Un délai qui prend fin le 30 juin prochain est accordé aux sinistrés qui ont bénéficié d'une aide de l'Etat qui, pour une raison ou une autre, ne se sont pas présentés à la CNL pour l'encaisser. Passée cette date, ces aides seront purement et simplement annulées. C'est ce que nous a révélé hier, le wali de Boumerdès. Dans cet entretien, M.Badrici revient également sur le programme de construction décidé par l'Etat. L'Expression: La wilaya de Boumerdès a été fortement secouée par le séisme du 21 mai 2003. A combien estimez-vous le coût des dégâts matériels occasionnés par cette catastrophe? M. Ali Badrici:Le bilan des dégâts est comme suit: concernant l'habitat, il y a eu 93 452 logements effondrés à des degrés divers. Ces logements se répartissent comme suit : 10513 effondrés ou classés rouge, 10.588 classés orange 4, 20.966 classés orange 3, 51.385 classés vert 2. Aussi, la totalité de ces 93.452 logements sont scindés en deux catégories, l'une représentant celle des logements dits «individuels» au nombre de 73.708 unités, dont 7322 effondrées ou classées rouge 5, et l'autre est celle des logements «collectifs», dont 3 911 effondrés ou classés ronge 5. Vous voyez bien que c'est le logement individuel qui a été le plus touché. Cela dit, les dommages ne concernent pas seulement le secteur de l'habitat. C'est le côté le plus spectaculaire, c'est vrai ! Mais il y a eu des dégâts dans d'autres secteurs d'activité. A titre d'exemple, il y a 732 établissements scolaires qui ont été touchés, soit 86 % du parc de l'éducation. Le primaire étant le plus touché parce qu'ayant le plus grand nombre de classes. Il faut savoir que nous avons enregistré l'effondrement de 600 classes. Il faut signaler, à ce propos, que l'ensemble de ces infrastructures a été reconstruit. On a également perdu 69 blocs universitaires, deux annexes de formation professionnelle, plus un certain nombre d'établissements, endommagés, notamment dans le secteur de la santé publique. Donc, dans tous les secteurs d'activité, il y a eu des dégâts. Au total, quelque 882 édifices publics ont été touchés. Cela va de la classification vert 2 à l'effondrement pur et simple. Et qu'en est-il des aides humanitaires destinées aux sinistrés? Vous savez que lorsque les sinistrés étaient sous les tentes, il y avait une prise en charge diversifiée. Il y avait la présence de la Protection civile, les administrateurs, les services de sécurité, la santé, l'action sociale, notamment les psychologues. Et il y avait aussi des organisations comme les Scouts ou le Croissant-Rouge algérien. C'est à travers ce dispositif qu'a été acheminée la plupart des aides vers les sinistrés. Pour ce qui concerne l'aide alimentaire, à proprement parler, il y a eu pendant le mois de Ramadan une prise en charge totale des sinistrés dans tous les campus de toile. Ensuite, il y a eu l'acheminement de toutes ces aides qui sont venues de la solidarité nationale et internationale au niveau des campus de toile. Quant à une évaluation précise de l'effort de solidarité, je ne dispose pas à l'instant de chiffres précis, mais je peux vous donner le montant du fonds de la solidarité nationale qui est de 3,9 milliards de dinars pour des aides multiformes, essentiellement, concernant la prise en charge des malades. Le séisme de Boumerdès a érigé cette wilaya au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Le président de la République s'est lui-même engagé quant au relogement des sinistrés dans un délai de 2 ans. Pourrait-on savoir ce qui a été réalisé en ce sens et qu'en est-il de la reconstruction de la wilaya de Boumerdès? Ce programme, réalisé sur budget de l'Etat, porte sur 8 000 logements inscrits pour la wilaya de Boumerdès. Nous y avons ajouté 482 unités représentant un reliquat des programmes antérieurs et que nous avons injecté dans le programme des reconstructions. Ce qui nous fait un total de 8 482 logements destinés aux sinistrés. Sur ces 8.482, 8382 ont été lancés et sont en cours de réalisation. Sachez, en tout cas, que les premières opérations de relogement auront lieu en juillet 2005. Ces opérations vont s'étaler sur une période d'une année, de l'été 2005 à l'été 2006. Tout en sachant que sur la base des engagements des entreprises, il est prévu la réception de près de 5000 logements en 2005. Le reste, c'est-à-dire 3482, sera réceptionné en 2006. Essentiellement durant le premier semestre. Voilà un peu l'avancement de ce programme. La viabilisation des sites suit son cours. Elle sera terminée en même temps que les logements. A la fin de l'année 2006 on aura, Inch'Allah, terminé avec les opérations de relogement. Il n'y a pas uniquement que le programme de reconstruction en cours pour les logements effondrés, il y a aussi tout le reste. Le bilan 2 ans après donne ceci: 71.370 logements ont été pris en charge sur les logements déclarés endommagés, 11.569 sont en cours de réhabilitation. La CNL (Caisse nationale du logement) est en train d'indemniser les citoyens concernés. C'est la fameuse population que nous allions prendre en charge. L'Etat a tenu parole. Pour ce qui concerne les infrastructures publiques, 97 établissements scolaires ont été reconstruits en préfabriqué, soit l'équivalent de 600 classes. De plus, 58 établissements publics sont en cours de réalisation en dur. Donc, l'ensemble des édifices publics touchés ont été pris en charge y compris les ouvrages d'art. S'agissant des citoyens sinistrés qui ont opté pour l'autoconstruction de leurs logements détruits par le séisme, vous avez déclaré dans l'une de vos sorties publiques que l'Etat leur garantit l'étude des sols. Or, souvent, il est régulièrement fait état que ces mêmes citoyens s'acquittent à leurs frais des charges imposées par les bureaux d'études. Quel est votre commentaire sur cette question? Les bénéficiaires de l'aide à l'auto-construction sont eux-mêmes de plusieurs catégories. L'écrasante majorité est répartie à travers tous les villages et toutes les communes de la wilaya. Ensuite, la deuxième catégorie, ce sont les logements collectifs, essentiellement les anciennes coopératives immobilières effondrées. L'essentiel, après avoir un peu réfléchi - on leur a laissé tout le temps d'ailleurs - la plupart des coopératives immobilières ont fini par opter pour la reconstruction sous forme de coopérative immobilière de promoteurs. C'est justement une demande pour ne pas trop grever leur budget de 10 millions de dinars que, pour cette catégorie, c'est-à-dire les logements collectifs, nous avons effectivement opté pour l'aide à la reconstruction, et c'était là aussi pour les encourager - honnêtement- à opter pour cette formule pour décharger un tant soit peu le programme de reconstruction et leur permettre de devenir propriétaires plus tard. Car, cette catégorie deviendra propriétaire des logements pendant que les autres seront dans des logements socio-locatifs. Nous avons donc voulu encourager cette formule en leur proposant la prise en charge du financement des études de sol par les pouvoirs publics. Et c'est une démarche qui est faite pour l'ensemble des sites de ce type. On ne peut avoir la même démarche pour toutes les habitations éparses à travers la wilaya. Quant au financement de l'étude de sol, je dirais que c'est un acte volontaire des coopérateurs. Nous avons les sites de Boumerdès, les 1200 logements et le 11 Décembre qui totalisent près d'un millier de logements. Nous avons trois sites à Bordj Menaïel où est installée la coopérative immobilière de Boudouaou ainsi que le site de Dellys. Voilà pour ceux qui se sont manifestés jusqu'à maintenant et pour lesquels nous avons donné l'accord pour le financement des études de sol. Cela dit, à l'heure où je vous parle, Cosider est en train de reconstruire les 1200 Logements à Boumerdès. Les travaux vont commencer dans quelques jours à la cité du 11 Décembre. C'est vous dire que l'étude de sol a bel et bien été prise en charge par l'Etat. Qu'en est-il du devenir des chalets après le relogement des sinistrés? Il faut savoir d'abord que concernant les chalets, 100 sites ont été aménagés sur 300 hectares. 17 467 chalets dont 682 individuels, ont été installés. Il y a un aspect que beaucoup de gens ignorent aussi, ou plutôt n'en parlent pas beaucoup, c'est que le relogement à l'époque (Ndlr : au lendemain du séisme), c'est vrai, a été fait essentiellement dans les chalets, mais il a été fait aussi dans le dur. On a relogé parmi les gens qui étaient sous les tentes, 2117 familles dans des logements en dur, aussi bien de l'Opgi et quelques-uns de l'Eplf. Cela dit, concernant le devenir des chalets, beaucoup de choses se disent là-dessus. Pour ne pas provoquer une angoisse initiale chez les premiers concernés, je dirais que, pour l'instant, ce dossier est au stade de la réflexion à un niveau gouvernemental, en concertation avec les autorités locales ainsi que les élus. Le but étant d'adopter la meilleure démarche possible concernant ce dossier. Naturellement, c'est un traitement progressif, on ne va pas du jour au lendemain démanteler près de 16.000 chalets. Je pense que la logique voudrait que l'on s'achemine vers un traitement au cas par cas. C'est-à-dire que là où les terrains ont un très haut rendement agricole, ces terres doivent être rendues pour l'agriculture. Les chalets situés dans les zones touristiques avérées devront à terme être rendues à leur vocation première, donc au tourisme. Les chalets situés en dehors de ces zones que je viens d'évoquer pourront attendre un peu plus de temps. Vous voyez qu'il s'agit bien d'un traitement progressif. Par ailleurs, ce qui motive cette démarche, c'est de récupérer les terres agricoles et touristiques, récupérer, pourquoi pas aussi, des terres pour la promotion immobilière de qualité, ainsi que pour les équipements publics, les écoles, les lycées, les hôpitaux, etc. Autre aspect, il pourrait y avoir à l'avenir d'autres catastrophes naturelles, de toute façon, il faut s'y préparer, il serait bon aussi d'avoir un stock de sécurité en matière de chalets. Donc, si vous voulez, ce sont toutes ces logiques qui s'interconnectent dans le cadre d'une démarche pragmatique et progressive. Pour l'instant, la priorité des priorités, c'est d'améliorer les conditions de vie dans les chalets pour que ceux qui y vivent ne soient pas angoissés. Ce n'est donc pas un abandon. Au fur et à mesure que les familles de l'orange 4 rejoindront leurs habitations, que les sinistrés sont relogés en dur, il faudra commencer par un démantèlement progressif des chalets. En tout état de cause, le démantèlement suivra logiquement le rythme de relogement et d'évacuation des orange 4. Il nous restera les cas sociaux qui occupent ces chalets, ils seront traités au cas par cas. Pour les cas avérés, il y aura un traitement dans le cadre des programmes sociaux à l'avenir. La reconstruction de Boumerdès a nécessité plusieurs entreprises.... Indistinctement, nous avons prévu 2000 entreprises. Juste après le séisme, le gouvernement a pris une décision : toutes les entreprises de l'Est algérien étaient mises à la disposition de la wilaya de Boumerdès (publiques et privées), et toutes les entreprises de l'Ouest algérien étaient mises à disposition de la wilaya d'Alger. Pour le programme de reconstruction, il faut dire que sous l'impulsion du chef du gouvernement, un formidable élan de solidarité était né, et nous avons enregistré au niveau de la wilaya de Boumerdès, près de 2000 entreprises qui ont fait des travaux de diverse importance. Je profite de l'occasion pour dire que la quasi-totalité de ces entreprises ont été payées et le peu qui reste est en cours de paiement. Il faut dire également que les entreprises publiques ou privées nationales ont répondu à la phase de confortement, de réhabilitation, de reconstruction, et même actuellement le programme des 8482 logements est pris en charge, dans l'écrasante majorité, par des entreprises nationales. Certains parmi les sinistrés ont eu droit à des aides financières pour pouvoir d'eux-mêmes entreprendre la réhabilitation de leurs logements. Est-ce que, selon vous, l'objectif de ces aides distribuées, bien sûr sous votre autorité, a été atteint? Quand on a présenté le bilan, nous avons montré le volume des réalisations physiques, ainsi que l'équivalent financier qui est de l'ordre d'un peu plus de 68 milliards de dinars. Nous avons dit que maintenant, il faut aussi assainir. Dans ce cadre, nous avons dès le départ, parallèlement à toutes ces actions, commencé à monter un fichier informatisé pour les chalets ainsi que les différentes aides prévues. Concernant les aides, le fichier nous a montré qu'il y a un certain nombre de personnes parmi les 71.000 prises en charge, celles qui ont pris la première tranche d'aide, n'ont pas commencé à se conformer ou à réhabiliter leurs habitations. Aussi, la CNL a actuellement un certain nombre d'aides prêtes pour le paiement, et les intéressés ne se sont pas présentés pour les récupérer. Et enfin, la troisième catégorie, ce sont des gens qui ont pris la première tranche, et qui ont commencé à travailler mais qui n'ont pas épuisé la première tranche pour qu'on puisse leur donner la deuxième. A mi-chemin, ils ont accusé du retard. Premièrement, ces trois catégories que je viens d'énoncer sont une infirme minorité, parce qu'on a tendance parfois à cacher avec cette minorité le gros qui a été fait et le comportement des plus honorables des sinistrés qui ont perçu leur aide et qui ont fait du bon travail chez eux. Deuxièmement, nous leur avons fixé maintenant jusqu'au 30 juin, sur instruction de M.le chef du gouvernement. Donc, au 30 juin, si ceux qui ont perçu l'aide ne l'utilisent pas pour faire des travaux, ou bien, ceux qui ont l'aide prête au niveau de la CNL ne viennent pas la chercher, ou bien encore, ceux qui ont abandonné les travaux, s'ils ne se mettent pas en conformité avec la réglementation, ces aides seront purement et simplement annulées. Et pour ceux qui ont perçu des aides et qu'ils ont utilisées à d'autres fins, il y aura des actions en justice pour le remboursement des sommes indûment perçues. Ces personnes rendront des comptes jusqu'au dernier centime.