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Une paix à reconstruire
MAI 1945 - MAI 2005
Publié dans L'Expression le 08 - 05 - 2005

Les commémorations ne doivent en aucune manière inciter à confondre «oubli et pardon».
Quelle paix, ne serait-ce que morale, peut-on soustraire en réalité de la commémoration du soixantième anniversaire des «massacres de Mai 45», pour éviter de le réduire à un jour et au trois principales localités martyres, aujourd'hui à la mémoire collective, à l'honneur de la tribu et la dignité des hommes libres, et à la nation algérienne tout entière?
Quelle force immatérielle propulse cet engouement des autorités, des associations et de la presse, au niveau local et national, à vouloir marquer d'un éclat particulier ses moments indescriptibles, dont même l'évocation la plus simple ne laisserait sûrement aucune âme insensible aux souffrances et aux indignations vécues par nos pères et grands-pères ? Si ce n'est, et le constat est amer, de remimer encore une fois le scénario habituel.
De la gerbe de fleurs, au recueillement, en passant par la chorale, les rencontres sportives et festives, quelle ingéniosité trouve-t-on à remettre au goût du jour cette panoplie de manifestations même apaisantes, voire réconfortantes, quand cette bouffée d'oxygène est loin de nous restituer la moindre parcelle de dignité, tant que l'ex-colonisateur ne s'est pas décidé ouvertement à faire acte de repentance.
«Ce trop-plein trop vide», disait Dominique Vidal, est loin d'effacer ne serait-ce d'un micron les souffrances meurtries des descendants de ceux et celles qui succombaient innocemment sous les balles assassines de la soldatesque coloniale. La symbolique pourrait écraser le message dans l'excessivité. Si «la commémoration s'oppose à la mémoire : car elle se fait en temps réel et, du coup, l'événement devient de moins en moins réel et historique, de plus en plus irréel et mythique(1)...», selon Jean Baudrillard, pour Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne : «Les commémorations sont faites pour animer les souvenirs, et pour s'assurer que les vieilles plaies sont bien cicatrisées.» Une concession en vaut une autre. C'est dans les moments les plus fastes qu'on se rappelle l'infortune. Les commémorations ne doivent en aucune manière inciter à confondre «oubli et pardon». Elles sont là pour éveiller et réveiller les consciences des générations futures sur l'histoire commune de deux peuples. Reste à choisir le mode commémoratif.
Dieu fait qu'aujourd'hui les choses semblent évoluer. Nous assistons depuis deux décennies à des débats mi-figue mi-raisin sur l'histoire. A des tentatives pédagogiques d'introduire de nouveaux concepts. Bien que rodés et ayant fait leur chemin sous d'autres cieux, nous les assumons encore mal. Les légitimes revendications qui devaient devancer la refondation de toute relation bilatérale étaient qualifiées de gênantes, à un moment de l'histoire politique de ce pays. Une déferlante, cascade et boules de neige sans avalanche semblent en ce moment prendre du poil de la bête, comme une fièvre aphteuse, nos protagonistes. Un écho assourdissant retentissant çà et là au sein même des fractions les plus irréductibles possibles à nos thèses, est plus que sidérant. Il y a comme un air nouveau dans l'atmosphère favorable aux cueillettes des privilèges... Parce qu'aujourd'hui, et plus qu'avant, comme par hasard, il y a lieu de constater que des langues se sont déliées, libérées même, affranchies de la honte de dire l'indescriptible. Le courage de reconnaître ses fautes et assumer celles de ses aïeux, est sans équivoque un hommage rendu aux victimes, mais quand le sentiment dissimule la ruse politique de vouloir régler ses différends hors de leur espace propre c'est comme tuer le poisson dans l'eau.
Dans cette optique, le respect mutuel dans la diversité est une preuve de la reconnaissance du martyre d'un peuple qui n'a pas arraché sa liberté au rabais, est aussi un préalable inconditionnel à la mise à niveau des négociations réconciliatrices. Dès lors, on est loin des turpitudes et du vacarme insolent des partisans de l'assimilation. Des politiques qui relevaient, dans l'atrocité de l'acte, une simple correction civique, dans le massacre un événement, dans le crime une correction et dans le génocide une tromperie arithmétique. Tocqueville ne disait-il pas que : «la colonisation sans domination sera toujours, suivant moi, une oeuvre incomplète et précaire». Cette arithmétique événementielle, macabre fut-elle, a introduit par la volonté, la persévérance et l'acharnement d'un certain mouvement associatif, dans les esprits les plus humbles, des significations et un poids réel des enjeux d'un tel décompte. Elle a eu l'audace et le courage de dénoncer en l'absence d'une voie officielle, le crime contre l'humanité, le génocide et les massacres commis à l'endroit de ce peuple. La déclaration faite, à Sétif, ville martyre, par l'ambassadeur de France et face à un parterre d'enseignants et d'étudiants, reconnaissant officiellement que les crimes commis en 1945 par la colonisation, et non le colonialisme français, est une «tragédie inexcusable», renforce une certaine conviction, longtemps négociée.
Faute de bien faire, ou d'y croire même, ici et pas bien loin de l'épicentre même des massacres, il est toujours utile de tirer profit de ce que Dieu nous gratifie au hasard des événements. Si, pour certains, la question est déjà tranchée, pour notre Fondation, c'est le début du second souffle qui esquisse les desseins futurs des pourparlers sur la question. Examinons-la sommairement en attendant... le second round.
Le cadre de référence
A travers la plupart des textes que nous avons rencontrés, consacrés en général au mouvement national, très peu s'intéressent aux événements de 1945. Les approches historiques, qui traitent de la question, se résument à de courtes stations dont même la teneur des textes reste laconique. Elles servent uniquement d'appoint et de transition qui permettent de replonger aussitôt dans la description haletante de la lutte de Libération nationale, drainant à l'occasion un ensemble d'argumentaires dénués d'apport substantiel en la matière. Le cadre de référence demeurait, avant les années 1990, et bien après, univoque pour un bon nombre de nos éminents historiens et chercheurs. Le descriptif iconographique, basé essentiellement sur une historiographie chétive, restait tributaire des offres documentaires du belligérant. L'argumentaire s'appuyait sur des détails ressassés maintes fois sur les tenants et aboutissants de la Seconde Guerre mondiale et à la montée du nationalisme en Algérie. Un cadre idéal qui privilégiait, en fait, dans l'approche, la problématique selon laquelle les événements de 1945 préludaient au 1er novembre 1954, et occultait en même temps celle qui irriterait nos ex-colonisateurs, entre autres qualificatifs à donner aux actes et atrocités commises au nom de la liberté, l'égalité et la fraternité, les crimes de guerre, le crimes contre l'humanité et le génocide. Des ingrédients qu'il fallait chercher dans la jurisprudence concoctée et instaurée par ceux-mêmes qui justifiaient le crime, l'expropriation, la spoliation et le séquestre. Bien plus loin, la pensée devrait remonter pour accabler d'arguments et de faits le mépris le plus abject vécu par nos aïeux.
Dès 1830, sans répit ni halte, une armée furieuse traquait, tuait et déracinait hommes, femmes et enfants dare-dare, du village au douar. Du fétus sorti droit du ventre de sa mère par la baïonnette, au nouveau-né écrasé au mur, en passant par l'extermination de tribus, les enfumades, la razzia fut immonde. Un code de l'indigénat à la mesure des objectifs coloniaux est venu soustraire les nobles à leur statut, les réduisant à un nouveau mode d'esclavage et transférer leurs biens à des gueux, rebus d'une surpopulation insoutenable de la France précoloniale. Les musulmans «sujets» et non citoyens subissaient les affres de l'humiliation. La Première Guerre mondiale happait dans son écumante et sanguinaire colère plus de 160.000 musulmans auxquels s'ajoutaient 72.000 blessés sur un total de 233.412 mobilisés. Soit un sacrifice de plus de 68% d'Algériens incorporés pour la France coloniale. Engagés dans une guerre qui n'était pas la leur, la plupart étaient issus des couches les plus démunies. Ils avaient versé leur sang «pour faire l'économie de celui des Français», disait le «Taureau du Vaucluse» Edouard Daladier. La Seconde Guerre mondiale accouchait, quant à elle, de plus d'atrocités que la première. Les musulmans, déjà rodés à l'exercice de la guerre et prêts à servir de boucliers, tirailleurs de l'armée coloniale, qui ne combattaient pourtant que pour le pain et la survie, ont été récompensés, de retour au bercail, pour services rendus à la France en libérant Toulon, Marseille et l'Alsace, par la désolation, le décompte de leurs morts et de l'infamie. Mai 45 surgissait dès lors comme un volcan de haine qui s'abattait sur ces sous-hommes qui empoissonnaient l'atmosphère du colon. Ces moins que rien qu'il fallait exterminer, pousser du haut des falaises de Kherrata pour avoir perturbé les festivités et la quiétude savoureuse de la victoire des alliés. Le décor fut dressé... et le châtiment grandiose.
D'est en ouest, tout le nord algérien, du premier au vingt-deux mai 1945, le pays fut plongé dans un abîme infernal. Alger, Oran, Saïda, Sétif, Guelma, Kherrata, Jijel, Bougie et j'en passe pour ne citer que celles-là, vécurent une terrible répression qui emporta dans une marée rouge des Algériens à la fleur de l'âge. Les manifestations, à l'origine pacifiques, se voulaient un cri de détresse à l'endroit de l'opinion mondiale pour inviter la France à respecter ses engagements et le traité de l'Atlantique que De Gaulle a omis de signer par calcul colonialiste. Cette revendication se transformait au malheur des uns en bain de sang et au bonheur des autres par la démonstration ultime de la suprématie française, Melbou, témoin de cette parade militaire diligentée pour la circonstance où généraux et colonels aidés de l'aviation française, survolant l'Oued Agrioune, de navires en rade, supervisaient la reddition de plus de 15.000 musulmans. Ce désastre ne peut être dénombré avec exactitude. Le chiffre réel des massacres reste dans la mémoire collective : 45.000 morts. Selon les estimations recueillies, il est en deçà des 80.000 cités par les Ouléma dans leur journal et bien plus que les 15.000, résultats des pronostics français. Toujours est-il qu'il y a eu victimes et bien plus encore, puisque «la symbolique du chiffre 45», comme le souligne Taber Ainad, éveille en nous une image de résonance. Dans son récent ouvrage sur les origines de la guerre d'Algérie 1940-1945, l'historienne Annie Rey-Goldzeiguer appuie ce sentiment : «la seule affirmation possible, c'est que le chiffre dépasse le centuple des pertes européennes et que reste dans les mémoires de tous, le souvenir d'un massacre qui a marqué cette génération».
L'Algérie a versé plus que du sang pour étancher la soif des criminels de guerre. Le hic, c'est qu'ils vivent toujours dans l'impunité totale et jouissent de statuts en conséquence. Ils traînent en eux, dans une fausse conscience, les atroces images des supplices qu'ils infligeaient à leurs victimes. L'apologie de crime faute de le reconnaître, hante leur quotidien comme un cancer innommable. Qu'il soit dans le détail ou dans la chronologie des faits, Mai 45, tant qu'il est capable d'arracher ne serait-ce qu'un soupçon de vérité, un fidèle témoignage, un argument probant qui dénude le crime dans toute sa dimension, cela ne peut que renforcer notre conviction à poursuivre les bourreaux et leurs commanditaires. Tel est l'objectif que s'assigne la Fondation.
Une Fondation et des idées
Née en 1990 par devoir de mémoire, dans des conditions très difficiles, à un moment où l'Algérie sombrait dans l'oubli et l'amnésie. Sans verser dans le détail, cette naissance est redevable à l'ouverture du cadre institutionnel et de la liberté de la presse en s'appuyant sur la tension socio-politique de l'époque. La plus importante cause qui a concouru à cette naissance, fut en particulier la crise de valeurs patriotiques et identitaires, sans précédent, enregistrée au sein de la nation. Des hommes soucieux de l'avenir de ce pays décident de constituer ainsi une association dont la dénomination même exprime la revendication. La «Fondation du 8-Mai 45», née dans cette conjoncture, elle est là pour rappeler au monde entier que la France des droits de l'homme, de la fraternité et de l'égalité a commis des exactions et des crimes encore impunis en Algérie et ailleurs. Ses mots d'ordre semés dans ses statuts se résument à un slogan fort révélateur écrit à l'encre la moins pâle : «Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir». L'avenir post-colonial de l'Algérie ne pouvait se concevoir sans la restitution de sa mémoire et de son honneur souillé par le colonialisme. Une mémoire que toute nation qui se respecte érige comme préalable à son devenir, son avenir quel qu'il soit, politique, social ou historique. Telle était et reste la philosophie de la Fondation.
D'un séminaire à un autre et de colloque en colloque, qu'il soit national ou international, ou l'espace d'une journée d'étude, tant qu'elle permettait de débattre de l'événement ou de la problématique des «massacres du 8 mai 45», la Fondation du 8-Mai 45 en faisait sa priorité. C'est rendre à César ce qui appartient à Jules pour reprendre l'expression d'un ami, de dire que c'est grâce à ces espaces de concertation, d'échanges et de débats contradictoires que la fondation a su semer la graine de Mai. Le mouvement associatif, rompu aux ordres, jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix et bien plus, ne s'intéressait nullement à la question. Aucune association ne relayait la Fondation dans ce contexte précis. La culture du folklore et de l'éducation physique prenait le pas sur le champ médiatique au lieu du couteau qu'on remue dans la plaie. Certains voulaient même en défaire... Telle est la pédagogie poursuivie.
Au plan des idées, la Fondation n'a jamais été avare en la matière. Elle introduira dans le lexique de nos historiens les concepts fondateurs de lutte contre l'oubli. Elle a fait la démonstration que l'occupation est un crime. L'expropriation et la spoliation en sont d'autres. Quant aux massacres inqualifiables, ils relèvent du crime contre l'humanité. Une approche inédite jusque-là qui suscitera une vive réaction de la part de la France. Se basant sur l'égalité des races, elle fera la démonstration que le colonialisme a instruit de nouvelles règles d'esclavagisme, loin de cette oeuvre civilisatrice prônée par la bourgeoisie française et reconduite aujourd'hui dans la loi votée le 23 février dernier au Sénat, auréolant à l'occasion «Le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». Les parallèles établis en 1992 entre le massacre des Arabes et celui des Indiens d'Amérique par Christophe Colomb, poursuivaient le même but. Les desseins révélateurs de cette entreprise sont la forme extrême de l'apartheid.
L'oeuvre de paix
De l'ouverture des archives, de la reconnaissance d'une guerre ou de celui de la qualification des massacres de Mai 45 de tragédie inexcusable, la France fait des pas considérables pour essayer de niveler le terrain à la réconciliation entre les peuples des deux rives. La reconnaissance par la France des crimes commis en son nom, l'indemnisation des victimes ou ayants droit et le jugement des bourreaux et des tortionnaires est un préalable à tout accord ou traité de paix quelles que soient sa dimension sociale, économique ou politique et sa portée méditerranéenne. Entre le peuple français et le peuple algérien, les relations d'amitié et de fraternité n'ont jamais été ni interrompues ni taries. Le flot des sentiments qui les lient plonge ses racines dans une histoire commune. C'est la colonisation et ceux qui la représentent dans le temps et dans l'espace qui sont sujet de discorde.
Les fervents défenseurs des droits de l'homme de la première heure, qu'on appelait les anticolonialistes, prirent la décision de refuser en bloc l'entreprise civilisatrice et hégémonique de la France sur des territoires souverains. Les porteurs de valises, les objecteurs de conscience et les militaires dégradés et déshonorés pour avoir fait le serment de défendre la vérité et refuser de torturer leurs semblables au nom de la France, ne sont pas nos ennemis. Les hommes de savoir, de droit et politique avérée qui ont défendu la cause nationale et la libération, gardent une place de choix dans nos coeurs et dans le souvenir. La reconnaissance faite aux juifs de la responsabilité de la France dans leur déportation est un acte de contrition qui aurait une signification encore plus occurrente que si ce geste venait à être reconduit à l'endroit des Algériens. La paix ne peut se construire sur des ruines et des décombres, le nivellement équitable est nécessaire...
Membre du collectif de la Fondation du 8-Mai 45
(1) Libération, 17 février 2005


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