Si nous ne faisons pas des efforts nécessaires, l'Algérie risque d'avoir des années très compliquées «Le RND plaide pour un débat national économique et social pour bâtir un consensus.» Droit dans ses bottes, le ton ferme et assuré, les réponses argumentées et sans fioriture, Ahmed Ouyahia, hier, a renvoyé certains «observateurs» de la scène nationale à revoir leurs analyses quant aux équilibres du pouvoir. En réponse à quelques questions précises sur sa propre actualité et sa position dans le palais d'El Mouradia, il a simplement déclaré qu'il conservait son statut de ministre d'Etat. Il n'est pas membre du gouvernement, mais garde toujours sa qualité de membre du Conseil des ministres à l'instar de Tayeb Belaïz. Le président de la République ne lui a pas proposé le poste de Premier ministre. Mais Ouyahia ne semble pas s'en plaindre. «J'ai occupé le poste du Premier ministre pendant 10 ans et demi, aujourd'hui, l'honneur de servir ou d'aider le président de la République à travers le poste que j'occupe actuellement me suffit», a-t-il fait savoir à l'occasion de la conférence de presse qu'il a animée au sortir du conseil national du RND. Au sujet de la cure d'amaigrissement subie par le RND dans sa représentation au gouvernement, alors qu'il a réalisé un score sans précédent lors des législatives, il rétorquera: «Nous n'avons pas rencontré Abdelmalek Sellal à la présidence pour partager le gâteau gouvernemental.» A propos de supposées entreprises appartenant à ses proches, il a commenté «L'on a écrit que mes fils et ma femme possèdent des sociétés. Que je possède moi-même des bus, des minoteries. Je dis: «'Heureusement qu'on n'a pas cité mes enfants dans des affaires de drogue. Concernant ma femme, celui qui trouve une trace de cette société, je la lui céderai''», a-t-il dit. «Ces assertions ne me perturbent pas. Je suis un homme public depuis 20 ans. L'essentiel pour un homme c'est de pouvoir se regarder dans le miroir le matin», a-t-il indiqué. Interrogé sur le limogeage du ministre du Tourisme 48 heures seulement après sa désignation, Ouyahia indique qu' «il y avait eu un problème de faille de confiance et un problème de faille dans l'habilitation que l'Etat a résolu rapidement», rappelant que «ce n'est pas le chef de l' Etat qui mène les enquêtes d'habilitation». En réponse à une question relative aux réformes économiques, il indique qu'«au RND on plaide pour un débat national économique et social pour bâtir un consensus, ça dépasse même un front de deux ou trois partis. Même s'il y a des formations politiques avec lesquelles il est définitivement clair que jamais nous ne pouvons faire une espèce de coalition ou alliance, mais il n'en demeure pas moins qu'ils sont aussi algériens que nous et que nous parlons tous du sort du peuple algérien». La principale préoccupation formulée par le secrétaire général du RND, tient dans le risque économique que court le pays. «Aujourd'hui, l' Algérie est confrontée à de très grandes difficultés. Si on ne se remet pas debout bien comme il faut économiquement sans le biberon du pétrole, nous risquons en 2024 ou 2025 de nous retrouver chez le FMI. Et si on se retrouve chez le FMI ça va être la tronçonneuse», prévoit-il. «Si nous ne faisons pas des efforts nécessaires, l'Algérie risque d'avoir des années très compliquées. Aujourd'hui nous tenons l'équilibre grâce aux réserves de changes qui iront en s'amenuisant puisqu'elles ne sont pas en état de se reconstituer du fait de la faiblesse des cours du pétrole. L'époque du pétrole est révolu, avec le schiste l'Opep n'a quasiment aucune influence sur le marché des hydrocarbures. «Cela justifie la nécessité de pousser aux réformes et qu'il y ait des voix qui s'élèvent contre la démagogie qui paralyseront le pays», a-t-il noté.«Au RND, nous plaidons pour un débat national économique et social, domaine dans lequel on a des fragilités, parce que ce débat permettra aux uns et aux autres de confronter leurs idées, de compléter leur compréhension et permettra à l'opinion publique de suivre et de faire son idée car jusqu'à la fin des temps, il y aura sans aucun doute et c'est la loi de la démocratie et de la pluralité, une opposition». «L'Algérie n'a jamais connu de débats autour des réformes économiques, au niveau des forces politiques. Au niveau des experts, il y a eu un débat pendant la préparation de la révision constitutionnelle de 1997 et un autre qui a été confié au président du Cnes, le défunt Babès pendant la période du printemps arabe», a-t-il rappelé. «Il faut en finir avec le populisme par exemple. Je disais à une époque donnée en tant que Premier ministre que les augmentations de salaires vont avec la productivité et la rentabilité. On a dit alors que Ouyahia n'aimait pas le peuple. Mais je suis un enfant du peuple. Ouyahia a peur pour son peuple, le jour où on n'aura pas les moyens pour pouvoir payer les salaires», indiquera-t-il. «J'ai toujours fait référence au FMI qui nous donne actuellement ses avis car l' Algérie est membre dans ce club. Ce fonds n'a pas encore mis la main sur nous, mais si on retombe entre ses mains, il nous ordonnera de dévaluer la monnaie nationale, d'augmenter les taux d'intérêts et ouvrir davantage le commerce extérieur, des mesures qui nous enfonceront davantage dans la crise», explique-t-il. «Le FMI défend les intérêts de ses principaux actionnaires de son conseil d'administration». Selon, Ouyahia, «l'aisance financière des dix dernières années, a freiné les réformes économiques qui n'ont pas avancé au rythme souhaité». D'après toujours Ouyahia, «un gouvernement ne peut pas être démagogique. Il peut, tout au plus, ne pas être assez courageux ou parfois peut-être bloqué par des situations de crainte de dérapage, nourries par le tapage démagogique de l'opposition comme lors du débat sur la loi sur la réforme de la retraite et la LF2016», a-t-il appuyé pour dire qu'il ne s'est jamais attaqué à Abdelmalek Sellal.