Les manifesations continuent à Al Hoceïma La majorité des commerces sont restés rideaux baissés hier à Al-Hoceïma, dans le nord du Maroc, au deuxième jour d'une grève générale qui s'est accompagnée d'un mot d'ordre de boycott des prêches officiels des mosquées très peu suivi. Comme chaque soir depuis plus d'une semaine, à peine la nuit tombée, des centaines de manifestants continuent d'affluer sur la place du quartier de Sidi Abed, à quelques centaines de mètres du centre-ville d'Al Hoceima. Si la revendication majeure concerne, ces jours derniers, la libération «immédiate» de Nasser Zefzafi, les appels ont concerné jeudi dernier le mot d'ordre de grève qui circulait d'heure en heure toute la journée. Et de fait, la grève générale a été effectivement suivie par plus de 2000 personnes venues en soutien au leader du Harik (la Mouvance, appellation du mouvement qui réclame la réhabilitation économique de la région du Rif, considéré comme marginalisé), un leader dont la foule nombreuse a scandé le nom et réclamé la libération ainsi que celle des autres prisonniers. Le rassemblement qui a duré jusqu'aux environs de minuit n'a pas donné lieu à des incidents, malgré la présence d'importants effectifs de la police antiémeute. Dans la journée, ce sont presque tous les magasins de la ville qui ont gardé leur rideau baissé, témoignant du caractère général de la grève d'autant que leur motivation explicite concernait, là aussi, l'exigence d'une libération sans délai des prisonniers politiques avec à leur tête Nasser Zefzafi. La protesta a fait tache d'huile dans les villes proches d'Al Hoceima, comme à Imzouren et Beni Bouayach, confirmant l'effervescence qui a gagné du terrain, atteignant même les grandes villes du Maroc, comme Rabat et Casablanca où des échauffourées ont opposé pro et anti Harik, contraignant parfois les forces de sécurité à intervenir. L' arrestation de Nasser Zefzafi, dont les discours enflammés étaient porteurs de violentes attaques contre le Makhzen «corrompu» et la «dictature» du pouvoir, au motif d' «atteinte à la sécurité intérieure» du royaume n'a donc pas suffi pour éteindre la braise qui couvait à Al Hoceima, bien au contraire puisque le feu semble se propager de jour en jour. Va-t-on assister à un véritable incendie le 6 juin prochain, date à laquelle a été reporté mardi dernier le procès des 40 personnes arrêtées dont 25 déférées devant le parquet? Toutes constituent ce que les services de sécurité marocains considèrent comme le noyau dur du mouvement, dont l'éminence grise, Nasser Zefzafi, est pour sa part gardé au secret. Son adjoint, Nagib Ahmajik, toujours en fuite, multiplie les initiatives de protestation, comme la grève générale de jeudi, appelant à la poursuite du mouvement, quitte à remplacer au fur et à mesure de leur arrestation les chefs de file de la protesta. Force est de constater que les évènements qui agitent le Maroc depuis plus de trois semaines ne trouvent pratiquement aucun écho dans les médias internationaux, et plus particulièrement encore dans ceux de l'hexagone, mises à part quelques rares exceptions. Quand on connaît l'attachement particulier que les milieux aussi bien politiques qu'économiques et financiers français nourrissent dans le royaume où les séjours sont toujours synonymes de fastes et de passe-droits servis sur un plateau, quelle que soit l'étiquette des dignitaires de passage, on appréhende sans trop de peine les tenants et les aboutissants de ces non-dits. Certes, ce n'est pas parce qu'on passe sous silence un fait que celui-ci n'existe pas ou plus! Mais lorsque ce silence devient aussi assourdissant, la question de savoir à quoi il obéit s'impose. D'autant que s'il s'agissait d'autres pays de la région, des flots de commentaires et de scoops plus ou moins prémédités auraient plu sans discontinuer pendant des jours et des jours. Ainsi dérive l'information selon une rive ou une autre et tout se passe comme si les manifestations qui secouent non seulement le Rif mais aussi d'autres villes du Maroc, depuis plusieurs semaines maintenant, ne sont visibles que pour les seuls manifestants «isolés». Prenant en compte les sit-in et rassemblements observés dans plusieurs villes comme Rabat, Casablanca et Meknès, la classe politique a commencé à émerger de sa torpeur pour appeler le gouvernement à «se pencher sur les revendications des habitants de la région.» Signe que la grogne est désormais prise très au sérieux...