L'ex-chef du FBI, James Comey, lors de son témoignage, jeudi, devant le Sénat, mettant dans l'embarras le président Trump Donald Trump est passé personnellement à la contre-offensive hier, accusant à son tour de «mensonges» l'ex-directeur du FBI James Comey, qui a révélé au Sénat la veille les pressions du président américain dans l'enquête sur la Russie. Une accusation grave qui n'empêche pas le président de se dire conforté par le témoignage fleuve de l'ancien premier flic. M. Comey a redit que Donald Trump n'était pas visé par l'enquête sur l'ingérence présumée de la Russie dans la présidentielle américaine de 2016 et qu'il ne lui avait pas demandé de l'abandonner. «Malgré tant de faux témoignages et de mensonges, confirmation totale et complète... et WOW, Comey est une balance!», a-t-il écrit sur Twitter, un réseau social dont il est familier mais qu'il s'était gardé d'utiliser pendant l'audition de M. Comey laissant à son avocat personnel le soin de communiquer. Le président avait encore l'occasion de s'expliquer hier après-midi lors d'une conférence de presse commune avec le président roumain. «J'estime qu'il m'a limogé à cause de l'enquête russe», a accusé jeudi James Comey qui s'exprimait sous serment et a répondu calmement et avec précision pendant plus de deux heures et demie aux questions des sénateurs. «Le but était de modifier la façon dont l'enquête sur la Russie était conduite. C'est très grave». L'ancien directeur, 56 ans, a blâmé le président pour lui avoir intimé d'abandonner un volet de l'enquête russe sur un proche, Michael Flynn. Il a accusé l'administration Trump de diffamation et de «mensonges». Et sous-entendu que le président lui-même était un menteur. A l'issue de l'audition devant la commission du Renseignement suivie en direct par tous les grands médias américains, l'opposition démocrate a estimé que les soupçons d'entrave à la justice visant le dirigeant républicain étaient confortés par les réponses de M.Comey, limogé le 9 mai. L'entrave à la justice est un délit majeur qui a conduit au lancement par le Congrès de procédures de destitution contre Richard Nixon et Bill Clinton. L'ex patron du FBI a raconté en détails sa gêne lors de conversations privées avec le locataire de la Maison-Blanche, minutieusement décrites dans un texte publié la veille et basé sur des notes soigneusement prises après chacune des conversations. Il a refusé d'émettre un avis juridique, s'en remettant au procureur spécial Robert Mueller, comme lui ancien patron très respecté du FBI et qui a repris l'enquête sur la Russie. Certes, a-t-il dit, personne ne lui a demandé explicitement d'«arrêter» l'enquête menée par le FBI sur les ingérences russes. Mais il a confirmé que M.Trump lui avait demandé sa «loyauté», alors même qu'il supervisait les investigations sur une éventuelle collusion entre des membres de l'équipe de campagne du républicain et Moscou. «Mon bon sens me disait qu'il voulait quelque chose en échange de m'accorder ma demande de rester à mon poste», a-t-il estimé, alors que son mandat courait jusqu'en 2023. Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants, a quant à lui laissé le bénéfice du doute au président: «Il est nouveau pour ce qui est de gouverner, donc il n'était probablement pas au fait des protocoles existant depuis longtemps établissant les relations entre le département de la Justice, le FBI et la Maison-Blanche». Le délit d'entrave est difficile à prouver et requiert beaucoup d'informations sur «l'intention de la personne», a expliqué Mark Tushnet, professeur de droit à Harvard. C'est ce que les enquêtes parlementaires chercheront à établir. James Comey a détaillé la demande de M. Trump d' «abandonner» un volet de l'enquête visant le général Michael Flynn, ex-conseiller à la sécurité nationale. «Je l'ai interprété comme une instruction», a-t-il dit. «Il est le président des Etats-Unis, seul avec moi, il dit qu'il espère ceci, je l'ai interprété comme une demande de sa part». Il a accusé l'administration de l'avoir «diffamé» après son départ. M. Comey a aussi confié qu'il avait décidé dès sa première rencontre avec le président élu, en janvier, de consigner ses échanges avec lui, par crainte que Donald Trump «ne mente sur la nature» de leurs conversations. Il a par la suite demandé à un ami de transmettre ces notes à des journalistes afin de précipiter la nomination d'un procureur spécial. L'avocat recruté par l'ancien promoteur immobilier pour gérer la crise, Marc Kasowitz, a démenti que son client ait jamais demandé à M. Comey de mettre fin à une quelconque enquête, et évoqué d'éventuelles poursuites contre James Comey pour avoir organisé des fuites. «Sur le fond comme sur la forme, le président n'a jamais dit à M. Comey: J'ai besoin de loyauté, je m'attends à de la loyauté''», a-t-il déclaré. Dans un tweet en mai, Donald Trump avait sous-entendu qu'il détenait des enregistrements de ces discussions, susceptibles de contredire la version de l'ex-policier. Mais la Maison-Blanche esquive systématiquement quand la question de leur existence lui est posée. En tout cas, «j'espère bien qu'il y a des enregistrements», a défié M.Comey, sûr de sa mémoire.