En ces temps maudits où des artistes, des journalistes et des personnalités du monde de la culture sont jetés aux chiens, nous avons cette terrible envie de rendre hommage au moins à deux d'entre eux parce qu'ils ont vraiment marqué la sphère artistique et culturelle. Ya hasra signifie à la fois l'émerveillement et la nostalgie des temps bénis où des hommes épris de culture ont créé des espaces dédiés à la musique, la poésie, le cinéma, le théâtre et la littérature avec des rencontres en soirée où le thé est servi avec du kalbelouz durant notamment le mois de Ramadhan. Les journaux El Djazaïr news et Algérie news que dirigeait alors H'mida Ayachi se distinguaient par cette louable initiative. H'mida Ayachi est un féru de culture, il est dramaturge et comédien et il est auteur d'ouvrages littéraires. Cet enfant terrible de Sidi Bel Abbès qui constitue avec le cinéaste Brahim Tsaki et le guitariste Lotfi Attar, un trio d'enfer, a vu le jour en 1958. Après des études en sciences politiques à l'université d'Alger où il a flirté avec la mouvance islamiste durant le début des années quatre-vingt, il devient journaliste à El Massa, un quotidien arabophone, rédacteur en chef puis créa El Djazaïr news puis Algérie news. Hmida Ayachi est hyperactif, c'est un monsieur qui peut créer une idée à la minute ou créer des thématiques pour des dossiers et des enquêtes. Bref, il n'est jamais à court d'idées, celui qui deviendra le spécialiste des questions sécuritaires et des mouvements islamistes dans le Monde arabe et musulman. C'est du pur Kaddour le Blindé, personnage de sa pièce théâtrale éponyme. Ses journaux se frayent une place dans le paysage médiatique algérien, le succès lui donne des ailes, mais comme Icare, il voulait trop se rapprocher du soleil et finit par se brûler. Ses deux publications seront interdites de parution et sa chute fut aussi brutale qu'inattendue. L'auteur de «Mémoire de la folie et du suicide», un roman, publié aux Editions Laphomic, 1986 et de «Les islamistes entre le pouvoir et les balles» un essai, publié aux Editions Dar El Hikma, 1992, s'est retrouvé subitement seul, lui qui comptait de nombreux amis journalistes et artistes. La chute est dure et il n'aura pas longtemps la possibilité de parler de véritable cabale montée contre lui en 1994. Ya hasra! C'était vraiment bien du côté de la rue Burdeau, mais cela est du domaine du passé. Hommage à H'mida Ayachi! Le présent n'est pas aussi beau, il est sombre et ténébreux avec la cabale montée contre Rachid Boudjedra, grand écrivain, dramaturge et scénariste, piégé récemment dans une caméra cachée produite par la chaîne Ennahar. C'est de l'inquisition où l'écrivain est interrogé sur sa foi et ses connaissances en Islam. C'était la goutte qui fait déborder le vase et Boudjedra se défendra comme il peut, ester la chaîne en question en justice. Il est affligeant de constater que personne dans le monde artistique et intellectuel ne dénonça ce lynchage médiatique. Certes, il y a eu des condamnations dans les réseaux sociaux mais est-ce suffisant? «L'escargot entêté» apprendra à ses dépens que l'Algérie n'est pas encore sortie des griffes des islamistes dits modérés qui possèdent aujourd'hui, journaux et chaînes de télévision et qui comptent bien s'en servir et servir les desseins inavoués, mais qui sont connus de tous surtout de ceux qui se voilent la face.