A la lumière de cette révélation, l'on comprend beaucoup mieux les hésitations du président Bouteflika. L'information, dont l'annonce devra être faite en même temps que le contenu global du plan présidentiel portant amnistie générale, éclatera comme un coup de tonnerre sur la sérénité politique du ciel algérien. L'information paraît d'autant plus grave et importante qu'en l'apprenant, de sources pourtant crédibles et sûres, nous avons préféré temporiser plusieurs jours durant afin de la recouper et de la confirmer auprès de divers autres contacts très bien introduits et informés. Les organisations des victimes du terrorisme, ainsi que les associations en charge de la défense des familles des disparus devront être dissoutes dans le cadre de la mise en place du projet global d'instauration de la réconciliation nationale et de l'amnistie générale. A la faveur de cette révélation, qui ne laissera quand même pas d'en étonner plus d'un, l'on comprend beaucoup mieux de nombreux phénomènes, faits et déclarations, constatés dans le courant des quelques mois passés. Il n'est, par exemple, un secret pour personne que les organisations chargées de la défense des victimes du terrorisme souffrent toutes, à des degrés divers, de graves problèmes organiques internes. Les retraits de confiance qui succèdent les uns aux autres, se font sur fond de scandales plus ou moins graves liés à des abus de biens sociaux et des détournements d'aides diverses exclusivement destinées aux personnes censées être représentées par ces organisations. Mais nos sources, qui minimisent ces «séismes» dont les répliques n'ont pourtant pas encore dit leur dernier mot, préfèrent au contraire s'appesantir sur la portée éminemment politique d'une pareille entreprise. Nos sources, qui tentent d'expliquer la philosophie qui fonde la démarche du président, estiment tout bonnement qu' «il est impossible de parler de réconciliation et d'amnistie si de pareilles organisations continuent d'exister. La réussite de cette démarche, au contraire, se mesurera à l'aune de l'inutilité de celles-ci». Loin d'ordonner une dissolution d'autorité, Bouteflika demanderait à ces organisations de prouver leur bonne foi en acceptant elles-mêmes de s'autodissoudre. C'est pour cette raison, sans doute, que Bouteflika, en de nombreuses occasions, avait clairement indiqué que les Algériens n'étaient pas encore prêts à pardonner, à accepter sa démarche globale. Il avait ajouté, notamment lors de son discours historique du 23 février fait à partir de la Maison du peuple, que «l'amnistie générale et la réconciliation nationale ne sauraient se faire tant que les larmes n'auront pas séché et que les blessures ne se seront pas cicatrisées». Pas mal de chemin a été parcouru depuis lors, même si peu de temps a passé. Les organisations en question se sont mobilisées en faveur du plan présidentiel, allant jusqu'à organiser de nombreux meetings à travers le pays, dont le plus important, à caractère national, a été celui de Skikda du week-end dernier, sous la houlette de Messaoud Hadibi et Mme. Benguessoum, le tout en présence des ténors du premier parti du pays, le FLN. Ces organisations, qui ne peuvent donc plus faire marche-arrière, auront ainsi à accomplir le «sacrifice» suprême en acceptant de s'autodissoudre. Elles devraient accepter de le faire partant du constat que dans leur communiqué final, elles ont posé comme seule condition, la prise en charge matérielle et morale de l'ensemble des victimes, ce que l'Etat est prêt à faire avec la meilleure des volontés du monde. La situation, toutefois, est quelque peu différente pour ce qui concerne les associations de défense des familles des disparus. C'est pour cette raison que l'Etat, qui n'en a agréé que deux, a préféré carrément les «zapper» dans les actions menées par la commission ad hoc qu'avait présidée Farouk Ksentini durant un an et demi. Celui-ci a préféré aller personnellement au devant des familles, même dans les endroits les plus reculés, afin d'en arriver aux conclusions que celles-ci ne souhaitent qu'une chose, être reconnues en tant que victimes et bénéficier des aides nécessaires. Quant à la justice et la vérité, la complication de la situation durant les années 90 fait en sorte qu'il est quasi impossible d'enquêter. Quant aux patriotes, désormais appelés «citoyens volontaires», il ne fait aucun doute que la énième tentative menée par quelques groupuscules à Alger pour mettre en place une association, sera une fois de plus vouée à l'échec. Nos sources, qui s'indignent que certaines de ces personnes puissent se targuer d'agir au nom des autorités et disposer d'un agrément, nous révèlent que le ministre de l'Intérieur a lui-même donné de fermes instructions afin qu'il soit mis fin à ces activités tout simplement anticonstitutionnelles. Il ne fait aucun doute, au regard de ces nouvelles révélations, que le président attendra au moins jusqu'à la fin de l'été, le temps que les esprits soient préparés et apaisés, avant d'entrer lui-même dans l'arène et entamer sa propre campagne.