco dans le jardin, en céramique, qui font du bruit aussi. Quand je suis arrivé, j'ai fait ma première expo où je me suis fait jeter par le directeur du Hilton parce que mes céramiques étaient émaillées comme si c'était du métal rouillé, en plus des supports en métal. En réalité, il n'a pas voulu que j'expose. Le lendemain, j'ai un peu forcé la porte pour entendre des félicitations au téléphone dans l'après-midi. Mon époux travaille dans la construction des centrales électriques. Il a été amené à travailler ici et j'ai dû le suivre. Du coup, je ne fais que mon art. Vous êtes donc venue en Algérie déterminée à poursuivre votre passion de la sculpture en céramique... Oui alors, comme je vous le disais, par la suite il y a le Saint-George, deux galeries privées et puis là j'ai décidé d'organiser moi-même mes expos. Je viens d'exposer dans un jardin privé. J'ai exposé aussi deux fois au Palais de la culture dans le cadre «des femmes et la récupération» et la fois suivante dans le cadre «Les femmes et la céramique». Et là j'ai été appelée ici au Salon de la créativité. J'espère qu'il y en aura d'autres. Vos oeuvres relèvent d'un trait artistique bien avéré Il paraît que j'ai beaucoup de talent, mais moi quand je finis je passe à autre chose. Je crée et puis je passe à une autre pièce. J'extériorise un moment un sentiment, parfois une nouvelle, parfois chaque chose qui me heurte. Ma prochaine expo aura lieu au Bastion 23 le 5 octobre où j'ai décidé d'exposer sur les souffrances, avec une jeune photographe algérienne très talentueuse qui fait des courts métrages sur les femmes sahraouies et autres. On a réservé notre espace, on sera deux et à l'entrée je vais exposer un certain nombre d'oeuvres de mes élèves algériens qui sont talentueux car ils méritent de se faire connaître. Je tiens à rajouter que je fais aussi de la thérapie de la créativité. J'oblige les gens à créer, à être créatifs, à ne pas copier sur Internet. J'oblige les gens à faire des dessins, des croquis. J'ai des dames qui font de la céramique à froid. Celles qui viennent à mes cours je les fais inclure ce qui fait qu'elles sont bonnes dans la céramique. Par exemple, j'ai une dame qui va inclure du tissage dans des mains de Fatma en céramique qu'elle aura fait elle-même et non pas ramené de Tunisie. J'ai un jeune homme qui dessine des vêtements algériens. Il les met en bas-relief en céramique. Maintenant je vais le faire passer en haut relief. C'est vraiment fabuleux. Il y a des doués. Cela vaut la peine de donner son énergie pour ces gens-là. Comment se fait-il que vous ne soyez pas très connue, notamment dans le paysage artistique? Je suis tellement passionnée par mon métier que je reste dans mon atelier. Je n'aime pas trop bouger ou faire du shoping. Il m'arrive de fréquenter les expos. Mais j'ai trouvé que ce sont toujours les mêmes personnes qu'on rencontrait donc il y en a marre. Les galeries n'exposent pas toujours les bons éléments. Ils exposent par sympathie. Je présente ici un échantillon de ce que j'ai fait car souvent je passe à autre chose comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure. On voit ici des chaussures sur des pièces de puzzle en céramique. C'est une composition d'une centaine de pièces qui est une fresque murale et représente le racisme. Il y a aussi des pièces de puzzle avec des empreintes. C'est une exposition sur le racisme parce que tout le monde a besoin de tout le monde. Il y a des gens qui s'intègrent et d'autres qui ne s'intègrent pas, d'autres qui laissent des empreintes comme Marie Curie et d'autres qui ne laissent pas d'empreintes parce qu'ils ne font rien du tout. Le but est de s'intégrer dans une pièce de puzzle qui va avec les autres. Vous dites que vos méthodes sont différentes de ce qui est enseigné aux beaux-arts? En fait, j'apprends aux gens à façonner la terre, à faire des moules en plâtre pour arriver à faire des pièces qu'ils ont envie de faire en fait. Les techniques de base à partir desquelles, ils pourront composer ce qu'ils veulent. Ils n'auront pas besoin d'avoir un tourneur chez eux, d'acheter des pièces en Tunisie, ils pourront faire tout ce qu'ils veulent comme pièces et de ce fait les créer. Et le cours est ouvert à tout le monde. J'ai un douanier, une vétérinaire, un médecin, tous types de personnes soit pour se défouler, passer le temps ou créer, soit pour en faire éventuellement un métier. Les élèves me payent. Les doués ne me payent pas. Quand je repère un doué il ne me paye pas, en général ce sont des enfants marginaux qui n'ont pas leur bac, qui n'ont pas accès à l'Ecole des beaux-arts et viennent de familles défavorisées. Ils n'ont pas les moyens de payer. Quand je détecte un doué je le prends sous mon aile pour le former et il ne paye pas.