La France semble admettre son passé, tout son passé. Après la vive polémique qu'a soulevé, le vote par le Parlement français d'une loi « qui ne fait référence qu'au côté positif de l'étape coloniale », la France semble se réconcilier avec l'histoire en voyant se dérouler sur son sol des manifestations commémorant les tragiques événements du 8 mai 45. Expositions d'information, rencontres-débats, expositions, colloques, cérémonies de recueillement et projections de films documentaires, sont autant d'activités prévues dans l'Hexagone pour marquer la commémoration des massacres du Nord constantinois, le 8 mai 45. Le mouvement associatif, dont l'Association de promotion des cultures et des voyages Apcv de Saint-Denis, est d'ores et déjà massivement mobilisé afin d'impliquer la communauté émigrée dans la célébration de cette date que la France semble enfin encline à admettre dans «la présence française outre-mer». Ce collectif dénommé 8 mai 45 a ainsi défini un programme portant sur la diffusion de prospectus d'information retraçant l'historique de ces massacres qui ont fait près de quarante-cinq mille morts. Une cérémonie de dépôt de gerbes de fleurs à la mémoire de ces martyrs est retenue par le collectif qui prévoit également une exposition publique sur ce drame et la projection, le 9 mai, du film documentaire «Un certain 8 mai 1945». C'est dire donc la notable avancée accusée par le dossier «8 Mai 45», dans l'esprit de la société française, ou, hier encore, la simple dénomination d'un quartier francilien du nom des mêmes événements a suscité une vive réaction de la part d'une certaine aile politique bien assise dans la nomenklatura métropolitaine. Rappelons que pareille initiative revenait au maire de Paris, M.Bertrand Delanoë, lequel à la veille de cette date, désormais célébrée, était en Algérie pour une visite de travail mais dont la consonance politique et historique n'est plus à démontrer. D'autant que les observateurs n'ont pas manqué d'y relever la dimension hautement symbolique, historique, du maire socialiste qui a finalement livré sa pensée de citoyen sur la colonisation, un pan de l'histoire «particulièrement regrettable». Ce dernier, adepte au demeurant de la réconciliation, n'avait-il pas à l'occasion de son escale à Alger révélé: «Il faut oser la vérité face à un fait historique particulièrement regrettable (...) nous avons une histoire commune, cette histoire a créé des affections, mais aussi des souffrances et des blessures», avait-il souligné, pour conclure: «Quand des fautes sont commises tout le monde doit les regarder en face.» Ceci pour dire que le parti communiste français est particulièrement présent dans la consécration de faits d'une rare dureté face à un entendement qui se refusait depuis longtemps à l'évidence historique. De fait, le Parti communiste français organise ce 2 mai même, et en son siège, une rencontre placée sous le thème «Pour la mémoire, pour la vérité et pour la justice». Un colloque aura également lieu le 7 mai prochain à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, sous le thème : Il y a soixante ans: trou de mémoire coloniale et la société française d'aujourd'hui. Mais, face à ce déploiement éloquent de signes de réconciliation avec son histoire, n'est-il pas vrai que la France officielle avait déjà donné le là à une reconnaissance officielle des crimes commis à Guelma, Sétif et Kherrata. Ces dernières villes, où le 27 février dernier, l'Ambassadeur de France en Algérie, s'était personnellement rendu pour reconnaître et évoquer le douloureux passé: «La tragédie du Nord constantinois est inexcusable», avait-il déclaré.