«Balowski» en polonais est un adjectif dérivé du verbe «balovac» qui signifie «s'amuser en dansant». Ils sont 11 musiciens à s'être éclatés sur la scène Ibn Zeydoun mercredi dernier. Ce concert concocté par l'Institut espagnol Cervantes a tenu sa promesse d'emmener le public en voyage musical méditerranéen, fait de saveur, de rythme, de chaleur et de couleurs. De mère espagnole et de père algérien, Yacine le chanteur de ce groupe qui nous vient de Raval, le quartier le plus cosmopolite de Barcelone, a confirmé sa double culture en interprétant des chansons bien festives en arabe, catalan, français et espagnol. Le nom de Balowski vient d'un verbe polonais «balovac» qui veut dire «se divertir en spectacle» nous a confié Yacine lors d'un point de presse, animé la veille du concert, à l'Institut Cervantes. Cheb y a été adjoint en référence à la musique en vogue en Algérie : le raï, une sorte d'équilibre entre ses racines qu'il revendique sur scène en textes et en mélodies. Pour preuve, cela fait déjà 7 ans que Yacine Belahcène, en véritable «performeur» monte sur scène en seroual loubia, acheté un jour à Ghardaïa. Aujourd'hui, il en a plusieurs. Violoniste, saxophoniste, trompettiste, pianiste, batteur et percussionniste (derbouka, congas), à cette ribambelle de musiciens une seule fille dans le groupe, Isa Vinardell en belle Esmeralda, a su insuffler un vent de sensualité torride par son déhanchement oriental et sa voix de miel. Cheb Balowski est d'abord un groupe d'amis d'enfance des quartiers de Barcelone. Rien d'étonnant qu'ils s'amusent sur scène comme de vrais gamins de quartier... «Avec la musique on peut casser les frontières. Un Polonais peut jouer de la musique algérienne et vice-versa. Nous sommes un groupe de «live» avant tout». Cela a bel et bien été démontré. Si la musique de cheb Balowski est indéniablement, profondément joyeuse, positive, les sujets qu'il traite révèlent une mûre réflexion sur la société ou la vie dans le monde. Le dernier album de ce groupe le montre bien Pluie de plomb musique pour aimer, leur 3eme album, montre « combien la vie est peuplée de contradictions. On veut refléter cela et montrer la voie vers l'équilibre, devant le plomb, la mort, l'injustice, «on espère continuer à travailler et aller de l'avant» a confié Yacine, la bête de scène de cheb Balowski. En vrai chef de file, Yacine a tenu aussi sa promesse de faire danser la jeunesse algérienne et tant pis pour les récalcitrants ambassadeurs européens... C'est dans «un effort de fusion de grande haleine» que cheb Balowski a su entraîner le public vers son monde musical, bien épicé celui-là, fait de rythme gnawa, balkan, flamenco, reggae, tzigane et maghrébin, etc. Le son du karkabou captera d'entrée de jeu l'ouïe de l'assistance qui ne s'attendait vraisemblablement pas à cette surprise. «Bonsoir El Djazaïr» lancera Yassine qui saura tout doucement mais sûrement gagner la faveur et la ferveur du public. Les chansons sont déclinées moitié arabe, moitié espagnol. La musique de ce groupe de la mouvance alternative fait tantôt penser à Karim Ziad, Gnawa diffusion, Manu Tchao et tantôt à Takfarinas... Un vrai melting-pot de sons et d'influences diverses... Yacine dédie un titre aux quartiers populaires de l'Algérois ... Kouba, Ben Omar où il a grandi jusqu'à l'âge de 13 ans. Il chante Bab El Oued, la drogue, le FIS, shab El Hourma, dans une sorte de rap catalan. Isabelle la houri rehausse de son aura l'atmosphère chaleureuse du spectacle. Yacine dénonce l'exclusion et le racisme dans «la clef qui n'ouvre la porte» et fait un clin d'oeil aux immigrés dans sa reprise de Salam Alaïkoum puis à l'adresse des sans-papiers, il ose «on ne veut plus de visa. La jeunesse algérienne est soi-disant perdue, elle ne l'est pas!» Yacine décline des textes corrosifs, un peu à l'image de Gnawa Diffusion et met à mal la manipulation de l'information par les mass-medias. Reggae-man dans les tripes, Yacine se veut aussi pourfendeur du système «terroriste» de Bush. Le rythme devenant de plus en plus puissant, les gens continuent à danser. L'amour reprend son cours avec une version personnalisée de Habina de Farid El Atrache. Le violon se veut douceur et apaisement. Et le groupe sous le charme d'un public continuera et continuera sans cesse à jouer et à donner le meilleur de lui-même, n'est-ce pas, comme dirait Yacine qui prend des cours de ôud en ce moment. «On fait de la musique, c'est l'essentiel !» . Et ceci n'est que le début puisque le mois culturel européen vient juste de commencer.