Soixante ans après les tristes, douloureux et sanglants évènements du 8 mai 1945, les autorités françaises persistent et s'entêtent encore dans l'utilisation de faux concepts. Les officiels d'outre-mer tendent toujours à minimiser les dégâts occasionnés par leurs sbires. Là, on parle de «tragédie», ici d'«affrontement» ou encore d'«événements». Cependant, la profondeur de ces qualificatifs sont en deçà de l'ampleur qu'ont pris les manifestations de Sétif, Guelma et Kherrata. Le carnage est tel que le président de l'association du 8 Mai 1945, M.Mohamed Korso, le qualifie de génocide et de crime contre l'humanité. «C'était une volonté réelle d'effacer toute vie humaine d'un espace géographique précis. C'est un génocide. Les massacres commis par l'armée coloniale n'est autre qu'un crime contre l'humanité» estime M.El Korso. En effet, le nombre de victimes enregistrées en ce sinistre mois de mai est révélateur. Les historiens, tel Mohamed Harbi, parlent d'un chiffre oscillant entre 15.000 et 20.000 victimes, tandis que la mémoire collective, elle, dénombre pas moins de 45.000. Quoi qu'il en soit, la barbarie avec laquelle l'armée coloniale a répondu aux manifestants voulant fêter la fin d'une nuit est inouïe. Pour ce professeur d'histoire à l'université d'Alger, «il est venu le temps à la France pour qu'elle reconnaisse les crimes qu'elle a perpétrés en Algérie. Cela ne concerne pas uniquement ceux qu'elle a commis en 1945, mais durant les cent trente années qu'a duré sa présence ici, sur le sol algérien». Le président de l'association du 8 Mai 1945 estime que la première démarche à faire pour réparer ce grave préjudice historique est de revoir la terminologie. Les concepts doivent être revus et corrigés. «La France ne cesse de persister dans les paradoxes les plus extravagants. D'un côté, elle demande à la Turquie de reconnaître ses crimes commis contre l'Arménie, de l'autre elle refuse de confesser les siens, ceux qu'elle a perpétrés dans ses colonies, en Algérie entre autres». Une autre façon de dire qu'on ne voit mieux que les vices de l'autre. Cependant, cette déviation conceptuelle et terminologique dépend-elle de la seule volonté des hautes autorités françaises? De toutes les manières, le président de l'association du 8 Mai 1945 ne le pense pas. Pour M. El Korso, une grande part de responsabilités incombe aux historiens français. «Il est de leur devoir aussi d'écrire l'histoire de leur pays en toute objectivité. Il faut assumer et répondre de ses actes, aussi abominables soient-ils, devant l'histoire et l'humanité entière. C'est le strict minimum qu'exige la recherche scientifique, à savoir l'objectivité de traiter un acte historique». Plus explicite, Mohamed El Korso ajoute: «la première démarche que les historiens français doivent faire c'est de définir correctement les concepts. Or, jusqu'à présent, ils n'ont pas jugé utile de classer les massacres de l'est du pays de crimes contre l'humanité. Pis encore, ils persistent davantage à falsifier l'histoire, celle de deux pays». Ainsi, pour qu'il y ait pardon entre les deux pays, «il faut que la France reconnaisse qu'elle a commis un génocide en Algérie». Et comme l'a si bien dit le maire de Paris lors de sa dernière visite en Algérie : «On ne s'abaisse pas quand on reconnaît ses crimes». Citation à méditer.