Les saoudiens l'ont dit aussi bien avec des fleurs qu'avec des chèques en or noir Après une pluie de pétrodollars saoudiens en échange du parapluie américain pour les monarchies du Golfe inquiètes de la montée en puissance du rival iranien et après un rétropédalage sur la place et le rôle des musulmans, le président des Etats-Unis se rend en Israël... Visiblement flattés par le choix de leur pays comme première escale dans le premier déplacement à l'étranger du président Donald Trump, ses hôtes saoudiens ont ostensiblement mis le paquet. En plus d'un accueil extrêmement chaleureux, ils lui ont offert une moisson de contrats tout à fait impressionnante. Les accords signés sont en effet d'une valeur de plus de 380 milliards de dollars dont près de 110 milliards pour les achats d'armes. Un bol d'oxygène inespéré pour l'industrie militaire américaine avec, à la clé, des centaines de nouveaux emplois. C'est le moins que puissent faire les Al Saoud, un temps inquiétés par les déclarations hostiles à l'islam et aux musulmans du nouveau chef de l'administration américaine qui a multiplié les «gestes» et les décrets hostiles, allant même jusqu'à vouloir interdire l'accès aux Etats-Unis de sept pays islamiques. Empêtré dans les scandales du licenciement du directeur du FBI et les supposées divulgations d'informations secrètes au ministre russe des Affaires étrangères, Donald Trump trouve dans ce voyage l'opportunité de prendre de la distance tout en monnayant au prix fort le soutien de Washington à un régime saoudien obnubilé par la «menace» iranienne. D'ailleurs, un des rares pays absents de cette grande messe censée réconcilier le président américain avec le monde musulman auquel il a asséné des diatribes et des griefs acérés bien avant son arrivée à la Maison-Blanche est justement l'Iran, mobilisé par une élection présidentielle qui a plébiscité la politique du président sortant Rohani. Trump a prononcé un discours qui n'avait ni la tonalité ni les accents de celui mémorable que son prédécesseur, Barack Obama, avait tenu à l'université du Caire. Rompant avec la réthorique de la campagne électorale durant laquelle il avait surfé sur l'islamophobie, il a lourdement insisté sur la nature du combat non «entre les religions» mais «contre des criminels barbares qui essaient d'anéantir la vie humaine et des gens biens de toutes religions qui cherchent à la protéger». A la trentaine de dirigeants de pays musulmans réunis dans la capitale saoudienne pour entendre son sermon, dont le président du Sénat Abdelkader Bensalah représentant personnel du président Bouteflika, il a donc expliqué qu'il compte mener «une bataille du bien contre le mal» et il les a appelés à intégrer la coalition contre «l'extrémisme islamiste», balayant la terminologie encore usitée voici quelques jours à peine quand il dénonçait «le terrorisme islamiste radical». «Le terrorisme s'est répandu à travers le monde. Mais le chemin vers la paix commence ici, sur cette terre ancienne, cette terre sacrée», a affirmé le président américain qui a ajouté que «les pays du Proche Orient ne doivent pas attendre que la puissance américaine écrase l'ennemi pour eux». Si la présence des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de l'Egypte paraît «naturelle» en la circonstance et si l'intérêt de l'Arabie saoudite à accueillir un tel sommet est évident, on peut se demander, par contre, en quoi d'autres pays comme l'Algérie peuvent se sentir concernés, surtout quand on se souvient des propos injurieux de Trump candidat sur les musulmans en général et les pays antisionistes en particulier. D'ailleurs, un des temps forts de cette visite «historique», après une série d'entretiens bilatéraux, a concerné la rencontre entre le président américain et les dirigeants des six pays du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) pour «la création d'un centre pour lutter contre les sources du financement du terrorisme». Trump découvre ainsi la sagesse arabe dont un des proverbes dit «avec les poils de leur barbe, tu leur serviras l'encens»! Bref, Trump d'Arabie semble avoir beaucoup changé au point de plaisanter avec son «ami» Al Sissi dont les chaussures ont fait sensation. Mais qui peut garantir que les beaux discours d'hier auront encore une moindre valeur, demain? Le nouveau président a trop habitué son monde à des volte-face et même des reniements abrupts pour que ses promesses saoudiennes puissent faire longtemps illusion, la haine manifestée à l'égard des musulmans étant une de ses rares positions pérennes. Après une cueillette aussi remarquable de pétrodollars saoudiens en échange d'une reconduction du parapluie américain pour les monarchies du Golfe inquiètes de la montée en puissance du rival iranien et après un rétropédalage sur la place et le rôle des musulmans dans la doctrine Trump, le président des Etats-Unis va se rendre aujourd'hui même en Israël, chez son «grand ami» Benjamin Netanyahu où il sera fortement question du transfert de l'ambassade US à El Qods occupé, un transfert contre lequel le principal négociateur palestinien les a vivement mis en garde.