Après l'angoisse de la feuille blanche, le stress de l'attente des résultats, voici venu le temps des doutes. Que faire avec un bac en poche mais qui n'offre que peu de possibilités pour des études supérieures ? C'est le dilemme qui taraude un grand nombre de jeunes détenteurs du baccalauréat 2011, qui se retrouvent aujourd'hui avec une palette de choix pour des études universitaires très réduite. L'euphorie passée, c'est la dure réalité. Le bac n'est plus le sésame qui offrait l'assurance pour un cursus universitaire et surtout un avenir meilleur. Saïd, un jeune qui a décroché un bac langues avec une moyenne de 11,20/20 ne sait plus quoi faire pour poursuive des études en traduction. «Le système LMD a supprimé cette filière, devenue aujourd'hui une spécialité après 3 années d'études. Et avec cette moyenne, je ne peux même pas faire une licence d'anglais ou d'espagnol où l'on exige une moyenne de 11,50 et une bonne note à l'examen. Ce n'est pas normal, je suis finalement devant une obligation et un choix assumé pleinement», dira-t-il. Kader qui a décroché son bac sciences de la nature avec une confortable moyenne de 15,32/20 est dans la même situation. Que faire et quoi faire ? «Je voulais faire des études de médecine et on m'annone qu'on exige une moyenne de 16/20 et une bonne note en sciences naturelles. Une moyenne de 15/20 n'est pas à la portée de tous, mais elle ne m'offre pas la possibilité d'opter pour la filière de mon choix», dira-t-il, la mort dans l'âme. Pour lui comme pour plusieurs autres nouveaux bacheliers que nous avons approchés, l'avenir paraît incertain. «Quand on voit la cohorte de licenciés tentés par la harga ou qui rongent leur frein dans les quartiers, on se dit que le bac signifie une voie de garage quelle que soit la filière choisie pour les études supérieures. Que vaut une licence qui ne m'offre même pas l'assurance d'un emploi à la fin de mes études ? Je voulais opter pour une licence en sciences de la communication et quand je vois ce qui se passe pour les diplômés de cette filière, ça me refroidit. Ils ne peuvent même pas prétendre à un poste dans l'enseignement», soulignera Amina, qui se dit perplexe et qui avoue qu'avec son bac décroché avec une moyenne de 12,80, elle ne sait pas pour quelle spécialité opter. La fiche de synthèse aurait pu servir d'atout Un enseignant dans un lycée bien connu d'Oran explique cette situation par la suppression du système de la fiche de synthèse qui offrait au candidat au bac la possibilité d'un rachat si son travail au lycée était excellent. «La suppression de cette fiche a poussé les élèves des classes de terminale à délaisser le travail en classe pour se consacrer uniquement à l'examen. Ce document était consulté lors des délibérations des jurys. Il pouvait constituer un indice sur le goût et les capacités du candidat au bac. La fiche de synthèse aurait pu servir de base d'orientation», dira-t-il. La même thèse est soutenue par un autre enseignant qui fera remarquer que la barrière des moyennes imposée pour filtrer l'accès à certaines filières est antipédagogique et ne tient pas compte des efforts du candidat durant l'année scolaire. «Avant, la fiche de synthèse permettait de se faire une idée sur les aptitudes du candidat en se basant sur son travail durant les trois années de cycle secondaire. Il faut revenir à ce système et supprimer les moyennes imposées», dira notre interlocuteur.
Un bac avec près de 5000 lauréats, ce n'est pas normal D'autres enseignants du secondaire se sont montrés étonnés en apprenant que pour cette année, près de 5000 candidats ont obtenu des mentions très bien et bien. «Ce n'est pas normal et cela dévalorise le diplôme du baccalauréat. Que veut dire une mention très bien quand elle n'offre pas à son détenteur la possibilité de se vanter d'être honoré par le président de la République ? Avant, les mentions très bien se comptaient sur les doigts d'une main et aujourd'hui, depuis les réformes de l'enseignement et leur échec consommé, elles ne sont plus qu'une simple formalité qui n'offre aucun prestige au bachelier», f era remarquer un enseignant en philosophie. Pour lui, les responsables du secteur doivent analyser les résultats du bac 2011. «Que veut dire le taux de réussite le plus élevé depuis l'indépendance ? Ce résultat doit bien refléter le niveau de l'enseignement. Or, nous subissons chaque jour les conséquences des réformes menées à la hussarde et qui n'ont rien apporté de bon. Au Maroc, le taux de succès au bac cette année a avoisiné les 45% ; vous voyez la différence.» Plusieurs candidats que nous avons approchés ont déclaré leur volonté de repasser l'examen l'année prochaine «pour obtenir une bonne moyenne qui m'offrira la possibilité d'opter pour la filière de mon choix», dira Fayrouz. Cette dernière, qui a obtenu une confortable moyenne de 12,74/20, avoue qu'elle est décidée à repasser son bac même en candidate libre. «Que voulez-vous, je suis bien obligée, je ne veux pas opter pour une filière imposée par une moyenne calculée je ne sais sur quelle base».