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Corruption en cascade
BLIDA
Publié dans L'Expression le 29 - 05 - 2005

L'opinion publique est au courant des différentes affaires traitées par la justice jusqu'au moindre détail.
La cour de Blida, aussi bien procureurs que magistrats, et les services de la gendarmerie et de la police ont travaillé d'arrache-pied pour les traiter avec rapidité et efficacité, pour faire la lumière sur le scandale qui a éclaboussé la vie ordinaire. Blida, qui donne pourtant l'exemple en matière de maturation politique, de développement et de relance économique, n'est pas exempte malheureusement des vices de la corruption qui frappe généralement les grandes cités. L'opinion publique découvre, un peu stupéfaite, qu'à la tête de ce vaste réseau de trafic, de corruption, de malversations, de dépassements de la loi, se trouve le premier responsable de la wilaya qui s'était donné l'image d'un super wali au-dessus de tout soupçon. Il a traîné derrière lui des titres honorifiques et des références remarquables. Il est ancien moudjahid, ancien mouhafedh en prenant activement part à la défense du programme du président dans une wilaya meurtrie et ravagée par le terrorisme, et par la suite, une position courageuse dans le redressement du FLN, à tel point que Blida était devenue une plaque tournante en politique.
De grands rendez-vous y ont été tenus magistralement. L'influence du wali qui s'était taillé une réputation d'homme du sérail intouchable, est connue et appréciée de tous. Il aurait été même pressenti pour occuper un poste plus important. Certains ont parlé d'ambassadeur dans un pays voisin. Pour le moment tout allait bien et dans le meilleur des mondes. Il avait juré de passer même à une autre étape pour nettoyer la ville de la corruption et de laver le sol blidéen pour «rendre légale la prière». C'est lui qui avait dit que la «prière n'était pas agréée à Blida car sa terre était impropre et qu'il fallait d'abord la nettoyer». C'est lui qui avait aussi donné le feu vert pour lancer l'opération «mains propres» contre la «mafia du foncier» qui fait la loi dans la wilaya verte. Le terme est de lui. C'est dire qu'au plan aussi bien spirituel que matériel, l'homme donnait l'impression qu'il était plus qu'un commis de l'Etat, un guide, un chef.
Il a voulu maintenir cette image de marque, doublé d'un caractère hautain et sûr de lui jusqu'à sa démission. Ces derniers dires étaient les suivants: «Je suis propre et je n'ai rien à voir dans ces factures gonflées. Une seule chose dont je suis sûr, c'est que ma place se trouve au paradis.» Ou «je ne partirai pas sans emmener avec moi mon fils», après que ce dernier eut été pour la première fois interpellé par les éléments de la police.
Mais contre les preuves et les indices de son implication dans le scandale, toutes ces prétentions volent en éclats comme un château de cartes. Les affaires éclatent l'une après l'autre. Chaque jour apporte son lot. Toutes portent son empreinte en montrant qu'il est mouillé jusqu'au cou car tous les dossiers traités et les personnes arrêtées ont une relation avec celui qui était le premier magistrat de la wilaya.
Aujourd'hui, l'opinion publique est au courant des différentes affaires traitées par la justice jusqu'au moindre détail. D'autres affaires risquent d'éclater au grand jour.
On parle d'industriels et d'hommes d'affaires qui auraient bénéficié de largesses et de facilités du wali en contrepartie de biens immobiliers et véhicules de luxe et autres avantages.
Dans l'affaire des trois véhicules, l'implication du fils du wali et même de son père a été retenue par la justice. Comment trois véhicules de grande marque, deux Mercédès et un Touareg, qui faisaient l'objet d'une saisie, ont-ils été régularisés pour aboutir en possession du fils du wali? Derrière ce trafic particulier, il y a un certain Boukrid, l'homme central, devenu instrument aux mains du wali par qui le malheur arrive. Les auteurs de ce trafic, le fils du wali et ses complices, ont été les premiers à être inculpés et incarcérés, tandis que Boukrid court toujours. Dans son sillage, un conseiller du ministre de la Justice devait être inculpé et écroué pour faux et usage de faux. C'est-à-dire que la justice ne recule devant rien, y compris en essuyant devant sa porte.
La deuxième grande affaire a été celle de l'homme d'affaires Hadji qui a acquis un terrain à Khazrouna. L'enquête devait établir le lien entre cet investissement et l'achat par le wali et sa femme, de deux villas à Kouba et à Hydra et un autre appartement à Nice, appartenant à Hadji ce qui explique la compromission entre les deux hommes. Hadji a été écroué et son appel pour une mise en liberté refusé.
La troisième concerne les dossiers du CHU portant sur les factures gonflées des climatiseurs et des biens d'équipement causant la perte à l'institution sanitaire de 24 milliards de centimes. Plusieurs personnes sont inculpées et écrouées, dont l'ancien directeur.
Comme dans la première affaire des véhicules, l'homme providentiel de Blida, M.Boukrid est derrière ce commerce «macabre» dont les victimes sont en premier lieu les travailleurs et les malades de l'hôpital. C'est dire que rien n'arrête l'appétit de ces escrocs d'un genre particulier en visant l'argent public par tout moyen pour le détourner à leur profit. Leur arme privilégiée est de «manger» et de faire profiter leurs protecteurs.
Cette affaire devait aboutir également à l'arrestation d'un autre conseiller, de la présidence cette fois-ci, du nom de Saci Mourad, impliqué dans un trafic d'influence en liaison avec Boukrid. La question qui se pose est de savoir comment un homme aussi dangereux a-t-il réussi à nouer des amitiés solides avec le wali et les autres responsables tant locaux qu'au niveau central ? La quatrième, tout aussi importante que les autres, est l'implication de certains industriels dans des trafics de corruption. L'instruction menée dans la plus grande discrétion risque d'un moment à l'autre de révéler des surprises. Pour l'heure l'on relève que les passeports de ces industriels ont été confisqués pour les besoins de l'enquête et pour les empêcher de fuir à l'étranger.
La cinquième a porté sur la suspension des cinq présidents d'APC (Blida, Bouarfa, Oued El Alleug, Hammam Mélouane et O. Yaïch), impliqués directement dans l'affaire des factures gonflées pour l'achat des effets vestimentaires destinés aux familles démunies. Le DAL, le secrétaire général de l'APC de Blida, deux élus et le chef de parc ont été également suspendus dans l'attente de l'ouverture d'une instruction judiciaire. Elle a été programmée pour ce début de semaine. Comme dans l'affaire du CHU et de l'achat des véhicules saisis, Boukrid se trouve derrière ce grand marché «juteux». Le montant des factures gonflées démesurément, est de 23 milliards de centimes.
Autant de preuves qui ont été suffisantes pour établir un dossier solide et compromettant pour l'ex-wali qui devra répondre des accusations graves de corruption à grande échelle. Son dossier a été transmis, ce samedi selon des sources fiables, à l'instance suprême pour l'examiner et décider des suites à prendre. Ainsi, un premier épisode a pris fin pour être relancé probablement dans les prochains jours en vue de juger un wali qui se croyait au-dessus de la loi. Il est perçu à sa juste valeur par la population blidéenne. Gare à celui qui touche à la chose publique!
Plus de place aux corrupteurs est le souhait de tous. Pourvu que la lessive du printemps continue. Tout le monde trouvera sa prière sur un «sol purifié» et un environnement vraiment assaini.


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