Il ne faut jamais remettre à demain ce qui doit être fait aujourd'hui. Faillir à cette sagesse populaire signifie que nous n'avons rien compris à l'école de la vie, celle qui nous apprend l'essentiel. Nous nous levons le matin, contents que nous soyons en vie et en mesure d'accomplir les petits gestes de tous les jours. Un coup de téléphone matinal est toujours appréhendé parce qu'il est de mauvais présage et dans la vie, il ne faut s'étonner de rien. Ne pas être surpris puisque dans la vie, il faut s'attendre à tout, aux bonnes surprises et aux mauvaises nouvelles. Hassen Bachir- Chérif est décédé. Une amie m'apprend cette triste nouvelle de bon matin. Je suis effondré moi qui lui avais promis de lui rendre visite au journal La Tribune qu'il avait dirigé suite au décès de Kheireddine Ameyar. Je ne l'avais pas fait pour aucune raison et j'avais vraiment envie de le voir mon ami Hassen. La mort de sa mère lui avait laissé un grand vide, il parlait d'elle même durant les réunions de rédaction, elle qui aimait la série «Les Feux de l'amour». Il aimait sa «batata fliou» et il m'a fait aimer ce plat typiquement algérois. Hassen était hyperactif, prêt à rebondir sur tous les sujets d'actualité et d'en faire des dossiers. Il aimait la vie et la mordait à pleines dents. Il était fier d'avoir fait partie du comité d'organisation de la coupe d'Afrique des nations organisée en Algérie en 1990 d'autant que l'Equipe nationale avait décroché le trophée. Notre rencontre fut professionnelle, il ne s'est pas rappelé de notre passé à Révolution africaine, j'étais journaliste et il m'intriguait ave ses apparitions à la rédaction. Avec son costume cravate, il était aussi silencieux qu'impressionnant. A La Tribune, il m'avait demandé de signer un éditorial. C'était une marque de confiance que j'avais appréciée à sa juste mesure puis il m'a confié le poste de rédacteur en chef. J'ai assumé cette mission avec sérieux et abnégation durant six ans puis, j'ai quitté le journal. Il n'avait jamais accepté ma démission considérant celle-ci comme sa propre défaite. Il était ainsi Hassen, entier. D'autres démissions ont suivi la mienne et il me tenait pour responsable alors que je n'y étais pour rien. Il m'avait pardonné avec philosophie. Il connaissait beaucoup de monde et de personnalités politiques lui qui a été à l'école du FLN. Il les consultait beaucoup et les écoutait. Il disait souvent attention aux ministres en poste car ils gardent toujours leur puissance de feu. Durant les réunions de rédaction, il était imbattable et elles duraient des heures ces fameuses joutes rédactionnelles qui commençaient par la critique de l'édition du jour et la préparation du numéro du lendemain. Il voulait hisser son journal aux premières loges avec une grande disponibilité. La Tribune était un journal sérieux où officiaient Abdou Bouziane, Abdelmadjid Merdaci, Abdelkrim Ghezali et Merzak Menaceur. L'histoire de l'Algérie et de la guerre de Libération nationale était sa marque de fabrique. Aucune des dates du Mouvement national et de la Révolution algérienne n'ont été oubliées. La Tribune leur consacrait des dossiers chaque année. Le lendemain, il exhibait fièrement le journal et remerciait la rédaction. Hassen était un bon client des émissions politiques à la radio et à la télévision. Il s'exprimait sans ambages. Hassen Bachir-Chérif n'est plus de ce monde, il nous a quittés sans nous déranger. Il est parti silencieux lui qui avait toujours une blague à raconter quand l'atmosphère était pesante. Adieu chef, adieu l'ami! Salut l'artiste! Oui, tu l'as été à ta manière, toi l'enfant d'El Biar.