A défaut de jurisprudence, certains avocats bien inspirés et dans leur jour, arrivent à puiser au plus profond de leur culture personnelle et universelle... Dans les salles d'audiences, nous vivons six jours sur sept des situations qui prouvent si besoin est, qu'en matière de justice, c'est une histoire d'hommes et de femmes nommés magistrats qui fait que le justiciable aime ou déteste cette honorable institution. A plusieurs reprises, nous avions assisté à des parodies de procès car le juge n'en n'était pas un, ou, et heureusement c'est plus fréquent, nous avions vécu des moments forts où justice a été rendue malgré la complexité de l'affaire et de nombreuses zones d'ombre que l'intelligence et l'intégrité des juges du siège étaient mises à contribution. Me Abdelmalek Azzouz, le défenseur de justice de Blida a été très bien inspiré mardi devant le tribunal criminel où une affaire de coups et blessures volontaires ayant entraîné la perte d'un oeil, avait vu le représentant du ministère public requérir une peine de réclusion criminelle de cinq ans, et sans état d'âme, SVP. L'avocat était inspiré, car avant la plaidoirie, il avait prié les membres du tribunal criminel de le suivre dans ses regrets du fait que le code de procédure français prévoit la présence dans le dossier, du casier judiciaire, celui de l'accusé mais aussi celui de la victime qui peut entre autres, être un récidiviste notoire. «Vous plaisantez, Me, cette info est authentique ou vous voulez entraîner la composition sur votre terrain», marmonne avec prudence le président qui avale la couleuvre malgré tout. Le conseil dit: «oui, j'ai une copie de cet article». Le juge hoche la tête comme pour signifier que l'ouïe était ouverte. «Et alors, Me, où voulez-vous en venir?», demande avec un pincement des lèvres le juge. Le défenseur promet d'y arriver durant la plaidoirie. Une heure plus tard, Me Azzouz réajuste sa paire de lunettes aux verres fumés marron, relève les manches de sa robe noire impeccablement «taillée» et rugit: «Je vous racontais tout à l'heure cette histoire de code de procédure pénale. Maintenant, M. le président, je vous prierai d'être patient en suivant l'histoire qui va suivre : imaginez une seconde que moi, avocat, quitte cet honorable tribunal. Imaginez que je me dirige vers une voiture et qu'un voyou au casier judiciaire chargé, surgisse et se jette sur moi. Imaginez que par une prise de judo, j'arrive à balancer le voyou à terre. Il a une blessure grave au crâne. C'est le traumatisme. Imaginez qu'il soit paralysé à vie et je suis devant vous accusé de coups et blessures, ayant entraîné la paralysie totale. Résultat : moi, le défenseur de justice détenu, entendu, inculpé, écroué et le voyou est ici, étendu sur un brancard du CR, avec le statut de victime. Un comble!», finit le conseil. L'avocat de la victime du procès du jour tente de protester: «C'est du dénigrement». Le juge rectifie: «Me, votre adversaire était dans la fiction». L'avocat plaide l'affaire. Il réussit à faire le lien et Me Azzouz était aux nues. Son client a été condamné à une peine avec sursis et donc libre le lendemain. Le voyou ne l'a pas emporté malgré l'absence du casier judiciaire. Comme quoi, lorsqu'un magistrat est attentif, il rend justice sans coup férir.