Le roi du Maroc Le roi a donné des consignes fermes et strictes pour enquêter sur des cas de torture ou de violences subies par des membres du Hirak, Mouvement de protestation populaire du Rif, rapporte la presse marocaine. En arrêtant Nasser Zefzafi, le leader de la contestation rifaine et ses lieutenants, le pouvoir marocain pensait pouvoir étouffer dans l'oeuf la tornade de colère qui émane de la ville d'Al Hoceïma. Les manifestations pacifiques, violemment réprimées, les interpellations musclées ont mis en exergue la brutalité qui le caractérise. La question est désormais sur la place publique. Le roi s'en est emparé. «Mohammed VI avait donné des consignes fermes et strictes pour enquêter sur d'éventuels cas de torture ou de violences qu'auraient subies certains des membres du mouvement de protestation d'Al Hoceïma interpellés et incarcérés», a indiqué le ministre marocain des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, jeudi dernier, à l'issue d'un Conseil de gouvernement. «A noter que des rumeurs ont circulé sur des violences qu'auraient subies les détenus du Hirak. Des avocats de Zefzafi ont relevé que leur client avait été violenté lors de son interpellation et que celui-ci comptait poursuivre en justice des policiers d'Al Hoceïma», rapporte la presse marocaine. «Des militants de deuxième rang ont été torturés au siège de la Bmpj (Brigade marocaine de la police judiciaire, ndlr)», affirme une avocate marocaine, membre du collectif chargé de leur défense. Une déclaration qui tombe à point pour démon- trer la légèreté avec laquelle l'ambassadeur du Maroc à l'ONU a traité les événements qui secouent cette région du royaume. «Au Maroc il y a une démocratie, c'est pour cela que les gens dans le Rif s'expriment chaque jour, librement, sans qu'ils ne soient ni attaqués ni emprisonnés...», avait répondu Omar Hilale à une question d'une journaliste de l'APS qui l'avait interrogé sur ce qui se passait dans la région du Rif. Croyait-il pouvoir cacher le soleil avec un tamis? Ce n'est en effet pas la première fois que les forces de répression marocaines ont été prises, la main au collet. Dans un document présenté au mois d'octobre 2012 au Conseil de sécurité, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour la justice et les droits de l'homme, avait déjà fait référence à l'utilisation des techniques de torture par le Maroc sur son propre sol et contre les opposants qui défendent la cause sahraouie. «Il y a une tendance à utiliser la torture dans les interrogatoires. Il est difficile de dire si c'est très répandu ou si c'est systématique, mais cela arrive assez souvent pour que le gouvernement marocain ne puisse l'ignorer», avait déclaré, le 23 octobre 2012 à la presse, Juan Mendez qui avait séjourné au Maroc et au Sahara occidental entre les 15 et 22 septembre 2012. «Le gouvernement marocain continue de faire usage de la brutalité et du mépris des droits de l'homme comme moyens d'oppression contre le peuple sahraoui et ce, avec l'impunité quasi totale», avait dénoncé le Centre Robert F. Kennedy (RFK Center) pour la justice et les droits de l'homme dans un rapport rendu public le 19 avril 2013. Des rapports qui avaient à l'époque courroucé le Palais royal qui jurait sur tous les saints que ce genre de pratiques faisaient partie d'un passé révolu. Le Royaume chérifien est rattrapé par ses vieux démons. Il y a eu Tazmamart, Derb Moulay Chérif, maintenant de simples commissariats devenus des lieux de torture anonymes... Les blessures que porte Al Hoceïma peuvent en témoigner. Le souvenir de la mort atroce de Mouhcine Fikri, un jeune poissonnier de la ville, tué, écrasé dans une benne à ordures alors qu'il tentait d'empêcher la destruction de sa marchandise de 500 kg d'espadons saisis par la police les ravivent à chaque instant. C'était un 28 octobre 2016. «C'est ce soir-là que Nasser Zefzafi est sorti pour la première fois, explique Amin, dans un café d'Al Hoceïma. Il a dit que cette mort, c'était le résultat de la politique de l'Etat dans le Rif», a attesté Amin Khattabi, un journaliste local qui suit le mouvement depuis son entrée en scène.