Des perspectives encourageantes mais aussi des retards, déficiences ou aberrations et toujours cette immense attente culturelle… Une équipe technique vient d'être dépêchée à Témouchent par le ministère de la Culture pour dresser un état des lieux sur les deux salles de spectacles qui lui ont été gracieusement cédées par la commune chef-lieu de wilaya. L'acte de cession a été établi sur la base d'une délibération de l'Assemblée populaire communale, il y a six mois. Il a été officialisé il y a près de deux mois. Selon la direction de la culture de la wilaya, le constat établi fait ressortir que l'une des salles, Le Capitole, serait avantageusement aménagée en salle de théâtre, tandis que l'autre, Le Casino, conviendrait davantage comme salle de répertoire de la cinémathèque, ce qui, précise-t-on, n'empêcherait pas qu'il y soit programmé des films autres que ceux du Musée du cinéma, soit des productions récentes. La nouvelle a aussitôt fait le tour de la ville où les attentes culturelles sont énormes, payées jusque-là de frustration et de sensation d'isolement à l'égard des choses de l'art et de l'esprit. Voilà donc de quoi ravir ceux qui rêvent depuis des lustres de pouvoir enfin voir un film sur grand écran dans une salle sombre ou d'assister à des représentations théâtrales dans un véritable théâtre, équipé de toute sa machinerie, ses décors et ses effets de lumière. Ainsi, à Témouchent, sur les trois salles héritées de la période coloniale, deux ont retrouvé leur vocation, ce qui n'est pas un mince acquis quand on peut hélas constater que dans l'ensemble du pays, de nombreuses infrastructures culturelles ont été détournées à des fins autres que leur mission première. Pour la petite histoire, le maire avait engagé une bataille judiciaire, laquelle avait duré cinq années pour enfin finir, en 2007, à la Cour suprême. Cette action de longue haleine a permis à la commune de récupérer ce patrimoine. Aujourd'hui, avec la venue des spécialistes du ministère de la Culture, une nouvelle dynamique peut se déclencher. Un bureau d'études devrait incessamment être à l'œuvre, a-t-on expliqué, alors que les travaux de restauration, d'aménagement et d'équipement commenceraient aussitôt l'étude achevée. Et, cerise sur le gâteau, l'on indique que les enveloppes, plafonnées à 800 millions de dinars pour les travaux et l'équipement de chacune des salles, pourraient être revues à la hausse en cas de nécessité. Cependant, plutôt que de pavoiser, d'aucuns demeurent dubitatifs au regard de l'insatisfaisante gestion des projets d'infrastructures du secteur de la culture à Témouchent. L'on cite à cet égard, le cas de la bibliothèque de lecture de wilaya qui attend depuis plus d'une année et demie la nomination d'un directeur ainsi que l'octroi d'un budget de fonctionnement. Mais, pire encore, cet établissement a été livré, grevé de défauts de conception et de malfaçons. Le même scénario s'est répété avec la future maison de la culture dont un centre vital, sa salle de spectacles, n'ouvrira ses portes au public que bien longtemps après la livraison de l'établissement. Ces imperfections sont imputables à ceux qui ont managé le projet, des gestionnaires qui n'avaient pas les qualités professionnelles pour ce faire. Ce scénario n'était pas exceptionnel puisque, sur une dizaine de salles de cinéma et salles des fêtes mises à la disposition du secteur de la culture par les communes de la wilaya de Témouchent et réhabilitées par ces dernières, seules deux l'ont été dans les normes requises alors que les autres ont été mutilées. Pourtant, l'opération était sous-tendue par de bonnes intentions puisque l'objectif des autorités locales était d'impulser le secteur de la culture et d'accroître l'impact de son action au prorata des habitants de la wilaya, et en particulier des jeunes qui s'adonneraient à la lecture, à l'activité théâtrale et autres pratiques artistiques et culturelles. C'était tout un programme, une idée généreuse dont le ministère aurait pu se saisir et l'accompagner tout autant que les actions de prestige engagées à Alger et dans les autres grandes métropoles. En attendant le ministre Au passif, signalons également les salles de lecture communales, superbes petits édifices érigés au chapitre du FCCL (un fonds sous tutelle du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales). Ces bibliothèques demeurent inexplicablement fermées alors qu'elles ont été livrées depuis une année. On peut imaginer la frustration de tous ceux qui attendent leur ouverture, frustration d'autant plus forte qu'ils peuvent, chaque jour, contempler ces lieux sans pouvoir y accéder. Enfin, si les visites de cadres du ministère de la Culture n'ont effectivement pas manqué à Témouchent, la population, et notamment tous ceux qui aspirent à un renouveau culturel de la ville et de la wilaya, déplorent l'absence de Madame la ministre alors qu'elle est depuis près d'une décennie en charge de ce département ministériel. Nombreux sont ceux qui ne s'expliquent pas cette « absence » allant parfois jusqu'à la considérer comme un dédain à l'endroit de l'Algérie profonde. C'est comme si, affirment-ils, il n'y avait rien à voir à Témouchent, ce qui est absolument faux. A l'heure actuelle, et depuis des années, en dépit des contraintes diverses qu'elle éprouve, la culture vit tout de même et se développe à Témouchent. L'essentiel de cette dynamique encourageante s'appuie sur une salle de spectacles située au niveau de ce qui fait actuellement office de maison de la culture, une salle qui, mal aménagée, sous équipée, sans commodités, ni climatisation, ne répond malheureusement pas aux normes requises. Durant plusieurs mois de ramadhan consécutifs, cette salle a permis au théâtre de prendre ses quartiers dans la ville et de gagner un public qui ne demande qu'à voir son engouement payé en retour. Mais, depuis que le carême coïncide avec les chaleurs estivales, l'essentiel des activités se déroule dans un théâtre de verdure situé dans un jardin public. Le lieu est magnifique mais il jouxte, pour son malheur, l'ancienne église St-Laurent, devenue l'une des principales mosquées de la ville. De la sorte, la programmation des activités doit tenir compte des horaires des prières tandis que le raï est mis en sourdine durant le Ramadhan. Cela, c'est le prix consenti au rigorisme religieux, un rigorisme triomphant qui a fait que le père du raï moderne, Messaoud Bellemou, enfant de Témouchent, se soit mis en retrait de la scène artistique, rongé par l'idée de mettre fin à sa carrière. Ce rigorisme là a également fait publiquement disparaître Cheïkha El Ouachma T'mouchentia avant son décès, en juillet dernier, un décès passé sous silence. Cheikha El Ouachma, dites-vous ? C'est la pionnière du raï trab, bien avant Cheikha Rimitti qui, elle, chantait alors ce qu'on appelait El Baladi. Et c'est justement à partir du raï trab que Bellemou a tissé les sonorités de sa trompette pour donner un nouveau souffle au genre et construire les bases de la révolution instrumentale du raï. C'est aux sources même du trab que Bellemou avait puisé son inspiration première puisque son propre oncle était gsasbi (ndlr, flutiste traditionnel) de Cheikha El Wachma. Alors, régression d'un côté et perspective d'une avancée de l'autre avec les deux futures salles ? Les habitants de Témouchent qui, dans leur immense majorité, espèrent un renouveau culturel de leur terroir et une ouverture soutenue, non seulement aux autres éléments de la culture nationale, mais également des accès aux expressions universelles, sont dans l'expectative. Les plus impliqués d'entre eux pour l'essor culturel de leur ville et région, se disent que les choses pourraient aller plus vite et mieux, pour peu que la très entreprenante ministre de la Culture veuille consacrer également un peu de son intérêt aux modestes projets qui font les grandes rivières.